Reportage : Samuel Blais – Le succès au bout des doigts

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Samuel en pleine action durant une compétition. Crédit photo : Samuel Blais

Qui dit septembre, dit camp d’entraînement pour les hockeyeurs.euses, mais aussi la sortie du jeu vidéo NHL d’EA Sports pour les sportifs de salon. C’est bien connu dans le milieu, les joueur.euse.s encerclent la date dans leur agenda et, le jour venu de la sortie, font la file pour être les premier.ère.s à mettre la main sur le dernier opus de hockey virtuel. Ma cohorte de quatrième année en enseignement de l’éducation physique a la chance de compter en ses rangs l’un des meilleurs joueurs de NHL, un véritable maître de la console. Il a d’ailleurs récemment terminé deuxième lors d’un tournoi montréalais. Rencontre avec un hockeyeur de salon de calibre professionnel et de renommée mondiale : Samuel Blais.

C’est avec un sourire de conquérant que Samuel prend place devant moi. Ce sourire prend tout son sens d’ailleurs. Mon interlocuteur a tout de même remporté la deuxième place du tournoi de NHL19 Dreamhack Canada, à Montréal, lors de la fin de semaine du 6 septembre dernier. Devant sa passion et ses accomplissements, me voilà assis avec mille et une questions et presque autant d’interrogations. J’ai donc décidé d’y aller droit au but, comme les doigts de Samuel qui s’échappent entre deux défenseurs, en désavantage numérique.

Les premiers coups de patin/pouce

C’est avec l’édition 2002 du jeu de hockey sur glace d’EA Sports que Samuel a connu sa première relation joueur-console. À l’époque, ce jeu n’était pour lui qu’un passe-temps très sporadique auquel il s’adonnait en solitaire ou avec son frère : «Je jouais quand ça adonnait, à NHL comme à une panoplie d’autres jeux».

La preuve que sa passion pour NHL n’avait pas encore émergé à l’époque est sans doute que ce n’est qu’à partir de l’édition 2006 du jeu que Samuel a senti le besoin de se procurer, année après année, la nouvelle mouture de la série. C’est cette édition, celle où Vincent Lecavalier assure la couverture, qui a littéralement donné la piqûre à Samuel. Le jeune homme de 22 ans ne connaît pas la nature de ce que l’aiguille lui a transmis; il sait, par contre, qu’il est loin d’en être immunisé.

Évidemment, les éditions des années 2006 et suivantes (jusqu’à 2010 environ) ne permettaient pas aux joueur.se.s de jouer en ligne et en réseau, connecté.e.s entre eux, faute de modernité. Samuel a donc pu parfaire sa technique en solitaire durant presque quatre ans : «Je jouais contre l’intelligence artificielle d’EA Sports et, de temps en temps, j’affrontais des ami.e.s sur une même console». Il aimait bien le mode «Dynastie» qui lui permettait de bâtir et de gérer son équipe et son alignement. C’est dans ces années-là que Samuel a réalisé qu’il avait un certain talent : «Disons que l’intelligence artificielle n’avait plus de secret pour moi et quand j’affrontais mes ami.e.s, je les battais sans trop de difficultés non plus».

Les premières compétitions

C’est autour des jeux 2011 et 2012 (ceux où Lecavalier (2006) laissait maintenant place en couverture à Jonathan Toews et Steven Stamkos, respectivement) que Samuel a commencé à affronter des adversaires réels sur les réseaux. Depuis ce jour et encore aujourd’hui, il affronte des joueur.se.s en mode «opposition en ligne». Il s’agit du mode le plus simple des jeux où deux adversaires s’affrontent pour une partie en choisissant l’équipe de hockey réelle de leur choix. Notons qu’à la toute dernière version du jeu (NHL 2019), Samuel a cumulé un dossier final de 245-25-2, ce qui le classe au troisième rang mondial dans ce mode.

