
Bien que le cinéma soit majoritairement perçu comme un divertissement, il y arrive que certains films de par leurs thématiques nous transportent de manière introspective vers des questionnements personnels. C’est le cas du drame psychologique de Paul Thomas Anderson, Magnolia (1999).
Ce film choral est composé de nombreux acteurs de renom tels que Tom Cruise, Philip Seymour Hoffman, Julianne Moore, Jeremy Blackman ainsi que John C. Reilly pour ne nommer que ceux et celles-ci. Pour celleux qui ne seraient pas familiers ou familières avec le terme choral, il s’agit en fait du genre cinématographique où de nombreux personnages s’entrecroisent sans nécessairement se connaître et où leurs destins sont liés. On peut penser à The Thin Red Line (1998), Pulp Fiction (1994) ou encore 21 Grams (2003).
Réalisé en 1999, Magnolia est le troisième long-métrage de Paul Thomas Anderson. Connu pour son cinéma hyper réaliste et parfois aride pour certaines personnes en raison de ses thématiques récurrentes que sont les problèmes familiaux, la solitude, les regrets, ainsi que l’aliénation. Anderson a réalisé de nombreux chefs-d’œuvres dont There Will Be Blood (2007), The Master (2012) Inherent Vice (2014) ainsi que Phantom Thread (2017).
Magnolia, une mise en situation
Comme tout bon film choral, l’histoire, si c’en est une, est principalement accessoire à la mise en place des émotions des divers personnages. C’est pourquoi il est extrêmement difficile de décrire l’histoire de Magnolia. Chacun des personnages a son histoire et tous sont marqués par le regret, la solitude, mais aussi la recherche du bonheur. Comme premier tableau, il y a Earl Partridge (Jason Robards), et son infirmier Phil Parma (Philip Seymour Hoffman). Phil s’occupe de donner les soins de fin de vie à Earl, qui, malgré la maladie, tente de mettre de l’ordre dans sa vie avec sa conjointe dépressive Linda (Julianne Moore) et son fils misogyne Jack (Tom Cruise).
D’un autre côté, nous retrouvons Jimmy Gator, vieil animateur de jeu-questionnaire télévisé atteint du cancer qui, entre le tournage de ses émissions, tente de se réconcilier avec sa fille Claudia (Melora Walters) aux prises avec des problèmes de toxicomanie. Finalement, nous retrouvons Quiz Kid Donnie Smith (William H. Macy) et Stanley Spector (Jeremy Blackman) deux individus qui dans le passé et le présent ont participé au jeu télévisé de Jimmy Gator, What Do Kids Know?
Magnolia, le côté anxiogène du regret
Nous retrouvons deux vieux hommes atteints de maladies incurables dont tous les deux, par leurs choix de vie, vont bouleverser le cours de l’existence de leur enfant et se retrouver, à la veille de leur mort, dans une remise en question empreinte d’angoisse. Tout comme le personnage de Victor Sjöström dans le film Wild Strawberries de Ingmar Bergman, ces deux hommes vont devoir faire face aux conséquences de leurs actes. Pour l’un, il s’agit de l’abandon d’un enfant et l’adultère, tandis que pour l’autre, il s’agit d’inceste. Tous deux pris de regrets et de remords vont tenter de renouer avec leurs proches sans réel succès.
Magnolia et l’échec parental
Bien qu’une partie du film porte sur le regret et la solitude de Earl et de Jimmy, l’une des principales thématiques de Magnolia est l’échec parental, mais plus particulièrement, les conséquences de l’échec des parents sur la destinée des enfants. Dès les premières images du film, nous retrouvons Jack, manipulateur misogyne donnant des conférences à des hommes afin d’avoir plus de succès avec les femmes. Ici, bien évidemment, Paul Thomas Anderson ne fait pas l’apologie de la misogynie, mais pourrait malgré tout choquer certaines personnes selon les sensibilités actuelles…
Lors d’une entrevue avec une jeune femme noire qui le déstabilise en lui parlant de sa mère décédée et comment celui-ci s’est occupé de sa mère mourante. Cette révélation le perturbe et le choque. Nous comprenons que sa misogynie reflète cette peur d’être abandonné comme il a été psychologiquement abandonné par la seule femme qu’il ait réellement aimée lors de la mort de sa mère et l’indifférence de son père face aux émotions qu’il a ressenties.
D’un autre côté, nous retrouvons Claudia, jeune femme toxicomane ayant recours, selon les apparences, à la prostitution afin de subvenir à ses besoins. À la suite d’une plainte pour nuisance, Claudia va faire la rencontre de l’officier Jim Kurring (John C.Reilly), et cette rencontre va l’aider à surmonter les démons qui la hantent et la détruisent de l’intérieur. Malgré les tentatives de réconciliation par son père, Claudia n’est pas en mesure de pardonner à son père mourant en raison des abus dont elle a été victime et dont Jimmy ne semble pas se souvenir parfaitement, en raison des abus d’alcool.
Finalement, nous retrouvons le jeune prodige Stanley qui afin de plaire à son père participe à l’émission télévisée de Jimmy Gator. Cependant, celui-ci partage la même destinée que Donnie Smith, ancien champion du jeu télévisé dans les années 60 dont les parents ont volé l’entièreté de l’argent que le jeune homme avait gagné.
Des parents brisés qui brisent leurs enfants
En somme, Magnolia est un film portant sur les abus parentaux et les ravages que ceux-ci provoquent chez les enfants et comment ceux-ci, dépourvus de figures aimantes, se retrouvent confrontéEs à la solitude et à l’amertume d’une vie qui peut parfois être terriblement longue. Et le film pose ultimement cette ce questionnement: «You can forgive someone. Well, that’s the tough part. What can we forgive? Tough part of the job. Tough part of walking down the street.» («Tu peux pardonner quelqu’un. Ça, c’est la partie difficile. Qu’est-ce qu’on peut pardonner? C’est la partie difficile du travail. La partie difficile de marcher dans la rue.»)
En conclusion, Magnolia est un film magnifiquement réalisé par l’un des réalisateurs les plus talentueux de notre époque et mérite une attention particulière malgré ses 189 minutes.
Suggestions de la semaine
1- The Master (2012), Paul Thomas Anderson
2- Happiness (1998), Todd Solondz
3- 25th Hour (2002), Spike Lee
4- Deux jours à tuer (2008), Jean Becker
5- 21 Grams (2003), Alejandro González Iñarritu