Michael Bournival : Accrocher les patins pour décrocher le diplôme

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Michael Bournival alors qu’il portait les couleurs de notre Sainte-Flanelle. Crédit photo : All Habs Magazine

Nous sommes le 17 octobre 2013 et je suis assis chez moi, devant le téléviseur. À l’époque, j’ai 18 ans et j’en suis à ma première année de cégep à Saint-Hyacinthe. Je profite de ma soirée pour m’asseoir devant le téléviseur avec mon chandail rouge du Canadien lettré «Kovalev» et chiffré «27». Je ne me rappelle pas parfaitement, mais je dois être en train de plonger ma main dans un sac de croustilles ou de jouer sur mon cellulaire… Quoi qu’il en soit…

«SON TIR ET LE BUT!»

Pierre Houde vient de me faire faire le saut comme il le fait trop souvent. Mes sauts préférés! Je lève les yeux. Le numéro 49 des Canadiens vient de déjouer Sergei Bobrovsky entre les jambières. On récupère la rondelle. Il la gardera en souvenir de son premier but dans la ligue nationale de hockey.

À ce moment précis, je suis assez loin de me douter que 6 ans plus tard, la recrue qui ne sera déjà plus vétéran, qui sera déjà poussé à la retraite par les vicieuses et insidieuses blessures du hockey qui régulent le monde du sport professionnel, sera assis devant moi, dans la cafétéria de l’Université du Québec à Trois-Rivières.

15 novembre 2019

Je prépare l’entrevue une trentaine de minutes avant que Michael Bournival vienne me rejoindre. Je fais quelques recherches sur la toile. J’y apprends que l’annonce de la retraite de Michael est encore récente, qu’elle s’est faite officiellement en juin dernier. J’en déduis que la plaie ne doit pas être encore tout à fait fermée non plus. Que mon sujet pourrait entretenir une rancœur envers ce sensible sujet.

J’anticipe que Michael doit se battre chaque jour pour ne pas penser à ce qu’il a dû laisser derrière lui, à ce que la vie lui aura permis de goûter sans pouvoir déguster. Cette carrière de hockeyeur dont tous.tes les fans de hockey ont un jour rêvé.

Si la santé ne suit pas, tout le reste peut sembler futile.

Aujourd’hui, en raison des blessures et des circonstances, cette carrière ne fait que meubler les rêves de Michael. Tandis que je suis perdu à m’imaginer moi aussi battre Sergei Bobrovsky, Michael me rejoint.

Avant même qu’il ait le temps de s’assoir, je le félicite. Mettre une croix sur une carrière comme celle qui lui était destinée afin de revenir au bas de l’échelle, sur les bancs d’école, relève de l’exploit. Ce choix à lui seul témoigne de l’humilité et de la motivation du Trifluvien. Il me fait rapidement comprendre que pour lui, le choix s’est imposé de lui-même. Qu’il a pris plusieurs années pour y songer, pour y penser. 

Ceci explique cela

Maintenant que je sais que mon interlocuteur fait partie de la même association étudiante que moi, qu’il est étudiant de première année en kinésiologie, je lui demande pourquoi il a décidé de revenir aux études. Je veux savoir ce qui a fait pencher la balance.

Dans un premier temps, il me parle de sa dernière année dans la ligue américaine, avec le Crunch de Syracuse, où il n’y a joué que cinq matchs : «Durant cette dernière année-là, en jouant peu de matchs, j’ai pu retrouver un état de santé que je croyais perdu à jamais.»

«Perdu», «à» et «jamais». Les mots, ô combien puissant, résonnent dans ma tête comme la voix de Michel Lacroix qui annonce un but du tricolore.

C’est à ce moment précis que j’ai compris que l’on a beau avoir tout ce que l’on a désiré, une carrière de hockeyeur, la popularité et la gloire qui viennent avec, mais que si la santé ne suit pas, tout le reste peut sembler futile. Je crois sincèrement qu’il y a une belle leçon de vie à retenir derrière le choix de Michael.

Comme s’il m’avait entendu penser, il poursuit :«J’y ai vite pris goût, me lever le matin sans être étourdi, ne plus avoir mal à la tête… Je crois que c’était pour moi la plus grande richesse. J’ai choisi de privilégier ça plutôt que de retourner mettre ma santé en péril dans la ligue américaine». 

BAM! Michael venait de dire tout haut ce que je pensais tout bas, deux paragraphes plus haut. Je crois qu’il s’arrête là, mais il poursuit. L’ex-hockeyeur mentionne une deuxième raison qui l’a amené à reconsidérer son avenir, une raison âgée de neuf mois aujourd’hui.

