Par Marie-Andrée Gauthier, chroniqueuse
Dans sa récente chronique, Sébastien Dulude annonçait que pour 2012, il voulait être plus féministe que 95% des femmes qu’il connaissait. Que cet universitaire adopte une telle résolution, ça vient me chercher (pour ce qui est des femmes, on y reviendra prochainement). En discutant avec d’autres collègues, nous en sommes venus à remettre en question ceux qui réclament l’étiquette de féministe, en considérant que certains gestes quotidiens pourraient ébranler leurs convictions.
Par exemple, est-ce que c’est féministe d’accepter de toujours goûter la première gorgée de vin en premier au restaurant? Est-ce que c’est féministe de ne laisser conduire sa copine qu’en de rares occasions, prétextant que c’est votre voiture? Est-ce que c’est féministe de consommer de la pornographie? Est-ce que c’est féministe de voter pour le parti libéral ou le parti conservateur aux élections fédérales?
Les féministes ne sont pas anti-hommes. Non. Mais tout de même, lorsqu’un homme se qualifie de féministe, pour un instant j’ai les oreilles qui bourdonnent, les dents qui grincent et le cœur qui arrête de battre. Un homme, ce n’est pas une femme. Un homme ne fait pas partie des opprimés de la société; il est l’oppresseur. Un homme au Québec, à compétences égales, ne gagnera jamais moins qu’une femme et il ne subira aucune pression sociale à l’égard de sa prédisposition à avoir des enfants. C’est un fait.
Il y a ces hommes qui se diront alors pro-féministes. Outre leur penchant pour l’égalité entre les femmes et les hommes et par notion de respect, certains se réclameront pro-féministes par confrontation, par séduction ou par sympathie. On peut également accuser certains d’hypocrisie, comme pour ces hommes qui investissent les réseaux féministes pour jouer la carte du pouvoir que leur sexe leur octroie de facto. Ou ces hommes en réaction positive qui souhaitent attirer sur eux l’attention en avouant que le féminisme les a blessé, les menace. Et il y aussi ces pro-féministes à qui l’on doit, lorsqu’ils découvrent leur fibre féministe, donner un cours 101 sur le féminisme… ralentissant ainsi nos échanges, nos réflexions, notre solidarité. Et il serait à leur grand désavantage de ne pas reconnaître toutes les luttes menées de front par les féministes! Et il y a bien sûr ceux qui se disent féministes parce que ça sonne bien…
Lutte : résistance opposée à une force, à un mal contraire; volonté de vaincre des difficultés (Larousse).
En 1971, en France, lors des toutes premières manifestations pour le droit à l’avortement, qui avait-on le loisir d’observer aux premiers, aux seconds et aux derniers rangs? Des femmes? Non, des hommes pro-féministes! Nous n’avons pas besoin des privilèges des hommes pour atteindre l’égalité et l’équité. Il est faux de croire que sans les hommes nous ne parviendrons à rien.
Les luttes féministes sont une affaire de femmes d’abord et avant tout. C’est à cause que nous vivons dans une société menée par et pour des hommes que nous devons solidariser entre nous et nous seules. Une fois l’égalité et l’équité acquises, nous pourrons peut-être parler d’alliances. Mais ce n’est pas le moment. Par contre, les luttes menées par les hommes qui revendiquent la mort du patriarcat sont, selon moi, beaucoup plus légitimes, car il s’agit d’un autre combat, mais sur une base conjointe.
Allié : personne qui apporte à une autre son appui, prend son parti (Larousse).
Néanmoins, je n’arrive toujours pas à saisir comment un mâle, avec ses positions sociales, arriverait à comprendre en profondeur les enjeux féministes, comment il pourrait lutter contre une oppression, auprès des opprimées, et représenter en même temps l’oppresseur… et dans l’esprit de bâtir une société meilleure et non pas seulement compatir avec le sexe opposé.
Inclure les hommes dans les mouvements féministes équivaut à les maintenir au pouvoir, à renforcer le patriarcat. De nouvelles propositions émergent moins facilement. Il est bien louable le comportement féministe des hommes, mais dans certaines sphères, à certains moments.