Ce qui est affirmé dans le premier paragraphe a été confirmé par les Services aux Étudiants de l’UQTR, c’est-à-dire que la projection du film “Gaza Fights for Freedom”, prévue le 16 novembre, aurait bien été autorisée le 10 novembre, avant d’être annulé le 13 de ce même mois. L’utilisation du terme « génocide » dans les communications visant à promouvoir cette projection serait en cause, selon les SAE de l’UQTR, car elle ne permettrait pas « d’avoir un espace de dialogue sur des discussions de paix dans le monde. »
Nous sommes deux étudiantes de l’UQTR et une citoyenne à organiser une projection du film “Gaza Fights for Freedom” réalisé par Abby Martin (2019). L’activité qui avait été autorisée par les Services aux étudiants de l’UQTR le 10 novembre, a été retirée le lundi 13 novembre par le même service, en évoquant des craintes quant au sujet et à l’utilisation du terme “génocide” [les guillemets sont un ajout de la rédaction pour souligner le terme] dans nos communications. Ainsi, la salle qui nous avait été allouée a été suspendue pour ce jeudi 16 novembre. Nous souhaitons revenir sur ces malaises et les silences qu’ils occasionnent.
Qu’est-ce que l’annulation d’une activité éducative signifie pour une université, qui est censée être un lieu de discussion et de questionnements pour les citoyens et citoyennes de demain dans toutes leurs diversités? L’organisation de la projection avait pour motif d’offrir un espace d’information au sein de l’université, lieu de diffusion du savoir auprès du plus grand nombre. L’université défend la création d’opinions qui se forment en dehors de toute doctrine, la libre pensée. Par son refus, l’université se heurte à la raison même de son existence : elle entrave le droit à l’information.
Ce cas de censure institutionnelle n’est pas isolé, comme le démontrent plusieurs cas en Amérique du Nord face à la montée des évènements en solidarité avec la Palestine, qui demeurent invisibilisés. À Montréal, depuis octobre, des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées chaque fin de semaine pour demander un cessez-le-feu, sans grande couverture médiatique. De plus, pour faire taire les critiques, des amalgames sont faits entre les reproches envers Israël et l’antisémitisme. Dénoncer les politiques de l’État israélien et de son armée n’équivaut pas à s’attaquer aux communautés juives. D’ailleurs, des communautés juives comme Voix Juives Indépendantes Canada ou Jewish Voices for Peace aux États-Unis se battent pour dénoncer les violences commises par l’État d’Israël. La montée récente d’actes antisémites est extrêmement grave, et elle devrait tous nous inciter à réfléchir, se rassembler, et discuter ensemble des solutions pour promouvoir la sécurité de toutes nos communautés ici et ailleurs.
De notre côté, nous ne pouvons passer sous silence le génocide actuellement perpétré contre le peuple palestinien. Il importe de mettre en contexte que l’ONU a évoqué un “risque grave de génocide” à Gaza dès le 2 novembre, et plusieurs experts et expertes en droit international sonnent l’alarme. C’est le cas de Craig Mokhiber, directeur du bureau de New York du Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme, qui a remis sa démission le 28 octobre pour dénoncer les bombardements israéliens sur Gaza, qu’il a qualifiés de « cas exemplaire de génocide ».
En empêchant la projection d’un documentaire qui informe de la situation en Palestine, nous pensons que cela participe au silence. Or le silence n’est pas apolitique : celui-ci est une décision réfléchie qui renforce la légitimité des dominants tout en perpétuant l’oppression des groupes plus vulnérables. Le silence nous évoque la peur de perturber le discours qui nourrit le statu quo à l’échelle de notre université ou de notre gouvernement. Ce statu quo permet les bombardements incessants à Gaza, une bande de terre habitée par 2.3 millions d’habitants dont 40% ont moins de 14 ans sous blocus israélien depuis plus de 15 ans.
Pour s’informer, discuter, nous vous invitons à participer à notre projection qui aura donc lieu à l’extérieur de l’Université, au Backstore, dès 19h, ce jeudi 16 novembre.
Margaux Deroi, Étudiante en médecine à l’Université de Montréal en Mauricie et à l’UQTR
Louise Laigroz, Étudiante en loisir, à l’UQTR
Florie Dumas-Kemp, citoyenne