Dès les premières parties qu’il a jouées en ligne, Samuel a su qu’il avait une sorte de talent inné. Il dominait et cumulait les victoires contre des adversaires qui, bien souvent, quittaient la partie avant le coup de sifflet final, découragés. C’est à ce moment qu’il a décidé de commencer à prendre part à différents tournois sporadiques : «Au début, ce n’étaient pas de très gros tournois. Je voulais gagner, c’est certain, mais je le faisais plus par plaisir». Quand on lui demande comment il faisait pour trouver ces compétitions, il répond que cela se faisait surtout par bouche à oreille, Facebook et autres réseaux sociaux n’en étant qu’à leurs premiers balbutiements à l’époque.

Année après année, EA sortait son nouvel opus en symbiose avec la technologie qui, elle aussi, ne cessait de s’améliorer. Le phénomène a pris de plus en plus d’ampleur. Samuel a passé plusieurs années à jouer en réseau, à vaincre des adversaires. En 2019, nous sommes désormais à l’apogée technologique qui permet la consécration du jeu vidéo; les joueur.se.s et les tournois sont de plus en plus nombreux. Les bourses en jeu dans les compétitions sont de plus en plus alléchantes et Samuel en profite pour s’émanciper. En d’autres mots, il récolte maintenant ce qu’il a semé durant plusieurs années. 

Gérer son temps de jeu

Contrairement aux véritables joueurs de la Ligue Nationale de Hockey, Samuel n’a pas besoin d’entraîneur pour gérer son temps de jeu. Mature, lucide et occupé, il est en mesure de s’assurer que le jeu n’obstrue aucunement ses autres occupations. Au-delà de ses succès sur la console, Samuel est étudiant à temps plein à l’UQTR, employé dans la restauration et en couple. Le jeune homme assure que le jeu vidéo passe derrière ses trois autres mandats : «Je crois que rendu là, c’est une question de priorité, j’ai une bonne tête sur les épaules».

«Je crois que rendu là, c’est une question de priorité, j’ai une bonne tête sur les épaules.»

-SAMUEL BLAIS SUR LA QUESTION DE SON TEMPS DE JEU

Le constat important à faire ici est donc celui-ci : à bas les préjugés qui mentionnent que les grands joueur.euse.s de jeux vidéo ne font que ça de leur vie. Si c’est vrai, rappelons que chaque règle a son exception. Samuel est un joueur d’exception.

Les compétitions à grand déploiement

En 2018, alors que la technologie a atteint un tout autre niveau, Samuel n’a plus à chercher bien loin pour trouver des compétitions auxquelles prendre part. Au gré des éditions, il a réussi, par ses victoires, à se faire un nom dans la communauté et à faire reluire son pseudonyme en ligne  : RISKTAKER.

Disons qu’il s’agit d’un surnom assez paradoxal pour Samuel puisque, en raison de sa maîtrise du jeu, celui qui prend les risques est plutôt l’adversaire qui décide de l’affronter plutôt que lui-même. À propos de la communauté, Samuel adore cet aspect de «groupe sélect» du jeu auquel seuls les meilleurs au monde ont accès : «Ça nous permet de nous rejoindre aisément, de nous affronter, de discuter ou de se partager des événements comme des tournois, par exemple».

«Ça nous permet de nous rejoindre aisément, de nous affronter, de discuter ou de se partager des événements comme des tournois, par exemple.»

-SAMUEL BLAIS, 3E JOUEUR MONDIAL DE NHL2019

Ainsi donc, par cette communauté virtuelle, Samuel a fait connaissance de son partenaire de jeu actuel lors des compétitions en double. Comble des hasards, le joueur en question venait lui aussi de Trois-Rivières : Anthony Therrien Behiri. C’est, par ailleurs, avec ce nouveau complice que Samuel prendra part, environ un an après l’avoir rencontré, à la finale du championnat DreamHack Canada.

