1er prix au concours de poésie du Zone Campus (édition 2023)
1534-1760
mêlée de fables où se perdent les perdrix
endormies sous les plumes de sapins d’hiver
quelques histoires récoltées tressées puis perdues
au fond d’un lac parmi tant d’autres
les loups partent en chasse
et n’ouvrent pas la mâchoire à demi
quand la chaudière est pleine nous ajoutons
à la crainte du blâme le jugement lâche
je quitte la pensée en songeant à me rétablir
sous la forme d’une vieille corneille
l’imitation croisée de bouts de
terre récupérés calme le déluge
à la veille de ma mort soudaine
je chante pour être secouru la panse pleine
les parois de la bouche qui gazouille ressemblent
à la peau du tambour tendue par l’air
en réalité les nomades sont sédentaires
leurs trajectoires forment un cercle
de même les sédentaires sont en fait des nomades
qui ne reconnaissent pas leur mouvement perpétuel
j’ignore la provenance de mon corps
comme j’ignore la présence des racines
je dépose de petits cailloux de petites
pierres au fond de mon estomac sec
bâton en main à frémir devant l’ouragan
d’oiseaux annonçant la pluie savante
je ne suis pas sorcier je souffle
sur les braises je siffle la couleuvre
passé la rivière la chute le chien couché
lève le museau vers nos dernières montagnes
mon collier de cuir remplace le chapelet
ma robe tachée dissimule la hache qui fend l’air
le castor lien vif entre la forêt
et le marais fuit l’ossature des ours
une espèce spirituelle apporte le sang par-dessous
le sol couleur de la plante des pieds
il faut lutter contre ce qui nous dépossède
cette force qui érige des barrages entre les langues
tire-moi du tombeau plat avant que
ma cervelle ne se décompose en festin tardif
des vers de la grosseur d’un doigt
traversent le temps sous la paille
la tortue ensorcelée pond ses œufs à l’endroit
pour que l’éclat des coquilles puisse guider la lune
contourner la souche avec son surplus
de surdité l’hiver en vêtements serrés
les raquettes d’aujourd’hui longent
les lieux stériles attendent la repousse
mon chaudron mental déborde
d’une bouillie que je ne saurais nommer
de la gorge coupée s’échappent
les effluves du bois qui pourrit
décrire l’abondance calcinée le rejet
des prises à l’eau ou le gazon qui nous endort
bois de chauffage morue salée
sagamité souffrance allégresse
je ne me fâche jamais j’attends
patiemment la disparition des choix linéaires