
Du 3 au 12 octobre 2025, le Festival international de la poésie de Trois-Rivières a réuni poètes, artistes et publics curieux dans une série d’événements littéraires alternatifs. Organisé dans divers lieux du centre-ville, notamment à la Maison de la culture, le FIPTR a offert une tribune précieuse aux voix poétiques contemporaines, favorisant l’expérimentation, les dialogues interculturels et l’accès direct aux auteurs.
Midi-Causerie à la Librairie Poirier
En ce début d’après-midi automnal, le 10 octobre à la Librairie Poirier, l’évènement Midi-Causerie à Trois-Rivières s’est déroulé dans une petite salle remplie. Trois voix poétiques s’y sont croisées : Diane Régimbald, Maude Pilon et Arthur Billery. Dès l’ouverture, l’animatrice de l’événement, souriante et préparée, invite le public à participer « Et si vous n’avez pas de questions, rassurez-vous, j’en aurai ».
Diane Régimbald, poétesse montréalaises installée aussi à Rawdon, en Estrie, prend le micro. Elle est l’autrice de près d’une quinzaine d’ouvrages, dont 8 recueils de poésie. Son œuvre, traduite en anglais, allemand, catalan et espagnol, a été finaliste au Prix du Gouverneur général. Elle lit un extrait de sont livre Elle voudrait l’ailleurs encore, avec les dessins à l’encre de Sophie Lanctôt.
« Le jour annonce un ciel venteux, craindre le pire, craindre le meilleur, ne pas savoir, là, le monde, la mémoire en pièce. » Extrait du livre de diane Régimbald
Puis vient Maude Pilon, autrice discrète mais incisive, qui annonce d’entrée « Je ne sais pas si c’est de la poésie. » Son dernier ouvrage est À midi une joie. Elle partage un extrait tiré a partir du Journal d’usine de Simone Weil « Une femme brode un tissu qui sert à emballer un oiseau mort, à défaut d’écrire son histoire d’amour. »

Résonances croisées et paroles ouvertes
La transition se fait en douceur. Arthur Billery, dernier invité du jour, entre en scène avec un accent franc-comtois marqué et une présence à la fois posée et vive. Poète, éditeur et critique littéraire, il vient de la région de Franche-Comté et vit aujourd’hui en Suisse, au cœur de la Grande Brasserie d’Audincourt, lieu de création et de diffusion artistique. Fondateur de la chaîne YouTube Trousp, consacrée à la littérature suisse contemporaine, Billery revendique une poésie politique, physique et ancrée dans les tensions du monde.
Il lit un poème écrit sur l’équateur, ligne fictive mais chargée de symboles. Sa voix grave donne du poids aux vers. Dans la salle, le silence est presque palpable.
« Existe-t-il un miracle, rien qu’un miracle pour nous sauver des erreurs que nous sommes, pour nous sauver de la bêtise, car elle encombre, vivre. »
Midi poésie, des mots pour relier les mondes
Au deuxième étage de la Maison de la culture de Trois-Rivières, perchée au cœur de la bibliothèque municipale, les chaises ont toutes trouvé preneur. La lumière filtre à travers les hautes fenêtres, enveloppant la salle comble. On a même dû demander au public d’où il venait. De Trois-Rivières, bien sûr, mais aussi de Montréal, de Gaspé, et même de France. Certains se disent venus par amour des mots, attirés par la promesse de ce lieu mythique qu’est devenue la ville : « Capitale de la poésie », entend-on.
Face au public, une longue table. Autour : Serge Lamothe, Carl Bessette, Nicole Brossard et Jonas Fortier. Un micro, seul au centre, attend les voix. L’animatrice accueille le premier invité : « Jonas Fortier, du Québec ! » annonce-t-elle. Poète, éditeur et traducteur, Fortier s’avance. Il parle d’une relation marquante « une relation avec une infirmière sans histoire ». Puis, dans une langue directe et troublante, il lit un extrait de son œuvre « J’aurais pu dire franchement, maudit calvaire, je t’aime. »
Les mots frappent. Bruts, tendres, désarmés. Le silence s’installe. La salle écoute, ce moment, presque théâtral, souligne la puissance de la parole poétique. Dans cet espace chargé de livres, d’attentes et de silences, la poésie devient plus qu’un genre : un acte de présence. Ce midi-là, à Trois-Rivières, les frontières sont tombées. Ne restait que la force des voix et ceux qui les reçoivent.
Situation de la poésie dans le monde, une table pour plusieurs continents

En cette fin d’après-midi à la Maison de la culture de Trois-Rivières, les festivaliers du FIPTR ont été invités à suivre un long couloir menant à la salle Louis-Philippe-Poisson. Dans le noir presque complet, des tables rondes, chacune ornée d’une fausse bougie, accueillaient le public dans une atmosphère intime. Sur scène, une longue table faisait face à la salle. Les six poètes invités y prenaient place, entourant Stéphane Despatie, animateur de la rencontre intitulée Situation de la poésie dans le monde.
Les auteurs présents représentaient plusieurs régions du globe : Arthur Billerey (Suisse), Viviane Ciampi (Italie/France), Alain Dantinne (Belgique), Imasango (Nouvelle-Calédonie/France), Beatriz Hausner (Ontario) et Florentine Rey (France). Après les présentations, Stéphane Despatie lance la discussion en posant une question ouverte à tous les invités:
« Qu’est-ce que, dans votre pays ou région, vous considérez comme un point fort pour la poésie et qu’est-ce qui, selon vous, manque ? »
Chaque poète répond tour à tour, partageant des réalités diverses. Imasango, originaire de Nouvelle-Calédonie, évoque les effets de la colonisation sur la transmission poétique :
« Pour ma part, la poésie se porte très mal, parce que c’est le résultat d’une colonisation qui a été aussi la colonisation des esprits. Et le jour où on comprendra qu’en Océanie et avec ces peuples et cette façon d’habiter le monde, il y a une vraie richesse et particularité, alors peut-être que cette poésie-là aura sa place dans le monde. »
Pour cette 41ᵉ édition, le FIPTR a animé la ville de Trois-Rivières une fois de plus, avec une série de rencontres poétiques riches et variées présentées au courant de plusieurs évènements. Entre les échanges intimistes de la Librairie Poirier, les lectures à la Maison de la culture et bien plus encore, le festival a mis en lumière la diversité des voix, des cultures et des sensibilités




