Présenté pour la première fois dans le cadre du 44e Festival du Film de Toronto, Jojo Rabbit (2019) est l’une des présentations les plus audacieuses de 2019. En plus d’avoir gagné le prix du public à Toronto, le film est notamment nommé dans deux catégories lors de la 92e cérémonie des Oscars, soit pour le meilleur film et la meilleure adaptation d’un scénario. Bien que l’excellent Parasite (2019) de Bong Joon-Ho soit reparti avec la majorité des récompenses, Taïka Waititi va remporter l’Oscar de la meilleure adaptation pour un scénario, adapté du roman de Christine Leunen, Caging Skies.
Réalisé par le Néo-Zélandais Taïka Waititi qui nous a offert de nombreuses comédies dramatiques telles que Boy (2010), Hunt for the Wilderpeople (2016) ainsi que le film issu de l’univers Marvel, Thor Ragnarok (2017). Pour ce sixième long-métrage, Waititi nous propose une comédie noire se déroulant durant l’Allemagne Nazi. Plusieurs films historiques ont été faits concernant la Seconde Guerre Mondiale et le régime nazi, notamment Schindlet’s List (1993), La Vita è Bella (1997) ou encore Der Utergang (2004). Cependant, à l’exception de The Great Dictator (1940) de Charlie Chaplin ainsi que The Producers (2005) de Mel Brooks, rares sont ceux qui vont traiter de manière humoristique de la figure d’Adolf Hitler.
Jojo Rabbit, la satire historique à son meilleur
Dans la lignée des films satiriques historiques des Monty Python, de Mel Brooks et même de Stanley Kubrick ainsi que de l’esthétisme de Wes Anderson, Jojo Rabbit est une excellente comédie noire sur l’absurdité du nazisme, mais plus particulièrement du racisme.
À la veille de la fin de la Seconde Guerre Mondiale, le jeune Johannes Betzler dit Jojo (Roman Griffin Davis) a maintenant 10 ans et rejoint la Deutsches Jungvolk (La jeunesse hitlérienne). Vivant seul avec sa mère suite au départ pour la guerre de son père et de la mort de sa sœur, Jojo s’invente donc un ami imaginaire… le Führer lui-même, Adolf Hitler. Lorsque Jojo découvre que sa mère Rosie (Scarlett Johansson) aide secrètement Elsa (Thomasin McKensie), une jeune femme juive en la cachant dans sa maison, le jeune Jojo voit l’occasion d’en apprendre plus sur les secrets des juif.ve.s, ce qui permet à Waititi de traiter de l’idiotie, et de la folie que peut engendrer le racisme et l’antisémitisme, mais plus particulièrement de dépeindre les membres de la Gestapo comme étant de pur.e.s imbéciles. Jojo se retrouve donc confronté face aux valeurs du nazisme et les valeurs humanistes.
De plus, le film traite de la naïveté de l’enfance et critique fortement l’endoctrinement des enfants sous toutes ses formes. Malgré que Jojo s’identifie ouvertement comme étant un Nazi, il s’agit d’un enfant qui reproduit simplement les codes de la société dans laquelle il est né. Le danger de l’endoctrinement est bien présent lorsqu’il est question des autodafés et du manque d’éducation et de connaissances de l’autre qui mènent au racisme et à l’antisémitisme absurde de Jojo, croyant que les juif.ve.s peuvent lire dans les pensées et dorment dans des cavernes.
Le personnage de Elsa démontre bien cette naïveté de l’enfance lorsqu’elle affirme à Jojo: «You’re not a Nazi Jojo, you’re a 10 year-old kid who likes dressing up in a funny uniform and be part of a club» [«Tu n’es pas un Nazi Jojo, tu es un enfant de 10 ans qui aime se déguiser dans un drôle d’uniforme et faire partie d’un club»]. Par ailleurs, il est question du stéréotype de l’homosexualité présente au sein de l’armée allemande. Le film dépeint parfaitement bien cette ambiguïté sexuelle, puisque le capitaine Klenzendorf (Sam Rockwell) et son second Finkel (Alfie Allen) entretiennent clairement une relation formellement interdite au sein de l’Allemagne nazie.
Hitler interprété par un juif
Interprété par Taïka Waititi, le personnage d’Hitler devient complètement absurde, puisque Waititi est d’origine polynésienne Maori ainsi que juive du côté maternel. Par conséquent, il est l’acteur parfait pour interpréter Adolf Hitler dans le cadre d’un tel film. De plus, lors des entrevues concernant son rôle, Taïka Waititi affirme ne pas avoir effectué de recherche sur Hitler:
«It would just be too weird to play the actual Hitler, and I don’t think people would enjoy the character as much. Because he was such a fucking c*nt, and everyone knows that as well. I think people have got to relate to really enjoy the ride» [«Ce serait juste trop bizarre de jouer le vrai Hitler, et je ne crois pas que les gens aimeraient autant le personnage. Parce qu’il était tellement un trou de c**, et tout le monde le sait. Je pense que les gens doivent absolument s’identifier au personnage pour avoir un bon moment»].
Dès les premières scènes, il est question de l’utilisation de certaines scènes du film de Leni Riefenstahl, Triumph des Willens (1935). Dans cette scène, il est question de l’arrivée d’Adolf Hitler lors du congrès de Nuremberg du NSDAP de 1934, cependant, Waititi y ajoute la version allemande d’I Want To Hold Your Hand du groupe The Beatles. Résultat? Hitler, une étoile montante de la pop dans les années 1930…
En somme, Jojo Rabbit est un film à voir absolument, il s’agit d’un excellent divertissement et un film nécessaire à mon avis. Malgré la sensibilité du sujet, il est parfois nécessaire de rire et oui, on peut rire de tout, même d’Hitler.
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Suggestions de la semaine
1- Dr.Strangelove or: (How i Learned to Stop Worrying and Love the Bomb) (1964), Stanley Kubrick
2- Under The Skin (2013), Jonathan Glazer
3- The Great Dictator (1940), Charlie Chaplin
4- Moonrise Kingdom (2012), Wes Anderson
5- Seven Psychopaths (2012), Martin McDonagh