Cette semaine, dans ma chronique cinéma, je vais aborder le film Malcolm and Marie. Ce film aborde certaines questions relatives à la notion de genre et la place des gens de couleur au sein du cinéma américain. En raison de la sensibilité qu’engendrent ces questions actuellement dans la société, je vais me contenter de relater les propos et les questions soulevées sous forme de questions ouvertes.
Sorti le 5 février dernier sur la plateforme numérique Netflix, Malcolm and Marie est le troisième long métrage du réalisateur américain Sam Levinson. Il s’agit du premier film hollywoodien à avoir entièrement été écrit et réalisé pendant la pandémie de la COVID-19. Afin d’assurer la sécurité de l’équipe de réalisation et de l’acteur John David Washington et de l’actrice Zendaya, le film a été entièrement filmé à un seul endroit sous forme de huis clos. Sam Levinson est principalement connu pour avoir écrit, réalisé et produit la série américaine Euphoria depuis 2019. En raison de la pandémie, la production de la seconde saison d’Euphoria, mettant en vedette Zendaya, a été mise sur la glace. C’est pour cette raison que le projet de film Malcolm and Marie a vu le jour.
Malcolm and Marie est un drame romantique et psychologique réalisé en noir et blanc et filmé sur pellicules 35mm. Dans ce film, Sam Levinson traite de sujets similaires à ceux présents dans Euphoria, la dépression, les idées suicidaires, la dépendance à l’alcool et aux drogues. Marie, magnifiquement interprétée par Zendaya, est un personnage qui se situe dans la continuité de celui qu’elle interprète dans la série. Est-ce un manque d’originalité de la part de l’auteur? Je ne crois pas, puisque ça fonctionne parfaitement.
Des discussions sur l’identité noire et sur le genre
À la suite de la soirée de la première médiatique de son premier long métrage, Malcolm (John David Washington) retourne chez lui avec sa copine Marie (Zendaya). À leur arrivée à la maison, Malcolm parle abondamment de sa perception de la soirée et des nombreuses discussions qu’il a eues avec plusieurs critiques du milieu cinématographique. Il se réjouit que les critiques blanches aient aimé son film.
Par un long monologue effectué par Malcolm, Sam Levinson effectue une violente tirade contre les critiques du cinéma actuels. Il pose notamment la question à savoir si un film est réalisé par un homme noir, est ce que ça fait de ce film une œuvre politique? Est-ce que Spike Lee ne fait que du cinéma politique? Selon la critique, son film porte sur le traitement déplorable réservé aux femmes de couleur dans le réseau de la santé aux États-Unis.
Pour le personnage de Malcolm, il refuse cette étiquette, puisque pour lui, il s’agit d’une histoire universelle mettant en scène une femme qui tente de reprendre sa vie en main suite à des problèmes de toxicomanie. Il critique notamment la notion de double standard de genre et pose la question suivante; pourquoi un homme de couleur qui fait un film sur une femme noire est critiqué, car il est un homme, mais encensé, car il est noir?
En somme, est-ce habile, de la part d’un réalisateur blanc de traiter de cette manière de l’hypocrisie de la critique cinématographique américaine actuelle dans un contexte de tensions raciales? Est-ce qu’un film doit toujours avoir un sens ou un message profond? Pour Malcolm, la réponse est non: «Cinema doesn’t have to have a message it needs to have a heart and electricity».
Avant tout une histoire d’amour
Malgré toutes ces questions, Malcolm and Marie est avant tout, une histoire d’amour conflictuelle entre deux êtres. À la suite de la soirée, Marie reproche à Malcolm de l’avoir délaissée durant toute la soirée, mais aussi durant le processus de production du film. Elle se désole de ne pas avoir été remerciée lors du discours de Malcolm, lui reprochant d’avoir remercié tout le monde sauf elle. Elle l’accuse d’avoir utilisé sa vie privée, ses problèmes de drogues et sa tentative de suicide afin d’écrire son scénario. On assiste à de nombreuses scènes de disputes assez violentes verbalement.
D’un côté, Malcolm est un être profondément narcissique et égoïste, et adopte des comportements parfois abusifs envers Marie. Il lui reproche son infidélité et son manque de considération, puisqu’il a toujours été là pour la soutenir durant ses tentatives de sobriété et même lors de sa tentative de suicide.
De son côté, Marie lui reproche d’être négligent et d’être un artiste médiocre qui n’a rien à dire de nouveau: «You’re a fucking fraud» («Tu es un putain d’imposteur»). Elle lui reproche de ne pas l’avoir prise comme actrice dans son film. Non pas par jalousie, mais bien par abandon. De manière cathartique, elle aurait été la meilleure pour jouer le rôle, puisque c’est sa propre vie.
Une appréciation mitigée
En somme, Malcolm and Marie est un film qui me rend quelque peu perplexe. Tout d’abord, je le conseille principalement à tous les adeptes de cinéma qui sont intéressé.e.s à réfléchir sur les différentes questions concernant la critique. De plus, Zendaya et John David Washington nous offrent deux excellentes prestations. Cependant, bien qu’il s’inscrive dans la lignée de films portant sur les relations amoureuses conflictuelles telles que Blue Valentine (2010), Marriage Story (2019) ou encore Possession (1981), on finit quelque peu par être essoufflé après près de 1 heure 46 de disputes et de cris.
Suggestions de la semaine
1- Blue Valentine (2010), Derek Cianfrance
2- Marriage Story (2019), Noah Baumbach
3- Blue Jay (2016), Alex Lehmann
4- The Silence of the Lambs (1991), Jonathan Demme
5- Une colonie (2018), Geneviève Dulude-De Celles