C’est bien étrange une mode, non? Qu’est-ce qu’une mode sinon qu’une norme conformiste d’apparence? D’une autre part, les modes sont aussi un art. Qu’on les suive de manière assidue ou qu’on s’en éloigne le plus possible dans la marginalité et l’anticonformisme, il n’en demeure pas moins que l’on s’approprie un style qui, souhaitons-le, soit en synchronisation avec ce qu’on veut dégager. La mode et le style ne sont peut-être que deux versants d’un même objet. Personne n’échappe aux modes.
On pourrait longuement discuter des modes actuelles, mais les modes du passé laissent poindre beaucoup plus facilement leurs bizarreries. Ainsi, je vous propose un petit survol des modes étranges du Moyen Âge et de la Renaissance. Il ne faut pas généraliser, les modes changent d’un pays à l’autre, mais les exemples suivants démontrent bien l’étrangeté des modes de jadis.
D’abord, parlons des bas collants. Il est très louche pour nous aujourd’hui de voir les hommes du XVIe siècle porter des collants et des jupes, mais la raison est simple, c’était pour exhiber les mollets. Car oui, à l’époque, le mollet est la partie la plus sexy et virile d’un homme. Plus il a de gros mollets, plus il est beau. C’est probablement en raison de la chevalerie; plus les mollets sont gros, plus cet homme doit être bon cavalier. C’est donc pour ça que les hommes de l’époque portent de grosses jupettes bouffies jusqu’en haut des genoux et des collants aux mollets.
Aussi, beaucoup plus troublant, la braguette. Comme les hommes portaient des jupettes, ils se devaient de porter des sous-vêtements. La braguette était donc une pièce de vêtement recouvrant le membre viril. Mais le but n’était pas de le cacher, mais de le mettre en évidence. Ainsi, le membre viril était enveloppé dans des soieries, rembourré de fourrures, et devait sortir de la jupette. Les hommes avaient donc un pénis de soie qui sortait de leurs jupes. C’est suffisant pour traumatiser n’importe quel voyageur temporel. Les armures avaient aussi une braguette, mais en métal…
Pour les femmes, c’était différent. Les seins étaient mis en évidence par des décolletés subtils, ce qui est intemporel. Par contre, les parties du corps les plus séduisantes étaient les pieds, qui devaient être longs pour bien danser, et le front, qui devait être haut et dégarni. Ainsi, les femmes de l’époque tiraient leurs cheveux vers l’arrière dès l’enfance et arrachaient les cheveux du toupet, question d’avoir d’immenses fronts. Aussi, les femmes de la cour avaient les pupilles dilatées. Pour ce faire, les femmes consommaient des belladones, une baie sauvage contenant de l’atropine, une substance hautement toxique attaquant le système nerveux.
De plus, à la fin du XVIe siècle, la graisse triomphante symbolise la femme oisive de la bonne société par opposition à la maigreur de celle du peuple annonçant maladie et mort.
De plus, à la fin du XVIe siècle, la graisse triomphante symbolise la femme oisive de la bonne société par opposition à la maigreur de celle du peuple annonçant maladie et mort. Les peintures du XVIIe siècle affichent aussi le gout pour les femmes épanouies qui va de pair avec celui de la cuisine grasse et sucrée. Être gros est alors synonyme de réussite sociale.
Nous pouvons extrapoler que ce qui est rare et difficile devient souvent synonyme de beauté. Ainsi, dans le contexte du XVIe siècle, il est difficile de bien manger et d’engraisser. Encore aujourd’hui, l’embonpoint est synonyme de beauté dans de nombreux pays où les conditions de vie sont précaires. Dans notre contexte contemporain d’aisance et d’abondance, c’est l’inverse. Il est difficile de ne pas sombrer dans la gourmandise et l’oisiveté, ainsi la maigreur est considérée de bon gout.
Aussi, à partir de la reine Elizabeth 1re, les femmes se maquillent en blanc (avec de l’arsenic) avec du rouge très vif sur les lèvres et les joues. Leurs maquillages les empoisonnaient, réduisant considérablement l’espérance de vie. Au XVIIIe siècle, les notables se sont aussi mis à se maquiller en blanc et portaient tous des perruques blanches. La blancheur tant recherchée des perruques et de la peau s’explique du fait qu’elle pouvait témoigner que son propriétaire ne fréquentait pas les lieux sales et ne s’avilissait pas à travailler.
Pour conclure, examinons l’origine de la cravate. À l’origine, elle était un attribut de l’uniforme d’un régiment de cavalerie Croate créé sous Louis III. C’était un foulard blanc noué qui devint rapidement populaire à la cour du Roi de France. Le mot «cravate» est d’ailleurs une déformation du mot «croate». Ce régiment de cavalerie a d’ailleurs reçu de Louis XIV le titre de «Royal cravate». La cravate a d’ailleurs été perçue comme un symbole de monarchisme lors de la révolution française, ce qui a contribué à la rendre populaire dans les autres cours d’Europe. Plus tard, lors de l’époque victorienne, elle a gagné en utilité. Elle servait aux soldats et aux ouvriers comme une guenille portative avec laquelle ils pouvaient s’essuyer le front et les mains.
Maintenant, pensez aux modes actuelles, lesquelles seront les plus ridiculisées dans 500 ans?