
La Biennale nationale de sculpture de Trois-Rivières s’est terminée alors que la session universitaire débutait. Dans le cadre d’une activité parallèle de la biennale, l’artiste et chargé de cours du département de Philosophie et des arts, Roger Gaudreau, a créé une œuvre aux dimensions extravagantes. Pour l’exposition Vaisseau et passagers, il a fait appel au photographe Guy Tremblay afin d’appuyer son œuvre. Inspiré par le thème de la biennale, Le meilleur des mondes, le sculpteur a présenté le fruit de son travail de résidence-création lors de son finissage, le mercredi 14 septembre dernier à la Galerie R3 de l’UQTR.
À l’ère du numérique, où la création se fait souvent par l’entremise d’une machine et d’un écran, Guy Tremblay effectue un travail sensible du geste ritualisé.
Contrairement à un vernissage, qui consiste à donner le coup d’envoi à une exposition qui s’échelonne dans la durée, le finissage présente un travail éphémère. Le principe d’une résidence-création est d’offrir l’espace-galerie à un artiste et de lui permettre de créer sur le site d’accueil de l’œuvre. C’est donc dans ces circonstances que Roger Gaudreau a créé in situ son vaisseau, mesurant 2,5 mètres de diamètre, pour atteindre une longueur de près de onze mètres. Cette structure surprenante occupe avec aisance la majeure partie de la galerie. Le spectateur peut se promener tout autour en se laissant emporter par la forte vibrance de l’œuvre.
Avec l’aide de ses assistants, Marielle Lachance et Gabriel Mondor, Roger Gaudreau a assemblé des branches d’arbres d’essences variées sur des troncs et des boules en acier. Ce vaisseau se veut une continuité du travail de l’artiste, qui œuvre avec la problématique de l’impact du temps et de l’Homme sur la nature. La réponse de la nature à ces transformations se lit souvent par la cohabitation d’éléments organiques et d’éléments minéraux. Ses œuvres, souvent en extérieur, se détériorent ou se modifient au contact de l’effritement des heures qui courent.

Pour habiter son vaisseau, l’artiste de la matière a sollicité un ami d’enfance retrouvé depuis peu, Guy Tremblay, un photographe qui utilise les procédés argentiques et des techniques de développement minutieuses. À l’ère du numérique, où la création se fait souvent par l’entremise d’une machine et d’un écran, Guy Tremblay effectue un travail sensible du geste ritualisé. La révélation d’images par exposition à la lumière demande une attention et une maîtrise technique pointue. Et dans le cas de cette exposition, le coefficient de difficulté est augmenté, car le photographe travaille avec le palladium et le platine. Cette méthode fait en sorte que les produits s’incrustent directement dans le support papier, ce qui donne un rendu très organique, en lien direct avec les matériaux du vaisseau.
Guy Tremblay a photographié des dizaines de personnes provenant de communautés autochtones. Touché par les mots de Richard Desjardins, l’artiste a voulu rendre visible ce peuple trop souvent invisible. En quelques minutes, il devait établir un contact avec ses sujets qu’il ne connaissait pas du tout, un défi de taille pour les prises de vue serrée qu’il présente. Le cadrage rapproché des visages est intime. L’artiste photographe a su rendre des clichés d’une grande douceur et d’une tendre beauté. Le seul défaut de cette exposition est le peu de temps qui lui est accordé, compte tenu de la force des images et du travail de moine qui se cache derrière le résultat.