En 1532, Henri VIII est éperdument amoureux de la jeune Anne Boleyn. Bien que cette dernière réciproque probablement ses sentiments, elle refuse de devenir sa maitresse : sans mariage, elle ne partagera pas la couche du roi! Frustré par la situation, le roi consulte les plus grands théologiens et avocats de l’époque pour obtenir un divorce de sa première épouse, l’infante Catherine d’Aragon. Aujourd’hui, nous explorons le schisme anglican, la chute d’Anne Boleyn et le mariage d’Henri avec « la femme la plus parfaite qu’il n’ait jamais rencontrée », Jeanne Seymour.
Le clergé au banc des accusés
Devant l’obstination de Clément VII à s’opposer au divorce d’Henri VIII et de sa première épouse, le roi contre-attaque et s’en prend à son clergé. Il reproche aux hommes d’Église d’avoir administré la justice du pape dans leurs tribunaux, responsable de juger de la validité du mariage. Or, cette accusation tombe sous le coup d’une procédure de praemunire et les « responsables » sont condamnés.
Les séances du Parlement sont interrompues durant près d’un an, avant qu’un bill destiné à pardonner le clergé ne soit introduit à la chambre haute. Henri VIII en profite pour demander que les ecclésiastiques versent une contribution de solidarité au royaume et qu’ils le reconnaissent comme seul protecteur et chef suprême de l’Église d’Angleterre. Les clercs convoqués à Cantorbéry acceptent de se soumettre aux revendications du roi, mais les affaiblissent considérablement en ajoutant la mention « tant que la loi du Christ le permet » à la fin de leur discours.
Dès lors, bien que l’Angleterre soit toujours catholique et soumise à Rome, Henri VIII pose la première pierre de l’Église d’Angleterre.
Les prémisses de l’Église d’Angleterre
En janvier 1532, le parlement de la réformation ouvre sa troisième session visant la condamnation des abus de la non-résidence ecclésiastique, de la fornication et de la simonie. En février de la même année, une vingtaine de personnes, dont l’archevêque de Cantorbéry, sont accusés de traffic d’influence et d’avoir remis en cause le droit qu’avait le clergé de tenir ses propres tribunaux distincts de ceux du roi. En conséquence, la Chambre des communes rédige un supplice où elle dénonce les pouvoirs excessifs des hommes d’Église et l’usage abusif de l’excommunication. Henri VIII prend évidemment le parti des parlementaires pour dénoncer ces hommes d’Église qui se comportent en demi-sujets, voir qui oublient parfois qu’ils sont avant tout des sujets anglais.
En mai 1532, devant la surenchère royale, le clergé de l’Église d’Angleterre renonce officiellement à son indépendance législative : le roi est désormais souverain dans l’Église comme dans l’État.
En janvier 1533, le roi prend à son service Thomas Cromwell. C’est lui qui sera le grand artisan de la rupture officielle avec le Saint-Siège de Rome, sans pour autant être le fin politicien que l’on imagine souvent. Face au pape et à l’Empereur Charles Quint, tous deux fidèles à Catherine d’Aragon, le roi n’a pas de meilleur soutien que celui du roi de France, François 1er. Un premier traité confirme l’alliance des deux Royaumes en 1532.
Entre schisme et divorce
Pour répondre à la crise de la chrétienté et résoudre l’affaire du divorce d’Henri VIII, les deux nouveaux alliés convoquent un concile, le 13 novembre 1532. Les deux souverains possédent des intérêts et des opinions identiques sur les pouvoirs du clergé, en plus de demander le soutien du pape pour le divorce. Clément VII tente maladroitement de contourner les requêtes des rois en répondant uniquement sur la question matrimoniale : il conseille à Henri de chasser Anne et de reprendre sa vie commune avec Catherine. Henri refuse.
