
La passation du test de certification en français écrit pour l’enseignement, plus communément connu sous l’appellation TECFÉE, est un moment qu’anticipe presque tous et toutes les étudiantEs dans un programme d’enseignement à l’université, et ce, à la grandeur du Québec. Ce test, qui est divisé en deux parties (la rédaction et le Code linguistique), doit être réussi pour qu’unE étudiantE obtienne son brevet d’enseignement.
Or, en 2018, le Journal de Québec publie des données qui semblent révélatrices: au premier essai, le taux de réussite à ce test est assez bas. Notamment, à l’UQTR, ce serait seulement 46% des étudiantEs qui obtiennent la note de passage à leur première passation du TECFÉE. Pour réussir le TECFÉE, il faut avoir un résultat supérieur à 70% dans chacune des parties du test; pour les étudiantEs au baccalauréat en enseignement de l’anglais langue seconde et au baccalauréat en enseignement professionnel et technique, le seuil de réussite est fixé à 55%.
En quoi est-ce que ce test consiste?
La première partie du TECFÉE, soit le Code linguistique, comprend 60 questions à choix multiples qui portent sur l’orthographe grammaticale, la morphologie, la syntaxe, la ponctuation, l’orthographie lexicale et le vocabulaire. La deuxième partie du test consiste à rédiger un texte de 350 mots sur un sujet lié à l’éducation; pour ce faire, les candidatEs doivent écouter un enregistrement audio d’une durée de huit minutes, en faire la synthèse et exposer leurs réflexions à cet égard. Tandis qu’une heure trente est allouée pour compléter la première partie, les candidatEs bénéficient de deux heures trente pour compléter la deuxième.
Bien qu’il soit possible de reprendre le test, il demeure que la réussite du TECFÉE est un préalable au stage III dans de nombreuses universités.
Dans l’éventualité d’un échec, l’étudiantE ne reprend que la partie du test qui a été échouée. Cependant, bien qu’il soit possible de reprendre le test, il demeure que la réussite du TECFÉE est un préalable au stage III dans de nombreuses universités. De plus, après trois échecs, il faut attendre une année complète avant de pouvoir se réessayer au TECFÉE. Il est important de noter qu’au début de leur parcours dans un programme d’enseignement, les étudiants et étudiantes doivent se soumettre au TEDFRA (Test de diagnostic en français) afin d’avoir une idée de leur niveau de compétence en français écrit.
Les dessous du TECFÉE

M. Michel Laurier, professeur au Département des sciences de l’éducation à l’Université de Montréal, est l’une des rares personnes à avoir étudié de près la question du TECFÉE. Dans «Les enjeux éthiques et sociopolitiques du test de français écrit pour l’enseignement au Québec», article publié en 2014, M. Laurier avance que «le TECFÉE a pour but d’évaluer la maîtrise du français conformément à la description du référentiel de compétence des enseignants».
Comme il l’explique, le TECFÉE ne cherche à évaluer que les compétences écrites des étudiantEs en enseignement; pourtant, quand le personnel enseignant communique, ce serait principalement de façon orale. La communication écrite ne représenterait qu’une infime partie des interventions faites par les enseignants et les enseignantes. M. Laurier conclut son article en mentionnant que «les décisions prises sur la base des résultats du TECFÉE ont des effets sérieux non seulement sur les individus, mais aussi sur la société».
Les enseignants et enseignantes de demain se prononcent
Le Zone Campus s’est entretenu avec plusieurs étudiants et étudiantes en enseignement. Par souci de confidentialité, les noms des personnes concernées ainsi que leurs programmes d’études ne sont pas mentionnés. Toutefois, ces personnes, toutes étudiantes dans un programme d’enseignement, avaient leur mot à dire sur le TECFÉE.
Le programme de formation en enseignement n’offrirait que très peu d’opportunités pour les étudiants et les étudiantes de se préparer à ce test d’envergure.
L’une de ces personnes, s’apprêtant à passer le TECFÉE pour la première fois, mentionnait l’anxiété qu’elle ressentait face à l’épreuve: «Ce qui me fait le plus peur, c’est justement les statistiques d’échec. […] Quand tu entends que seulement [46% des étudiants et étudiantes le réussissent du premier coup], c’est certain que c’est un peu angoissant.»
Bien qu’elle se sente confiante de réussir le TECFÉE du premier ou du deuxième coup, elle mentionne cependant que le programme de formation en enseignement ne préparerait pas adéquatement les étudiantEs à la passation de ce test ; à part quelques rappels de la part du corps professoral, elle avance que les cours offerts au baccalauréat ne traitent aucunement des notions évaluées au TECFÉE. Un second étudiant corrobore ses dires: «Depuis le cégep, on a eu aucun cours de français ou presque pour nous préparer à l’épreuve du TECFÉE. Ça me paraît être un gros défi.» Il mentionne avoir reçu plus de soutien de la part de ses collègues d’étude que de la part du corps professoral.
Un test anxiogène
Ce même étudiant explique que le TECFÉE est l’une de ses sources principales de stress. «C’est une des grandes raisons, je pense, pourquoi les étudiants lâchent le programme.» Dans un contexte de pénurie d’enseignants et d’enseignantes, et ce, à la grandeur de la province, il conclut en disant qu’il est insensé, selon lui, de retarder la graduation de certainEs étudiantEs qui possèdent toutes les compétences pédagogiques nécessaires pour enseigner à la jeunesse d’aujourd’hui.
«Je comprendrais si c’était un test de connaissance générale [liée à la langue française], mais je le vois plus comme un test de mémoire. Je pourrais comprendre si le test était adressé à ceux qui veulent devenir des spécialistes de la langue française. Je trouve ça absurde d’être évalué sur des expressions qui datent du vingtième siècle, sur des exceptions et sur des notions vraiment poussées de la langue que je n’utiliserai jamais au cours de ma carrière.»
Des frais monétaires considérables
Une troisième étudiante, qui a dû passer le TECFÉE quatre fois avant de le réussir, souligne qu’elle a été contrainte d’obtenir son brevet un an plus tard que les autres membres de sa cohorte en raison de ses échecs: «J’ai continué mes cours quand même, mais je n’ai pas pu aller en stage. J’ai dû rencontrer la directrice de programme et m’inscrire à des cours d’appoint.»
Lors de sa troisième passation, elle raconte avoir pleuré pendant l’épreuve en raison de son haut niveau d’anxiété: «C’était trop pour moi, c’était trop de pression et c’était tellement difficile. Je suis certaine que le stress était l’un des facteurs qui expliquent mon échec.» Cette étudiante précise qu’elle a dû débourser plus de 500$ en frais de passation, en ateliers ainsi qu’en séances de tutorat. Finalement, elle ajoute que le niveau de difficulté variait grandement à chacune de ses passations; certaines versions du TECFÉE seraient plus faciles que d’autres. Selon elle, cela pourrait peser dans la balance; certainEs étudiantEs réussissent du premier coup à un TECFÉE moins exigeant tandis que d’autres échouent plusieurs fois à des TECFÉE plus pointus.