Présenté en première mondiale lors de la 78e édition du Festival International du Film de Venise, La main de Dieu (È stata la mano di Dio, 2021) est sans équivoque, l’un de mes coups de cœur de l’année 2021. En plus d’être en lice pour l’oscar du meilleur film international lors de la 94e cérémonie des Oscars, le film a remporté le prix du Grand Jury ainsi que le prix Marcello Mastroianni décerné à la meilleure interprétation masculine lors du Festival International du Film de Venise. Sorti de manière limitée dans quelques salles de cinéma le 24 novembre et sur la plateforme Netflix le 15 décembre dernier, le nouveau film de Paolo Sorrentino est une œuvre d’une très grande sensibilité dans la lignée de ses œuvres.
Réalisateur de nombreux longs métrages dont L’homme en plus (L’uomo in più, 2001), Il Divo (2008), This Must Be The Place (2011), La Grande Beauté (La Grande Bellazza, 2013), Youth (2015), Loro (2018) ainsi que les séries télévisées The Young Pope (2016) et The New Pope (2019). Contrairement à ses œuvres précédentes où le récit et l’esthétisme nous rappelaient par moment le cinéma de Federico Fellini ou encore celui de Michelangelo Antonioni, La main de Dieu est quant à elle, une œuvre très personnelle et semi autobiographique.
Mais pourquoi La main de Dieu? Ce titre possède deux significations distinctes, à la fois l’absurdité de la vie et le silence absurde de Dieu, mais aussi un clin d’œil à l’évènement sportif concernant le but marqué par Maradona lors du quart de finale de la Coupe du monde en 1986.
La main de Dieu est librement inspirée de la jeunesse du réalisateur. Dans le Naples des années 1980, Fabietto (Filippo Scotti) est un jeune solitaire. À l’exception de son père Saverio (Toni Servillo) et de son frère Marchino (Marlon Joubert), le jeune Fabietto n’est pas en mesure de développer des amitiés avec les autres. Durant son adolescence, tout comme Paolo Sorrentino, le personnage de Fabietto, l’alter ego du réalisateur, ne s’intéresse qu’à la musique, à la philosophie ainsi qu’à la carrière du joueur de football Diego Maradona. Un jour, une tragédie vient frapper la famille du jeune homme et celui-ci devra trouver son chemin afin de donner un sens à son existence.
Réflexion sur la place du cinéma
La main de Dieu est avant tout un film très personnel à l’auteur. En plus de traiter de ses blessures du passé, il aborde avec intelligence, la place que le cinéma a occupée dans son cheminement dès l’adolescence. Le cinéma fait partie intégrante de ce film en tant que réflexion sur le réel. Très rapidement, la vie du jeune Fabietto est ébranlée par une tragédie et rapidement, celui-ci désire fuir la réalité.
C’est à ce moment que le cinéma entre dans la vie du jeune homme comme manière constructive de fuir la réalité par la réalisation et l’écriture cinématographique. En ce sens, Paolo Sorrentino accorde une grande importance aux réalisateurs Federico Fellini ainsi que Antonio Capuano qui fut son mentor en début de carrière. Les nombreuses scènes familiales, mais aussi la présence de nombreux personnages excentriques nous rappelle sans hésitation le cinéma de Federico Fellini, plus particulièrement, Amarcord (1973) ou encore Giulietta degli spiriti (1965).
Ce qui est intéressant dans ce film est le rapport qu’entretient Paolo Sorrentino à la réalité et à la volonté d’embellir celle-ci malgré la tristesse et l’absurdité de sa vie d’adolescent. La main de Dieu nous permet notamment de mieux comprendre ses œuvres précédentes qui abordaient avec délicatesse, la mélancolie de la vieillesse, sa vieillesse, mais aussi celle dont ses parents ont été privée.
Un «coming age» nostalgique
Récemment, de nombreux réalisateurs ou réalisatrices, nous offrent des œuvres de type «coming of age», telles que Lady Bird (2017) de la réalisatrice américaine Greta Gerwig ou encore Call Me By Your Name (2018) du réalisateur italien Luca Guadagnino. Dans La main de Dieu, Paolo Sorrentino nous offre une œuvre personnelle axée sur l’adolescence, mais d’un point de vue nostalgique empreinte d’une grande douceur. Ici, l’auteur aborde avec sensibilité, les blessures de son passé en lien avec le décès de ses parents alors qu’il était âgé de 16 ans. Cet évènement marque le personnage de Fabietto qui doit désormais devenir un adulte face à une réalité qu’il répugne et où il peine à trouver un sens.
Le film aborde les thématiques chères à l’auteur dont la famille, la vieillesse, mais aussi le nihilisme. Contrairement à ses films précédents, La main de Dieu s’avère moins contemplatif, malgré un esthétisme à couper le souffle.
En somme, La main de Dieu est un film à voir absolument, il s’agit d’un excellent film empreint d’une grande douceur nostalgique. Malgré la présence de nombreux films sur le marché et sur l’ensemble des plateformes de visionnements, ce qui rend un film si extraordinaire est sa simplicité et son honnêteté.
La main de Dieu est disponible sur Netflix https://ouvoir.ca/2021/the-hand-of-god
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