La date exacte du mariage entre Anne Boleyn et le roi d’Angleterre est imprécise, mais l’on sait que la jeune femme était enceinte en janvier 1533. Il est possible qu’un premier mariage ait eu lieu à la mi-novembre 1532, puis un second le 25 janvier 1533. Le premier mariage du roi n’ayant pas encore été annulé, Anne et Henri étaient techniquement bigames aux yeux de l’Église de Rome. À partir de là, tout se déroule très rapidement. Le divorce d’Henri et de Catherine, désormais la princesse douairière, est prononcé en mai, en l’absence de la reine qui refuse de comparaitre devant ce nouveau tribunal ecclésiastique présidé par Thomas Cranmer. Au total, il faut trois procès en annulation pour qu’Henri obtienne enfin le divorce tant désiré.
Anne est couronnée le 1er juin 1533. La rupture est consommée entre l’Angleterre et la chrétienté latine, la France étant la seule à conserver de bonnes relations avec Henri. Cinq ans plus tard, le pape Paul III officialise cette rupture en excommuniant le roi d’Angleterre.
Le 7 septembre 1533, Anne Boleyn donne naissance à une petite fille, Élisabeth. Malgré la déception provoquée par la naissance d’une fille, le couple semble relativement heureux. Pour le moment…
Perdre son roi, perdre sa tête
Malheureusement pour Anne, elle ne donnera jamais naissance à l’héritier mâle tant attendu et les qualités qu’Henri appréciait tant chez elle comme amoureuse lui déplaisent énormément chez une épouse. Elle est possessive, jalouse et n’hésite pas à donner son opinion tant sur les affaires du couple que celles de l’État.
À peine trois ans après leur mariage, le roi est lassé de cette femme qu’il avait tant désirée. Le 2 mai 1536, Anne est arrêtée et amenée à la tour de Londres. Elle est accusée d’adultère, d’inceste et de haute trahison. Ses supposés complices et amants sont reconnus coupables le 12 mai et condamnés à mort. Anne est également reconnue coupable et condamnée à mort, soit par décapitation, soit sur le bûcher, au bon plaisir du roi. En guise de clémence, Henri opte pour la décapitation. Dans une dernière tendresse, il fait venir un bourreau français pour que son épouse soit exécutée à l’épée, jugée plus noble et efficace que la hache. Anne Boleyn perd sa tête le 19 mai 1536, deux jours après que l’archevêque Thomas Cranmer ait déclaré le mariage d’Anne et d’Henri illégitime, retirant leur fille Élisabeth de l’ordre de succession.
La parfaite épouse
Dix jours seulement après l’exécution d’Anne, Henri épouse Jeanne Seymour. Elle est déclarée reine le 4 juin 1536, mais elle ne sera jamais couronnée. De nature calme, stricte et formelle, la nouvelle épouse d’Henri est diamétralement opposée à Anne Boleyn. Sous son règne, le faste de la cour, particulièrement extravagant sous sa prédécesseuse, est remplacée par une ambiance austère et oppressante.
Jeanne ne se mêle pas de politique. Elle est, selon Henri, « la femme la plus parfaite qu’il ait jamais rencontrée ». Au début de 1537, elle tombe enceinte et se retire loin de la cour pour se reposer. Henri, soucieux que sa délivrance se déroule sans anicroche, convoque les meilleurs médecins du royaume. L’ennui est que les accouchements sont traditionnellement une affaire de femmes et ces médecins n’ont presque aucune expérience dans le domaine.
Le 12 octobre 1537, Jeanne donne naissance à un héritier mâle, le futur Édouard VI d’Angleterre. Malheureusement, cet heureux évènement est obscurci par le décès de Jeanne, d’une fièvre puerpérale, le 24 octobre. Plusieurs historiens de la médecine croient que les médecins royaux auraient négligé d’évacuer le placenta après l’accouchement.
Le deuil d’Henri est incomparable et, durant trois ans, il refuse de se remarier. Il est possible que ce soit la réussite de Jeanne Seymour à donner un héritier mâle à Henri qui aurait provoqué son éternelle affection pour elle. À la mort du roi, en 1547, il se fait enterrer auprès d’elle dans la chapelle Saint-Georges, au château de Windsor.