
Hier, Québec a annoncé le gel temporaire de deux de ses principales voies d’accès vers la résidence permanente. Il s’agit du programme régulier des travailleurs qualifiés et la catégorie « diplômés » du programme de l’expérience québécoise (PEQ). Il semble que les dirigeants politiques aient perdu le contrôle de la situation. Malgré les réformes successives et les annonces répétées, l’immigration demeure un sujet de préoccupation majeure. Ces mesures du gouvernement caquiste remettent en cause les aspirations professionnelles de nombreux diplômés étrangers. Elles sapent aussi l’économie et plongent les entreprises dans l’incertitude. Comment en sommes-nous arrivés là ?

Les étudiants internationaux au Québec
Attirer des étudiants internationaux, notamment ceux qui décident de rester après leurs études, permet de tirer parti du bassin mondial des compétences, mais aussi de stimuler l’innovation et le développement des chaînes de production. Dans de nombreux pays comme le Canada, cela permet aussi de pallier les conséquences du vieillissement de la population active.
Les étudiants internationaux représentent une main-d’œuvre précieuse pour les employeurs qui dépendent d’eux pour maintenir leurs activités. Les établissements d’enseignement comptent sur cette clientèle pour accroître leurs revenus et préserver certains programmes, notamment en région. Les municipalités tirent profit de leur arrivée pour combattre le déclin démographique, tandis que les citoyens bénéficient de leur présence en tant que consommateurs, bénéficiaires des services publics ou des biens.
Selon Affaires mondiales Canada, en 2022, les étudiants internationaux ont contribué à hauteur de 30,9 milliards de dollars au PIB canadien. Ils ont généré directement ou indirectement 7,4 milliards de dollars de recettes fiscales. Ces chiffres démontrent leur impact positif sur la croissance économique, l’innovation et la productivité sur le marché du travail.
Le gel du PEQ impacte la situation des étudiants internationaux
Le PEQ est un dispositif mis en place par le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration du Québec (MIFI). Il permet aux étudiants internationaux ayant obtenu leur diplôme ainsi qu’aux travailleurs étrangers temporaires de bénéficier d’un cheminement accéléré vers la résidence permanente au Québec, sous réserve de remplir les critères d’éligibilité.
Les personnes immigrantes temporaires, qui sont déjà autorisées à travailler au Québec, peuvent demander un permis de séjour permanent via le programme « travailleurs étrangers temporaires ». Ceux qui ont obtenu un diplôme universitaire ou collégial québécois peuvent postuler pour une résidence permanente grâce au programme « diplômés du Québec ».
L’arrêt du volet « diplômés » du PEQ jette l’incertitude sur de nombreux étudiants étrangers en fin de formation. On a observé une succession de réformes du PEQ ces dernières années, ce qui laisse croire à un manque de clarté et de continuité dans la politique d’immigration du gouvernement. Pour être éligible, il faut posséder un certain diplôme, avoir travaillé à temps plein pendant une période minimale, démontrer votre maîtrise du français et remplir divers autres critères. Cependant, malgré ces exigences, le PEQ reste la voie privilégiée pour les étudiants ayant étudié au Québec et souhaitant y résider de manière permanente.
Il s’agit donc d’un véritable choc, d’autant plus que les parties prenantes concernés par la situation des étudiants n’ont pas été consultées. Il y a un an, le gouvernement avait annoncé des mesures différentes de ce qui est actuellement en place. En renforçant les restrictions et les fardeaux administratifs concernant le statut des étudiants internationaux, le Québec court le risque de les faire fuir. Ces derniers pourraient en effet décider de s’établir dans une autre province où le processus d’immigration est plus simple.
Il faut sortir du triangle des Bermudes
Compte tenu de son statut unique au sein de la fédération canadienne, le Québec doit revoir ses politiques migratoires pour offrir un cadre harmonieux et constant. Marc Miller, ministre fédéral de l’Immigration, estime que la décision de Jean-François Roberge, ministre québécois de l’Immigration, de geler deux programmes permettant l’obtention de la résidence permanente est incomplète.
Comment concevoir l’immigration différemment ? Le gouvernement doit éliminer tous les stéréotypes entourant les personnes immigrantes et qui peuvent provoquer des interactions interculturelles négatives. Il est aussi important de passer d’un discours utilitariste et statistique à un discours humaniste. Derrière les chiffres se cachent des individus qui contribuent de manière efficace à la prospérité québécoise. Enfin, les réformes doivent être abordées non pas comme une expression unilatérale et souverainiste du gouvernement, mais comme une construction collective qui implique toutes les parties prenantes pertinentes en matière d’immigration.
Pour aller plus loin, je vous invite à consulter cette entrevue de notre recteur Christian Blanchet sur cette actualité.



