L’existence en question : Est-ce que le christianisme dénigre les droits des femmes ?

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Crédits Vanity Fair.

La servante écarlate (1985) est un roman de science-fiction vendu à 8 millions d’exemplaires (dans sa version anglaise seulement) et son adaptation à la télévision a connu encore plus de succès. Margaret Atwood s’y est plu à caractériser la foi chrétienne comme un instrument d’oppression de la femme. C’est dire à quel point le préjugé contre les institutions chrétiennes touche un nerf sensible dans la société, et que le projet d’exploiter ces peurs en fait un sujet lucratif. Mais est-ce que ce scénario dystopique correspond un tantinet à la réalité ?

Il est vrai qu’il fut un temps où l’Église catholique au Québec exerçait des pressions pour que les familles aient de nombreux enfants et qu’elle contrôlait ainsi la capacité reproductive des femmes. Mais est-ce que Jésus aurait appuyé ces comportements abusifs ?

L’Égalité homme-femme découle de la révolution chrétienne

Étonnamment, la trame de l’histoire décrite dans La servante écarlate, c’est-à-dire l’idée d’un homme qui couche avec des esclaves sexuelles, correspond précisément aux mœurs sexuelles de la société romaine que les textes fondateurs du christianisme ont condamnées et interdits (1). Décidément, il semble que toutes les raisons sont bonnes pour les détracteurs du christianisme : tantôt on le critique d’être rabat-joie en limitant la sexualité au cadre du mariage et ici on l’accuse d’encourager l’esclavage sexuel.

Dans son livre Dominion, l’historien Tom Holland, qui n’aborde pas le sujet d’une perspective favorable au christianisme, en est venu à la conclusion que les valeurs occidentales sont largement tributaires des idéaux chrétiens. En fait, il défend en particulier la thèse que les deux parties opposées au débat sur le genre et la sexualité s’appuient également sur des notions chrétiennes :« Que chaque être humain soit égal en dignité était loin d’être une vérité évidente. Un Romain aurait ri de cela. Cependant, de faire campagne contre la discrimination fondée sur le genre ou la sexualité, cela nécessitait qu’une grande proportion de la population partage la même notion que tous possèdent une valeur intrinsèque. L’origine de ce principe… ne repose pas sur la Révolution française, ni sur la Déclaration de l’indépendance, ni sur la Renaissance, mais sur la Bible. »(2)

La dignité humaine et l’égalité homme-femme ne découlent pas de la nature

On retrouve dans les premières pages de la Bible un texte phare qui confère à l’homme et à la femme la même dignité et la même bénédiction liée au fait d’être uniquement créés avec certains attributs en commun avec Dieu. On y lit que “ Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image… » Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa. Dieu les bénit… ” (Genèse 1:26-28, Bible de Jérusalem).

En tant qu’humain, on a beau appartenir à la classe des mammifères, mais ce texte affirme que nous ne sommes pas seulement des mammifères. Dans la pensée matérialiste, la théorie de l’évolution remplace le récit de la création. Il me semble que les deux ne sont pas nécessairement exclusifs et que l’être humain a pu émerger d’un processus évolutif dans lequel Dieu est intervenu pour conférer aux humains des attributs qui les mettent à part des autres espèces.

Point de vue d’un athée emblématique

Pour un athée tel que Yaval Harari, les concepts des Droits de l’homme et de l’égalité en dignité de tout être humain ne sont que des affabulations — des créations humaines permettant une meilleure cohésion sociale. Mais si, comme il l’exprime, « l’homo sapiens n’a pas de droits naturels, pas plus que n’en ont les araignées, les hyènes et les chimpanzés »(3), alors pourquoi se soucier de la survie des plus faibles (les enfants ou les personnes handicapées), pourquoi se soucier de l’injustice envers les plus vulnérables (Black Lives Matter, #MeToo) ou de l’oppression des minorités (les Rohingyas, les autochtones ou même les Québécois) ? Et en ce qui concerne le sujet de cet article, pourquoi se soucier des droits des femmes.

Sur le plan strictement de la nature, il se trouve que les hommes sont presque toujours physiquement plus forts que les femmes. Pourquoi dans ce cas prétendre qu’elles sont naturellement égales aux hommes ? S’il y a égalité, celle-ci provient d’ailleurs que de la nature ! Si notre but naturel est ultimement de propager notre ADN, alors sur qu’elle base peut-on s’objecter à un viol, surtout s’il est commis envers un autre groupe ethnique ? McLaughlin ajoutait : « Les féministes s’opposent avec raison à ce que les femmes soient traitées comme un utérus sur deux jambes dont la seule valeur repose sur leur pouvoir reproducteur. Mais si l’évolution est notre seule origine, cela est précisément ce que nous sommes, nous les femmes. »(4)