«La naissance de ma fille m’a aussi fait réfléchir beaucoup. Je me suis dit qu’elle aurait le droit d’avoir un père en santé, que je lui devais ça et que désormais, je ne pouvais plus penser qu’à ma petite personne puisqu’elle dépendrait de moi».

Encore une fois, Michael me confie le tout sur le ton de la sincérité. Je le sens et je l’entends. Je suis aussi surpris de ne pas percevoir, dans son ton de voix, des élans de nostalgie d’une carrière morte et enterrée. Il n’y a plus de doute pour moi, le Shawiniganais de souche a fait son deuil et contemple l’avenir plutôt que de regarder derrière lui.

Pourquoi la kinésiologie et les défis de l’université ?

Je lui demande pourquoi avoir choisi la kinésiologie pour ses études universitaires, Michael me répond : «Disons que j’ai toujours été un passionné d’entraînement, je trouve ça très intéressant de voir tous les liens que je peux faire en classe. J’apprends pourquoi mes entraîneurs physiques me faisaient faire tel ou tel mouvement, ça me passionne».

Tout à fait logique. Comme me l’avait dit Jean-François Brunelle, préparateur physique des Patriotes qui avait pris Michael sous son aile alors qu’il était chez les Cataractes de Shawinigan, dans le junior majeur. Michael était un passionné d’entraînement. Il était aussi un étudiant assidu, apparemment. Il était l’exemple à suivre pour d’autres joueurs, qui faisaient plutôt office de touristes dans leur programme. 

Je me doutais donc, suite à ma conversation avec Jean-François, de la réponse de Michael à ma question suivante à savoir s’il trouvait le retour aux études difficiles. Le principal intéressé m’a vite répondu que «non». Que pour lui, c’était facile puisqu’il se donne des routines et des méthodes de travail qu’il respecte assidûment.

«Disons qu’entre m’occuper de ma fille, passer du temps avec ma blonde, entraîner mes joueurs du Séminaire Saint-Joseph et étudier, il ne me reste plus beaucoup de temps à perdre».

Encore une fois, sa dernière réponse témoigne, à elle seule, de toute la persévérance et la volonté de l’ancien numéro 49 du tricolore. Je lui demande ensuite s’il se sent «en retard» par rapport à ses collègues de classe. Il me répond que ses années passées à s’entraîner entre Hamilton, Montréal, Tampa Bay et Syracuse lui ont donné du bagage et des savoirs qu’il peut réinvestir dans ses études. C’est ce qui le fascine. Disons que, même s’il n’étudiait pas pendant ses années comme professionnel, Michael y a tout de même fréquenté «l’école de la vie». Parfois, cette dernière peut s’avérer encore plus enrichissante que n’importe quel cours ou programme collégial.

Michael me parle ensuite de son train de vie par rapport à celui de ses collègues : «Je ne suis pas à la même place qu’eux. Eux sortent et font la fête alors que moi je m’occupe de ma petite famille. Je les entends dire qu’ils se lèvent à midi alors que moi, je suis debout à six heures pour étudier. Je n’ai absolument rien contre ça, mais disons que je ne suis pas au même stade qu’eux, je ne peux pas me permettre de perdre mon temps.»

Plus tard, Michael ne se voit pas poursuivre à la maîtrise ou au doctorat. Après avoir quitté la glace, il a hâte d’être sur le terrain, il est un sportif polyvalent. Il dit vouloir travailler auprès d’athlètes. Tiens, tiens… Redonner à ceux qui l’ont aidé. Donner au suivant. Michael est maintenant un étudiant au coeur grand.

Réminiscence du passé ou optimisme du futur

Je termine l’entrevue, un peu comme à Tout le monde en parle, en lui posant «la question qui tue», celle qui me taraude depuis que mon interlocuteur est assis près de moi…

«T’arrive-t-il de t’ennuyer du hockey? Repenses-tu à ta carrière parfois?»

Michael me répond rapidement, sans y penser, comme si la réponse allait de soi : «J’ai eu quatre ans pour voir la mort de ma carrière venir, j’ai eu le temps de bien faire mûrir ma décision, j’entrevois trop de bonheur dans le futur pour m’apitoyer sur le sort de mon passé».

Ouf. Ça a l’avantage d’être clair. Michael et sa carrière de hockeyeur se sont quittés en bon terme. Ils n’entretiennent plus de rancoeur l’un envers l’autre. Ils vivent dans l’harmonie.

Quoi qu’il en soit, si Michael ne rêve plus à sa carrière, s’il ne se voit plus déjouer Bobrovsky, je continuerai à le faire pour lui. On a tous.tes déjà rêvé d’un tel moment… En fait, c’est un rêve que je fais fréquemment.

Je remercie chaleureusement Michael pour son temps et lui serre franchement la main. Il me quitte rapidement, il doit aller chercher sa fille à la garderie. Ça ne s’invente pas.

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