Cette semaine, je préparais une chronique sur les difficiles relations entre le Michel-Sarrazin et le restant de l’université. L’actualité étant ce qu’elle est, les évènements que je n’ai pas besoin de rappeler me forcent à revoir mes plans.
Je vous avertis en commençant, je n’ai pas eu la chance de connaitre Roxanne Boisvert. J’aurais donc peu de crédibilité pour lui rendre justice dans un éloge. Cet honneur sera celui de ceux et celles qui ont participé à la murale et qui ont pris le temps de nous transmettre un texte. Ils lui rendront beaucoup mieux justice et j’irais jusqu’à dire que ce genre de démarche leur est nécessaire.
Mon retrait représente justement la question que j’aimerais aborder. Essentiellement, quand une communauté fait face à une telle tragédie, la parole doit être remise à ceux qui sont touchés de près. J’entends par là les personnes qui souffrent le plus, qui ont perdu quelqu’un qu’ils connaissaient bien et qui vivent un certain traumatisme. Ils ont besoin de donner un sens à l’absurdité de cette histoire. La population se doit donc d’être à leur écoute et de leur laisser l’espace nécessaire pour faire leur deuil.
Les vautours
Quelle est la nécessité de ces mises au point? C’est que pour certains groupes d’intérêts, il s’agit du moment rêvé pour faire avancer leur idéologie, ou même simplement leur carrière. Ce genre de drame violent et absurde a probablement toujours eu lieu, mais il a pris une certaine forme dans les dernières décennies en Occident, et certaines constantes se dégagent. Je pense notamment aux lobbys pro et anti-armes. Étant personnellement proche de la seconde idéologie, je répugne néanmoins à voir des gens défendre l’opinion que je partage au visage de personnes accablées comme en ce moment.
Même chose du côté des pseudo-experts, on les verra saisir l’occasion pour se donner de la visibilité. Ils tenteront de rationaliser le comportement des meurtriers à coups de théories toutes plus farfelues les unes que les autres. Le pire, c’est qu’ils gagnent généralement un certain auditoire, parce qu’ils semblent mettre un peu de sens dans ce fouillis de sentiments contradictoires.
Je dis «semblent», parce que tout ce qu’ils réussissent à faire, c’est trouver des boucs émissaires, des coupables qui seront disponibles pour le défoulage populaire. Par exemple, j’ai entendu parler d’un prétendu expert, invité à une émission de radio, qui prétendait que les vrais coupables étaient les parents des deux présumés meurtriers. Ceux-ci auraient dû avoir la clairvoyance de réaliser que leurs rejetons étaient des meurtriers en puissance et agir avant les faits. C’est déjà ridicule comme théorie, mais l’intention derrière cette énonciation me semble de plus bien peu altruiste.
Je pourrais m’étendre longuement sur le sujet, mais j’en reviens à dire que l’emphase doit être mise sur le deuil que vivent les gens. Il est d’ailleurs agréable de voir ce que les différents acteurs de notre université ont réussi à mettre en place en si peu de temps. Qu’on pense à la fameuse murale, à l’ouverture aux textes dans le journal ou aux carrés orange, on voit que notre milieu associatif ne lésine pas sur les moyens pour rendre un dernier hommage à l’une des siens. Mes sincères félicitations à ceux et celles qui s’y sont activés ces derniers jours. J’en profite aussi pour souligner l’initiative de l’administration en ce qui concerne la cérémonie de lundi. Ce n’est pas parce que je les ai égratignés dans mes dernières chroniques qu’ils font juste des mauvais coups.
Légitimité
Parlant de mes récents coups de gueule, je voudrais revenir sur un élément de ma dernière chronique. En fait, je voudrais apporter une précision à propos de la légitimité de l’exécutif dont j’ai parlé dans ma dernière chronique. Je crains avoir ouvert la porte à une certaine interprétation de mes propos. En effet, loin de moi l’idée d’exiger la tête des exécutants actuels. Dissoudre l’exécutif à un mois du déclenchement des élections officielles serait l’archétype de la perte de temps et d’énergie.
Je visais seulement par là à souligner que, si les statuts et règlements généraux de l’AGE ne différencient pas légalement un exécutant élu au suffrage universel et un nommé en conseil d’administration, il reste quand même une différence morale. En effet, un est représentatif de l’ensemble des étudiants alors que l’autre ne représente en quelque sorte que le CA lui-même. Je pense donc qu’un officier nommé doit se garder une certaine gêne dans le lancement de nouveaux projets. Il se doit de garder en mémoire qu’il n’a pas concrètement reçu l’aval des étudiants, ce qui doit se refléter dans sa manière de concevoir son travail.
Il n’est ainsi pas question de la composition de l’exécutif dans son ensemble. J’espère justement voir ceux en mal de légitimité morale se présenter aux élections à venir.