Revenons maintenant sur cette compétition de septembre dernier qui m’a permis de me rendre compte que Samuel n’était pas qu’un éventuel enseignant de l’éducation physique comme nous tous. C’est là que j’ai réalisé qu’il avait une sorte de seconde vie et qu’il existait sous un nom anglicisé. Juste avant l’entrevue, j’ai eu la chance de visionner la finale qu’ont livrée Samuel et Anthony lors du tournoi enregistré sur Facebook. Je l’ai même fait pendant un cours…

Le mode muet que j’ai été contraint d’utiliser n’enlevait rien à l’atmosphère de la scène sur l’écran devant moi. J’ai pu la ressentir au travers des yeux de Samuel qui étaient rivés droit sur l’écran devant lui. Les deux duos d’adversaires semblaient concentrés et ne parlaient pas ou très peu. Effectivement, Samuel et son partenaire n’échangent pas vocalement, comme on pourrait le penser, durant les parties. Ils ont une cohésion et une chimie qu’ils ont acquises au fil des mois. Le match que j’étais en train de visionner était donc la dernière étape, la grande finale. Avant de s’y rendre, les duos avaient remporté le titre sur leur console respective, comme me le précise Samuel : «Il y avait 64 équipes au total ; 32 au Xbox One et 32 au PlayStation 4. Les gagnants sur chaque console s’affrontaient en grande finale.» Autrement dit, Anthony et Samuel ont remporté le titre sur leur console de prédilection (la Xbox) pour s’incliner ensuite en grande finale. Ils ont tout de même remporté une honorable somme de 300$.

Comme le mentionne RISKTAKER, le calibre de jeu au DreamHack était assez impressionnant : «Il y avait des joueur.se.s de renommée mondiale. Certains gagnent même leur vie avec le jeu vidéo en ayant signé des contrats». Forts d’une résilience inestimable, les deux garçons ne perdront sans doute pas de temps à se relever de cette amère défaite avant d’aller participer à une nouvelle compétition. Samuel a déjà un événement en tête : Le Comiccon de Québec les 12 et 13 septembre prochains. Pour l’occasion, notre preneur de risque en prendra en solo et en duo. Il y a donc de fortes chances qu’il refasse parler de lui. Avis à ceux qui comptaient s’y rendre pour compétitionner, peut-être vaudrait-il mieux revoir vos plans?

En faire carrière : Idéal ou lubie?

En raison des enjeux actuels et de l’actualité entourant les jeux vidéos, je ne pouvais pas me permettre de laisser partir mon interlocuteur sans lui demander de m’étaler ses idées sur ces (trop) nombreux débats de société.

Il faut savoir que même si plusieurs personnes diabolisent le jeu vidéo, d’autres y vouent un culte bien plus profond que religieux. C’est le cas de certaines chaînes télévisuelles, comme RDS, qui diffusent de plus en plus de compétitions virtuelles. À juste titre, les défendeurs disent que les jeux vidéos sont une activité sportive alors que les puristes s’y opposent toujours. 

Samuel, même si on le connait désormais comme un preneur de risque, est bien campé dans son raisonnement sur la question et ne s’aventure pas en terrain glissant : «En tant qu’enseignant en éducation physique, je ne peux pas considérer mon passe-temps comme un sport puisqu’il ne requiert pas d’être vraiment actif physiquement. Par contre, il y a quand même de belles habiletés qui entrent en ligne de compte comme la coordination main-oeil et les réflexes, par exemple». 

Par contre, Samuel comprend aussi pourquoi certaines personnes comparent les sports traditionnels aux activités virtuelles : «Je crois que l’on peut bien nous comparer aux sports professionnels puisque de plus en plus de gens gagnent leur vie en jouant à des jeux vidéos et aussi parce qu’il faut s’entraîner rigoureusement pour réussir».

«Je crois que l’on peut bien nous comparer aux sports professionnels puisque de plus en plus de gens gagnent leur vie en jouant à des jeux vidéos et aussi parce qu’il faut s’entraîner rigoureusement pour réussir.»

-SAMUEL BLAIS

Ces propos reflètent bien tout ce qu’est Samuel, au fond. Un jeune homme lucide qui a une tête sur les épaules. Une tête habillée d’une casquette ou d’un casque d’écoute qui profite à fond de la vie d’abord et du jeu vidéo ensuite. Il continuera de mettre la main dans ses livres, dans celle de sa blonde et sur (et non dans) la friteuse du McDonald’s avant de les mettre sur sa manette.

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