Le féminicide est étranger au Christianisme

Rappelons-nous que, dans l’antiquité gréco-romaine, le taux d’infanticides ciblant les filles était très important puisqu’elles étaient jugées de moindre valeur que les garçons. On en retrouve des évidences dans une lettre qu’un soldat romain écrivait à sa femme en l’an 1 avant notre ère. Cet échange est généralement sympathique outre les instructions exprimées avec désinvolture au sujet de sa grossesse : « Avant tout, si tu accouches et que l’enfant est mâle, garde-le, s’il est femelle, jette-le dehors. »(5)

La pratique de laisser mourir un bébé de sexe féminin nous est étrangère, mais cette idée est encore répandue dans les deux pays les plus populeux de la planète qui n’ont justement pas été significativement influencés par le christianisme. Là comme ailleurs, la violence envers les femmes et le refus de leur accorder le droit fondamental de vivre commence dès avant la naissance. En Chine, les avortements sélectifs ont entrainé un déficit de 35 millions de femmes par rapport au nombre d’hommes. En Inde, le déficit s’élève à 25 millions de filles . (6)

L’accueil de Jésus envers les petits enfants

Paradoxalement, l’accueil de Jésus envers les petits enfants a choqué les gens de son époque. On lit dans les Évangiles qu’il avait fait des reproches à ses disciples qui interdisaient aux gens de lui amener leurs enfants pour qu’il les bénisse : « Jésus, voyant cela, fut indigné, et leur dit : Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez pas ; car le royaume de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent. Je vous le dis en vérité, quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit enfant n’y entrera point. » (7) Rebecca McLaughlin explique que ce comportement contre-culture a fait dire à un professeur de pédiatrie de l’Université de Pennsylvanie (qui n’est pas chrétien) :

« À l’époque de Jésus… les sévices envers les enfants, selon un historien, étaient  » le vice criant de l’Empire romain « . L’infanticide était répandu ainsi que l’abandon… Hypocrate n’a jamais mentionné les enfants. C’est parce que les enfants étaient considérés comme une propriété, tout comme les esclaves. Mais Jésus a défendu les enfants. Il s’est soucié d’eux alors que son entourage ne le faisait généralement pas. » (8)

McLaughlin explique par la suite, et l’espace nous manque pour ajouter ces détails, comment au fur et à mesure que le message de Jésus s’est répandu dans l’Empire, des lois ont aussi été promulguées pour accorder des droits aux femmes et aux enfants.

Que dire alors de la soumission demandée aux femmes ?

Certains diront que c’est ici l’argument massue. Les paroles de Paul que l’on retrouve dans le Nouveau Testament ne viennent-elles pas confirmer sans ambiguïté la croyance que le Christianisme a objectivement institutionnalisé la dévalorisation de la femme par rapport à l’homme ? Le texte fondateur ne dit-il pas : « Femmes, que chacune soit soumise à son mari, comme au Seigneur… » ?

(Lettre de Paul aux Éphésiens, 5.22) Je recommande au lecteur de lire le texte dans son contexte pour éviter d’en faire un prétexte malhonnête.

Dans les versets suivants, Paul demande aux maris de soumettre eux aussi, et de manière encore plus sacrificielle, leurs intérêts et ambitions au bien-être de leur femme : «  Maris, que chacun aime sa femme, comme Christ a aimé l’Église, et s’est livré lui-même pour elle ». C’est la portion qui manque au scénario fallacieux présenté par La servante écarlate.

Bibliographie

  1. Évangile de Matthieu 19:4-5 “4 Il répondit : N’avez-vous pas lu que le créateur, au commencement, fit l’homme et la femme 5  et qu’il dit : C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à SA femme [et non pas à SES femmes], et les deux deviendront une seule chair ?”
    Plusieurs des idées de cet article sont inspirées du livre de Rebecca McLaughlin, The Secular Creed : Engaging Five Contemporary Claims (Chapitre 4 : Women’s Rights Are Human Rights). The Gospel Coalition. Kindle Edition.
  2. Tom Holland, Dominion: How the Christian Revolution Remade the World, Basic Books, 2019, p. 494.
  3. Yuval Noah Harari, Sapiens: Une brève histoire de l’humanité, Albin Michel Littérature (2015), p. 127
  4. McLaughlin, Kindle Edition, pp. 59-60.
  5. Lettre d’Hilarion à sa femme Anis, P.Oxy. 4.744, http://www.papyri.info/apis/toronto.apis.17
  6. Elaine Storkey, Violence against Women Begins in the Womb, Christianity Today, May 2, 2018 https://www.christianitytoday.com/women/2018/may/violence-againstwomen-begins-in-womb-abortion.html
  7. Évangile selon Marc 10:14-15
  8. Paul A. Offit, Why I Wrote This Book: Paul A. Offit, M.D., Bad Faith: When Religious Belief Undermines Modern Medicine, Hamilton and Griffin on Rights, March 17, 2015, https://casetext.com/analysis/why-i-wrote-this-book-paul-a-offit-md-bad-faith-when-religious-belief-undermines-modern-medicine

 

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