
L’année 2020 a eu de nombreuses répercussions sur la sortie et la présentation en salles de certains films. C’est le cas notamment du film Possessor du réalisateur canadien Brandon Cronenberg. Présenté lors du Festival du film de Sundance le 25 janvier 2020, ce n’est que le 2 octobre dernier que les amateurs et amatrices du réalisateur ont pu se le procurer.
Réalisateur de nombreux courts métrages dont Broken Tulips (2008), The Camera and Christopher Merk (2010) ainsi que Please Speake Continuously and Describe Your Experiences as They Come to You (2019), Cronenberg retient particulièrement l’attention en 2012 avec la sortie de son premier long métrage, Antiviral, un film joignant l’horreur à la science-fiction où le culte de la célébrité est poussé à son paroxysme et où les gens sont prêts à payer une fortune pour s’injecter les maladies de leurs vedettes adorées. Cette fois-ci, l’auteur renoue avec l’horreur et la science-fiction, dans un récit d’une grande et percutante violence psychologique.
Et si je n’étais plus le maître ou la maîtresse de mon corps? Et si quelqu’un d’autre avait pris possession de mon être à des fins meurtrières? Voilà des questions préliminaires au visionnement de ce film. En ce sens, Possessor pourrait être comparé à une version ultra violente d’un épisode de la télésérie britannique Black Mirror.
Possessor, une histoire de possession et de technologie
Possessor se déroule en 2008 dans un monde alternatif. Tasya Vos (Andrea Riseborough) est une tueuse à gages, cependant, ce n’est pas à l’aide de son corps qu’elle accomplit sa tâche, mais bien à l’aide d’une technologie lui permettant de prendre le contrôle de certains individus. Afin d’être en mesure de se connecter à l’hôte, une équipe de scientifiques doit préalablement enlever la victime pour lui installer un implant dans le cerveau afin d’assurer la connexion entre les deux êtres. Généralement, à la suite d’un meurtre, Vos quitte le corps de son hôte en provocant le suicide de celle-ci.
C’est ainsi que dès les premières images du film, on assiste à l’assassinat d’un avocat durant une soirée dans un hôtel par l’intermédiaire d’une jeune hôtesse. Cependant, dès le début du film, on constate qu’elle n’est plus en mesure de se suicider, puisque la fusion entre les deux êtres semble problématique. À la suite de cet incident, Girder (Jennifer Jason Leigh), la responsable de l’agence de tueurs à gages, effectue une évaluation psychologique de Vos à l’aide d’objets liés à la mémoire de Vos afin de s’assurer de la stabilité émotionnelle de celle-ci.
Critique violente de la technologie
Lors du contrat suivant, elle doit prendre possession du corps de Colin Tate (Christopher Abbott), puisque celui-ci entretient une relation amoureuse avec Ava Parse (Tuppence Middleton), la fille d’un riche homme d’affaires, John Parse (Sean Bean). La mission de celle-ci est simple, éliminer le vieil homme et la jeune femme et ensuite provoquer le suicide du jeune homme.
Cependant, les limites de la technologie engendrent une prise de conscience chez Tate concernant la présence de son hôte. Dès lors, on assiste à une lutte psychologique entre les deux personnages au sein du corps et de l’esprit de Tate. En raison de cette forme de possession, Tate est aux prises avec une forme de dissonance cognitive et la mémoire de Vos se fusionne à celle de Tate et celui-ci prend donc conscience de l’existence de la famille de celle-ci. Ultimement, Tate se rend chez Michael et Ira Vos, la famille de Tasya Vos dans un dénouement inattendu.
Le cinéma de Brandon Cronenberg est caractérisé par une critique violente de la technologie. Contrairement à Antiviral où il critiquait le culte de la célébrité sous l’angle de la technologie, ici dans Possessor, on assiste à une banalisation de la technologie où les grandes compagnies observent librement la vie privée des gens à des fins publicitaires et de voyeurisme. Il critique l’omniprésence de la technologie et comment celle-ci est en mesure d’altérer l’identité profonde des individus. Par ailleurs, le fait que le personnage de Vos prend le contrôle d’un corps masculin relève notamment de la question de l’identité de genre. Bien évidemment, le personnage de Vos n’est pas trans, cependant, il pose de nombreuses questions concernant l’appropriation et la réappropriation du corps.
Un futur film culte du Body Horror?
Il s’inscrit dans la mouvance des films de type «Body Horror», qui est un sous-genre de l’horreur qui aborde les transformations et les violations du corps humain ou encore de sa psychologie, par de la mutation et l’utilisation de certaines technologies. En ce sens, l’expression «tel père, tel fils» s’applique à la perfection, puisque Brandon Cronenberg est le fils du réalisateur canadien David Cronenberg qui est le père du «Body Horror», avec des films tels que Shivers (1975), Rabid (1977), The Brood (1979), Videodrome (1983) et The Fly (1969).
En somme, Possessor de Brandon Cronenberg est voué selon moi à devenir un film culte du genre dans la lignée des films de «Body Horror». Malgré la présence de David Cronenberg, on se réjouit de constater que celui-ci a su développer un style bien à lui ne se limitant pas à simplement copier le style et les œuvres de son père.
Suggestions de la semaine
1- Slither (2006), James Gunn
2- Crash (1996), David Cronenberg
3- Hereditary (2018), Ari Aster
4- The Burden (2017), Niki Lindroth Bahr
5- I Don’t Feel at Home in This World Anymore (2017), Macon Blair