
La deuxième production du Théâtre des Gens de la place est présentée depuis le 4 décembre 2014 à la salle Anaïs-Allard-Rousseau de la Maison de la Culture de Trois-Rivières. La compagnie trifluvienne propose au public une version actuelle de la pièce culte Les Voisins, un texte de Claude Meunier et de Louis Saïa, jusqu’au 13 décembre.
Dans une mise en scène d’Évelyne Charland et de Dominique Blais, la distribution solide évolue dans un univers qui n’a rien à voir avec les idées surfaites de cette pièce de théâtre qui a marqué plusieurs générations. Cette pièce est souvent montée comme théâtre d’été ou présentée dans les écoles secondaires. C’est donc à la grande question, pourquoi s’attaquer encore une fois à ce texte maintes fois vu et lu, que la production doit répondre.
Le quotidien insipide de deux couples voisins. Les hommes parlent devant la haie. Les femmes parlent au téléphone. Les uns parlent voiture et interrupteur de lumière, les autres de varices et de sandwich pas de croûte. Les deux couples se rejoignent pour regarder des photos de voyage. Rien ne se passe, tout est vide, chacun parle, personne n’écoute.
La réussite de cette adaptation, qui surpasse de loin le téléfilm de la production originale, c’est de l’avoir abordée de façon réaliste.
D’entrée de jeu, la scénographie est frappante, le décor est simple et très efficace. De part et d’autre de l’espace de jeu, les maisons de chacun des voisins sont représentées par le squelette des murs et donne accès à l’intimité des lieux. Malgré que les acteurs miment certains objets qui ne sont pas là, ce qui dérange un peu, l’ensemble de tout ce qui englobe la scénographie est réussi. Le choix d’habiller les comédiens tout en blanc et de présenter un décor et des accessoires blancs accentue le vide communicationnel et l’entretien des relations inintéressantes. Par contre, quelques ajustements dans le texte par rapport à ce choix esthétique ont échappé à la mise en scène.

Le texte a subi une adaptation légère afin de camper l’histoire de nos jours et ainsi se dissocier des années quatre-vingt. Les prénoms ont été changés et l’on manipule iPod et cellulaire. C’est un détail important qui fait partie du génie de Charland et Blais. La réussite de cette adaptation, qui surpasse de loin le téléfilm de la production originale, c’est de l’avoir abordée de façon réaliste. La direction d’acteur est évidente et les écarts de jeu pratiquement nuls. Il n’y a plus de théâtre d’été, plus de gros monocle, plus de caricature. Rien n’est souligné, c’est donc le spectateur qui se fait son idée, qui réfléchit comme bon lui semble sur l’incommunicabilité.
Les silences sont calculés, les comédiens sont impeccables. Ce qui donne lieu à des séquences absurdes et surréalistes. Le travail formidable de Martin Bergeron et de François Laneuville permet d’installer dès le début de la pièce le ton à ce qui sera la démonstration d’un mal encore plus visible aujourd’hui, celui de la conversation futile, inutile, où la politesse surpasse le réel désir de communiquer. La comédienne Chantal Rivard joue tout en retenue le personnage le plus lucide, celui qui semble le plus désintéressé de toute cette mascarade de voisinage. Après neuf ans d’absence, Évelyne Charland remonte sur les planches et incarne une femme dépressive et timide qui fonctionne très bien.
Les silences sont calculés, les comédiens sont impeccables. Ce qui donne lieu à des séquences absurdes et surréalistes.
Bien que certains gags s’entendent venir avec de gros sabots, l’ensemble de la production est divertissant et s’adresse à un public très vaste. Malgré les quelques longueurs et les petits accrochages, le TGP s’approprie Les Voisins avec brio. Accessible et sensible, cette version est une réussite et une grande surprise, celle de présenter un texte qui commence à être essoufflé dans une adaptation qui vaut le déplacement. Un travail d’adaptation qui fait toute la différence et une distribution béton ne peuvent que donner un moment de théâtre agréable.
Cette pièce demeure grand public, mais elle a la force de laisser place au jugement du spectateur et à la réflexion. Ce n’est pas que du gros rire gras, mais plutôt des moments de malaise et des rires parfois jaunes. Tout est dans le dosage et l’équilibre.
Le Théâtre des Gens de la Place présentera Le baiser de la femme araignée, sa dernière production de la saison 2014-2015 en février prochain.