La soirée du vendredi 6 octobre fut chaude en ce doux mois d’automne, dans le Backstore du Dep Frida où furent amassées près de 120 personnes venues écouter 12 talents de la poésie mauricienne. Retour sur une soirée émouvante et mémorable.
Comme à la maison
Trois grandes lampes de chevet aux allures vintage en avant de la scène nous transportent immédiatement dans l’intimité d’un salon douillet. Un éclairage pourpre sur le mur derrière les artistes teinte la pièce d’une atmosphère doucement mélancolique. Très vite, les places assises sont prises d’assaut. La quantité de personnes affluant incessamment entre 19h et jusqu’à bien après le 20h annoncé pour le début de la soirée a fait prendre un peu de retard au déroulement des événements. Finalement, peu avant 20h30, l’animatrice de la soirée Elizabeth Leblanc-Michaud a pris le micro pour entamer les réjouissances, et malgré la chaleur et la densité de la foule, le public était captivé, lecture après lecture.
De la poésie oui, mais de la performance aussi
Le groupe de rock alternatif trifluvien «Précieux sang» a joué pour les 11 poètes et poétesses montés sur scène : Étienne Gélinas, Ulysse Gagnon-Plouffe, Coralie Gagnon-Voyer et Annick Grégoire, Ismaël Zouiten, Guy Marchand, Gabrielle Arcand, Elune, Carol-Anne Hobs, Alex Poulin et Jimmy Hamel. La collaboration des musiciens et des lecteurs a dynamisé la soirée, a apporté du relief à chacun des textes et a enveloppé le public dans de nouvelles atmosphères à chaque lecture, en faisant des expériences immersives. Cela dit, l’aspect performatif fut aussi marqué par les actions des poètes et poétesses sur scène, avec notamment la mémorable scène de Coralie Gagnon-Voyer et d’Annick Grégoire. Les deux artistes ont présenté un texte politique, ludique et grinçant, avec intervention culinaire sur recette de statistiques. Les deux auteures ont cassé des œufs, métaphore des ovocytes dont la quantité se réduit au fil du temps devant le public. Elles ont achevé leur performance en se cassant chacune un œuf sur la tête, concluant ainsi leur diatribe de la tyrannie des ovaires, de la «slyppery slop» de l’ovulation.
De quoi ravir tout le monde
Chaque artiste a amené quelque chose d’unique. Pour briser la glace, Étienne Gélinas a récité son désir de performativité intellectuelle sur un champs lexical sexuel fort élaboré, puis Ulysse Gagnon-Plouffe a poursuivi avec un slam théâtral qui, comme à son habitude, conte un nouvel épisode de ses propres péripéties rocambolesques, un éloge de la folie, de sa propre vie, avec beaucoup d’autodérision. Sur un air «pink floydien», Ismaël Zouiten a servi au public l’expérience synesthésique d’un trip sous acide. Puis, Guy Marchand, pour conclure la première partie, a récité avec beaucoup de tendresse et quelques notes d’humour, son amour pour l’être humain. Gabrielle Arcand a su reprendre l’attention du public après l’entracte, avec des poèmes contemplatifs sur un air de blues groovy et enjoué. Élune a lu le texte le plus surprenant de la soirée, une composition cubiste mécanique, mais très authentique, comme un glitch dans un journal de jeu vidéo. Carol-Anne Hobbs, quant à elle, a livré au public un aperçu de la vie très rock’n’roll d’enseignante, avec sa prestation aussi drôle qu’anxiogène, rythmé par des «Madame !» incessants. Alex Poulin ensuite, nous a fait le récit d’une vie mouvementé, à travers des bribes, tranche de vie d’une phrase à peine, au ton cru, parfois grotesque, définitivement sexuel et élevé par des résurgences de réflexions complexes, et d’une profonde sensibilité. Enfin, Jimmy Hamel, pour terminer la soirée, bras tendu comme tenant un volant, nous a conduit sur la route d’une âme remplie de tracas.
Une soirée incontournable
En tous points, la soirée fut un succès. Tant dans l’aspect scénographique que dans l’esprit de convivialité que l’organisation a fait régner sur le Backstore. Vers 22h30 alors que Jimmy Hamel concluait la soirée, les visages du public étaient marqués par leur sourire, gage d’appréciation de ce bel événement. Afin de rémunérer les auteurs et les musiciens, l’organisation totalement bénévole invitait les spectateurs à acheter les zines du OFF, et à apporter une contribution volontaire de 10$. Cette contribution est l’occasion pour le public de poursuivre la mission du OFF FPTR, soit d’encourager la scène artistique actuelle locale. De la part de l’organisation en tous cas, la mission est pleinement réussie et érige, année après année, ses événements comme des incontournables de la culture à Trois-Rivières !