Olivier Ricard, artiste et prochainement maître ès arts, a une pratique de l’installation vidéo. Il s’intéresse, entre autres, à la dimension narrative qui s’inscrit dans les mises en scènes qu’il produit. En mai, il présentera son exposition de fin de maîtrise intitulée Conversations silencieuses à la Galerie R3.
Biographie
Née en 1993 à Nicolet, il vit et travaille maintenant à Trois-Rivières. Il a complété un baccalauréat en arts visuels (nouveaux médias) à l’Université du Québec à Trois-Rivières où il termine actuellement une maîtrise par cumul en arts. Il a reçu le Prix Silex en 2017 suite à la présentation de son projet de fin d’études de premier cycle intitulé Histoires en suspens. En 2018, à la première édition du Projet Bifröst les façades extérieures du manoir de Tonnancour ont été utilisées afin d’y présenter des œuvres vidéos originales de grands formats. Dans le cadre du premier volet colloque international Transparences/Transparaître (Trois-Rivières, 2018), organisé par le Groupe URAV (UQTR) en collaboration avec le Centre de Recherches en Arts et Esthétique (UPJV), il a présenté sa conférence «Rencontre entre immatérialité et transparence de l’image».
Son travail a été présenté au Canada, en France, au Mexique et en Égypte. Ses champs d’expertise sont l’art vidéo et l’installation. Avec l’artiste Angélique Ricard, il forme le duo RicardO ; RicardA. De plus, depuis 2018, il est membre du collectif LORBACH. Il est actuellement coordonnateur du nouveau studio numérique Cobalt de l’Atelier Silex.
Emprunter les codes du cinéma
Dans son processus de création, il emprunte et questionne les codes du langage cinématographique. Il travaille ainsi l’image à travers une «esthétique similaire». Selon lui, il s’agit d’«un type d’imagerie que tout le monde reconnaît». Il s’intéresse aux «effets que ces images ont» et à leur potentiel narratif. Il s’inspire du cinéaste américain David Lynch, notamment pour «sa manière d’aborder l’étrangeté par le rêve» et «de déconstruire les formes de narration classique». Nicolas Winding Refn, cinéaste danois, est aussi une source d’inspiration pour «son esthétique, sa qualité du travail de la lumière, du portrait». Il cite, entre autres, le film Drive réalisé en 2011.
Du côté des arts visuels, il affirme que Bill Viola, artiste vidéaste américain, a «changé [sa] vie». Il est fasciné par la «poésie qui se dégage de ses images» et le travail du temps. L’artiste allemand Julian Rosefeldt est, lui aussi, un modèle. Il se réfère à Manifesto, installation vidéo immersive à treize canaux, qui fût présentée en 2018-2019 au Musée d’art contemporain de Montréal.
Installation vidéo : narrativité et ambiguïté
Son essai de fin de maîtrise en recherche-création a pour titre Installation vidéo : narrativité et ambiguïté. Sa pratique de l’installation vidéo passe autant «par la mise en scène qu’[il] filme» que «par la manière dont [il] diffuse les images dans l’espace». D’une part, une dimension narrative se dégage de ses œuvres. Par des stratégies de mises en scène, dont celles qu’il emprunte au cinéma, il cherche à créer une «ouverture narrative». D’autre part, il s’intéresse aux ambiguïtés qui émergent des scènes. Elles génèrent, elles aussi, «une sorte d’ouverture pour le public». En ce sens, il qualifie son approche méthodologique comme phénoménologique.
Bien qu’il utilise des codes du langage cinématographique, il opère une différence entre cinéma et installation vidéo au sein de son travail. Une des spécificités du cinéma est la «non-image», mentionne-t-il. L’installation vidéographique, quant à elle, lui permet de travailler la matérialité de l’image. Dans cette perspective, il a développé une stratégie de «déploiement de l’image» qui passe par une réflexion sur l’écran, c’est-à-dire sur la surface qui reçoit la projection. Pour ce faire, il utilise des supports translucides (comme le voile et le plexiglas), ce qui «génère une sorte de dévoilement de matérialité à l’image projetée». Les formes errantes, œuvre réalisée en 2019, en est un exemple. Dans l’espace, il projette simultanément plusieurs images. Cette projection multiple a «un impact sur la narrative, elle bouscule le récit». La narrativité, selon lui, débute d’abord dans la mise en scène et se confronte à la spatialisation des images, soit de leurs supports translucides.
Il existe «une distinction entre narration et narrativité», rappelle-t-il. La narrativité se définit comme une «présence latente d’une narration, mais ce n’est pas un récit comme tel». À travers une dimension narrative qui se dégage de ses œuvres, il souhaite générer une expérience à la fois «réflexive et contemplative» en faisant appel «à l’imaginaire du spectateur.trice».
Relations, non-binarité
Un «rapport relationnel» est présent dans ses œuvres. Olivier Ricard met souvent en scène souvent deux individus pour créer une interaction, ce qui crée nécessairement «un potentiel narratif». Cette interaction peut prendre diverses formes, comme un geste issu du quotidien ou un regard. Il s’intéresse aussi aux «non-dits» dans les relations. Bien qu’il s’agit souvent d’un homme (lui) et femme (Angélique Ricard), il ne se limite pas à ce rapport binaire. Les personnages, comme l’installation, évoluent. Le public est libre de s’y identifier comme il le souhaite, et ce, parfois même en balayant le rapport homme-femme.
Il mentionne qu’il existe «un rapport identitaire dans le fait de se mettre soi-même en scène; une inconscience, une part de soi-même s’inscrit dans l’œuvre». Un des points marquants dans sa pratique est le moment où il a commencé à travailler en collaboration avec l’artiste Angélique Ricard. Dans le cas de RicardO ; RicardA, iels créent à deux. En ce qui a trait à ses œuvres qu’il réalise en solo, elle se présente souvent comme une «collaboratrice» et non une «co-créatrice».
Pour un art de l’expérience
Par ses œuvres, Olivier Ricard cherche à stimuler le public afin de l’amener à construire une narration. En en sens, il le considère comme un sujet actif – et non passif – qui prend part à la signification de l’œuvre. Il souhaite ainsi proposer une vision de l’art selon laquelle le public est invité à se faire confiance en cherchant une lecture en lui et non en dehors. Dans cette perspective, le sens se génère ainsi dans l’œil de celui ou celle qui la regarde. Selon lui, c’est par son identité, son bagage et ses expériences personnelles, que l’individu arrive à porter un regard singulier sur une œuvre.
Conversations silencieuses
Du 18 au 21 mai, il présentera Conversations silencieuses à la Galerie R3. L’exposition sera une installation vidéo. Il se réserve la possibilité de présenter son travail à l’Atelier Silex, en gardant les mêmes dates, s’il y avait une fermeture des musées et centres d’art en raison de la COVID-19.