Cinéma d’aujourd’hui: St. Vincent / Les yeux jaunes des crocodiles

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St. Vincent

«What kind of a man takes a child to a bar and to the race track?»

Véritable plaidoyer pour la résilience, St. Vincent nous plonge à travers les yeux de Vincent McKenna (Bill Murray) et de son jeune voisin Oliver Bronstein (Jaeden Lieberher) pour présenter en légèreté l’âpreté des défis de la vie que rencontrent ceux dont le parcours se situe en marge des modèles courants de la société. En proposant une panoplie de personnages aux prises avec la misère et l’abandon, le film nous rappelle ainsi en simplicité la somme de forces que l’homme peut déployer face à la vie, tant et aussi longtemps que le cœur y est.

Malgré qu’on ait droit à un feel good movie américain on ne peut plus classique, les amateurs d’un cinéma plus recherché trouveront tout de même dans certaines prises de vue et dans la caractérisation du personnage de Vincent de quoi satisfaire leur cinéphilie. Comique à la fois par la répartie sans filtre du personnage principal et dans les effets de drôlerie suscités par une utilisation répétée de plongés et de ralentis, le film glisse à certains moments dans un jeu plus senti qui laisse entrevoir, au-delà de la simple recherche du rire, la variété d’intentions pouvant être couvertes par les acteurs. Bill Murray, tout en demeurant fidèle à lui-même, épate en ce sens à de nombreuses occasions en retransmettant très justement cet état particulier de la volonté où tout effort se voit teinté de renoncement et d’apathie. De son côté, Jaeden Lieberher offre une performance honnête pour son âge, grandement aidé par la sympathie que suscite naturellement son personnage à la fois enfant et adulte.

Si la fin du film se prévoit sans trop de difficulté en réemployant une formule maintes fois éprouvée, cette dernière n’en demeure pas moins touchante de vérité, en soulignant à grands traits la beauté des gestes posés par pure bonté, sans aucune recherche de valorisation.

Les yeux jaunes des crocodiles

«Ta sœur est une incapable. »

Adaptation du roman éponyme de Katherine Pancol, Les yeux jaunes des crocodiles est une comédie dramatique portant sur l’imposture et sur la nécessité de faire valoir sa propre personne pour vivre. Sans éclabousser par son style ni se démarquer particulièrement des (trop?) nombreux films ayant abordé au cours des dix dernières années le thème de la crise de la quarantaine chez la femme, l’œuvre demeure une écoute agréable qui saura plaire aux grandes effacées de ce monde.

À n’en point douter, le principal intérêt du film se situe dans la construction des personnages de Joséphine et d’Iris, sœurs aux antipodes amenées à collaborer sous un même nom pour l’écriture et la promotion d’un roman qui deviendra un best seller. Le jeu des actrices (Julie Depardieu et Emmanuelle Béart) se révèle à cet effet plus qu’appréciable, ces dernières parvenant tout au long de l’œuvre à incarner l’ordinaire et le quotidien sans pour autant verser dans le fade ou le convenu. En éclairant les enjeux profonds que traversent les personnages par des retours en arrière judicieusement choisis (l’observation des étoiles, la noyade), la réalisation contribue aussi à donner aux deux femmes plusieurs dimensions psychologiques supplémentaires, dépassant le rendu de surface définissant trop souvent les films du genre. Cécile Telerman offre ainsi de belles leçons cinématographiques sur l’art de fournir en peu de temps le contenu nécessaire au spectateur pour s’investir et s’impliquer émotionnellement dans les épreuves que rencontrent les personnages.

En partant d’une première moitié bien construite, le film enregistre malheureusement par la suite d’importantes longueurs. Au moment où le spectateur se voit bien préparé à vivre le nœud de l’intrigue, le film se perd dans une multiplication de tableaux qui ne viennent plus nourrir le récit, mais qui au contraire l’alourdissent (les scènes du « Chef » pris entre sa femme et sa maîtresse en sont le meilleur exemple, leur histoire se déroulant absolument indépendamment de la trame principale). On pourrait ici blâmer la réalisation d’avoir sans doute essayé de couvrir au mieux le contenu du roman, alors que certaines coupures supplémentaires auraient été bénéfiques. Cette présence de scènes superflues se pardonne d’autant plus difficilement qu’elles s’accompagnent de certains dénouements précipités, comme les découvertes de l’imposture par Luca et par Hortense.

Film principalement adressé aux sœurs et aux femmes en quête d’elles-mêmes, Les yeux jaunes des crocodiles reste en définitive une bonne écoute d’après-midi, l’hiver. Sans y trouver une histoire des plus remarquables, le spectateur pourra tout de même y dénicher quelques pistes pour questionner ses propres peurs et ses propres fuites.

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Prochainement au Cinéma Le Tapis Rouge:

Whiplash de Damien Chazelle (à partir du 12 décembre – Drame américain lauréat du Grand Prix aux festivals de Sundance et de Deauville en 2014)

Hippocrate De Thomas Lilti (à partir du 19 décembre – Comédie dramatique française mettant en vedette Vincent Lacoste)

Big eyes de Tim Burton (à partir du 25 décembre – Drame biographique américain portant sur les peintres Walter et Margaret Keane)

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