
Le retour de Trump, le départ de Trudeau, l’arrivée de Poilievre ? La fin de la guerre en Ukraine ? L’annexion du Canada par les États-Unis ? La situation au Moyen-Orient… La liste est loin d’être exhaustive. Chacun de ces points constitue un enjeu géopolitique ou géostratégique majeur, avec des effets dominos à portée variable. J’aurais aimé prendre un rendez-vous avec la Pythie de Delphes, pour savoir ce que nous réserve l’année 2025 pour vous en livrer en exclusivité le contenu à l’avance. Sinon, à défaut de ses oracles, nous allons nous inspirer et puiser dans les travaux du théoricien de la complexité, Edgar Morin, pour tenter de penser et méditer sur cet horizon d’incertitudes. Les lignes qui suivent sont davantages des réflexions philosophiques que des énoncés prospectifs.
Le défi de la complexité
Notre monde est de plus en plus imprévisible. Anticiper l’avenir, même de manière spéculative, est devenu une tâche extrêmement risquée. La raison en est assez simple, comme l’explique Edgar Morin, toutes les futurologies du XXe siècle qui prévoyaient l’avenir en extrapolant les tendances actuelles ont échoué. Pourtant, nous continuons à prédire 2025 et 2050, alors que nous sommes incapables de comprendre le présent. L’histoire est jalonnée d’événements imprévus qui ont rarement été pris en compte par les consciences. D’où sa maxime permanente: « Attends-toi à l’inattendu.»
Idéologiquement, je fais partie de la minorité profondément préoccupée par le débridement incontrôlé de la mondialisation techno-économique, d’une part, et par la dégradation progressive de nos sociétés d’un point de vue axiologique, d’autre part. D’un autre côté, qu’est-ce que la sociologie de l’expérience nous révèle au regard de certains évènements majeurs qui ont marqué les dernières années ? Avant de répondre, posons le diagnostic : pénétration et interpénétration de l’intelligence artificielle, collecte massive et exploitation des mégadonnées, explosion des think tanks et des cabinets-conseils, usages élevés d’Internet et accès sans limite à divers médias sociaux numériques, standardisation des médias mainstream et normalisation de « l’info à chaud », etc.
L’illusion du savoir
Mais, pourtant, nous n’avons plus aucune certitude, disons pas grand-chose pour ne pas être excessif. Nous ne sommes pas plus avancés aujourd’hui sur plusieurs points qu’hier, sans vouloir être cynique, ni pessimiste. Et pourtant, les connaissances se multiplient, on assiste à un déluge incessant de chiffres. Or, nos dirigeants sont de plus en plus incapables de prévisibilité. Interrogez Justin Trudeau ou Emmanuel Macron sur ces écarts abyssaux dans les déficits budgétaires, et demandez au gouvernement québécois de justifier son manque de maîtrise de l’immigration.

Cela met en évidence les limites de notre système de connaissance actuel, qui nous amène à distinguer ce qui est intrinsèquement lié et à ne considérer qu’un aspect d’un ensemble complexe et multiforme. En effet, la révélation foudroyante des bouleversements que nous subissons est que tout ce qui semblait séparé est finalement relié, puisqu’une catastrophe sanitaire ou sécuritaire catastrophise en chaîne la totalité de tout ce qui est humain. On l’a vu avec la COVID-19, on le voit avec la guerre en Ukraine.
Pour Edgar Morin, il est tragique de constater que la pensée disjonctive et réductrice règne en maîtresse dans notre civilisation et tienne les commandes en politique et en économie. Cette carence intellectuelle a entrainé des égarements dans l’analyse et la prévention des événements, ainsi que des décisions irrationnelles dans les domaines politique et économique. J’ajoute que l’obsession de la rentabilité de nos dirigeants a conduit à des économies coupables, faibles et dépendantes. C’est pourquoi un simple tweet de Trump peut ébranler un pays membre du G7. Ô Canada !
Incertitudes et dynamiques
Quel sera l’avenir de la mondialisation avec l’arrivée de Trump ? Le Pacta sunt servanda est-il encore un principe fondamental des relations internationales ? Les nations géantes s’opposeront-elles plus que par le passé ? Le brouillard persistera encore longtemps. Nous devons continuer d’avancer et faire confiance à ceux qui nous gouvernent. Nous n’avons pas le choix, de toute façon. L’incertitude n’est pas que négative. Elle peut aussi stimuler l’imagination et la créativité dans la recherche de solutions nouvelles, efficaces et pragmatiques. Que le Canada s’en inspire face à la furie de Trump. De façon plus simple, je dirais que le Canada s’assume et se montre à la hauteur de ses aspirations. Il ne pourra plus compter sur un antagoniste mêlant ambitions de puissance et faiblesse politico-stratégique pour s’en sortir. Même s’il faudra d’autres incitations et de nouvelles prises de conscience pour qu’une vraie révolution s’opère dans ce domaine.
L’année 2025 sera comme elle sera. Les années antérieures nous ont donné la conscience non seulement que nous sommes emportés dans l’incroyable aventure de l’Humanité, mais aussi que nous vivons dans un monde incertain et tragique. Mais l’espoir d’un humanisme régénéré demeure. En attendant de vivre pleinement et positivement ce que la nouvelle année nous réserve, je vous souhaite le meilleur.