Primé à Cannes cette année pour sa mise en scène, La passion de Dodin Bouffant remet à l’affiche les acteurs français Juliette Binoche (Eugénie) et Benoît Magimel (Dodin). Sorti début novembre au Québec, le réalisateur Tran Anh Hùng adapte ici l’œuvre de Marcel Rouff paru il y a un siècle.
Une tendresse qui mijote à couvert

On est en 1885. Dodin (Benoît Magimel) est un gentilhomme fortuné et féru de gastronomie. Il a à son service depuis une vingtaine d’années Eugénie (Juliette Binoche), assistée aux fourneaux et au service par Violette (Galatea Bellugi). Toujours entouré par ses amis et conseillers, banquier, notaire, ils participent aux dégustations et bénéficient des somptueux repas préparés par les gastronomes réputés que sont Dodin et Eugénie.
Le lien précieux et riche qui unit Eugénie à son employeur va bien au-delà des murs de la cuisine, et si lui se sent « à l’automne de sa vie », elle, refuse ses multiples demandes en mariage car elle se sent « en plein été ». Chaque jour, ils étudient de nouvelles recettes, mijotent, dégraissent, blanchissent, rôtissent toutes sortes de plats plus gargantuesques et impressionnants les uns que les autres.

Alors que l’histoire originale débute après la mort de la cuisinière, le film nous offre leur complicité et leur amour discret. Les deux personnages prennent sous leur aile la jeune Pauline (Bonnie Chagneau-Ravoire), nièce de Violette, et fait preuve d’un goût prometteur. Le décès d’Eugénie est vécu comme un cataclysme pour Dodin, qui peine à s’en remettre. La cuisine devenue vide, deviendra pourtant sa porte de sortie pour briller de nouveau.

« C’est très bon ce qu’on a fait, mais tout ça me donne l’impression d’un brouillon, d’une esquisse. »
Dodin Bouffant, joué par Benoît Magimel.
Un écrin délicieux mais assez pauvre
On comprend la raison de l’obtention d’un prix de la mise en scène au dernier Festival de Cannes. Les va-et-vient dans la cuisine étourdissent un peu, mais les gestes précis, les plats et leurs couleurs, la variété d’éléments présents à l’écran donnent l’eau à la bouche et l’envie de régaler son palais de mille et une saveurs. Seulement, l’histoire piétine, le tempo est lent, et le novice en haute gastronomie pourra avoir du mal à s’immerger dans cet univers qui pourtant annonçait des merveilles.

La magie orchestrée par le chef étoilé Pierre Gagnaire (présent à l’écran dans le rôle du cuisinier du prince) perd de son éclat face à des dialogues assez pauvres. On sent la minutie accordée dans les détails. Les décors intérieurs du château, les salles et salons, la cuisine ainsi que les costumes sont impressionnants. Les décors extérieurs tels que les jardins potagers de Dodin et des parents de la petite Pauline sont foisonnants et riches de beaux légumes. Néanmoins, il manque un petit quelque chose qui fasse véritablement basculer le spectateur dans la fiction. Autrement dit, ce film fait saliver les yeux, tandis qu’il nous laisse sur notre faim.