Le 4 octobre dernier, dans le cadre du Festival international de la poésie, la Galerie R3 de l’Université du Québec à Trois-Rivières a eu l’honneur de recevoir une grande figure artistique et politique de ce monde. Poétesse et essayiste roumaine, Otilia Valeria Coman, plus connue sous le nom d’Ana Blandiana (nom de plume) s’est fait connaître à travers 31 œuvres écrites et traduites en 26 langues. Aujourd’hui âgée de 80 ans, elle est venue raconter son histoire.
Une jeunesse difficile
Otilia Valeria Coman est née en 1942, peu avant le début du régime communiste et parle de son enfance comme d’une période sombre. Beaucoup de gens étaient en prison, dont son père, prêtre orthodoxe de métier, qui s’était fait emprisonner pour s’être opposé au régime communiste. Elle se souvient qu’une valise remplie de vêtements et de nourritures était toujours prête chez elle, au cas où sa famille et elle devrait s’enfuir.
« EN REGARDANT AUTOUR DE MOI, JE NE SAVAIS PAS OÙ ÉTAIT MA PLACE DANS CE MONDE »
Anna Blandiana
Ana Blandiana grandit dans un pays où régnait la peur. Elle raconte qu’il y avait une obligation pour les femmes d’avoir au moins quatre enfants sinon elles risquaient l’emprisonnement. C’est à l’âge de 18 ans que sa vie commence réellement à changer. Refusée trois fois à l’université à cause de son origine sociale, elle publie son premier poème sous un faux nom : Ana Blandiana. Vers la fin de l’emprise du régime Ceausescu, le nom d’Ana Blandiana est interdit dans le pays et tous ses ouvrages sont retirés des bibliothèques à cause de leurs engagements politiques.
La révolution roumaine
Émeutes et protestations ont eu lieu en décembre 1989. Plusieurs diront qu’il s’agit d’un coup d’État, mais Ana Blandiana préfère parler de révolution, en hommage à toutes les personnes qui ont donné leur vie pour cette cause.
« Le courage individuel ne change rien, il faut le courage d’une société pour avoir un réel impact »
Ana Blandiana
Elle fut élue dans le conseil provisoire du Front de salut national la même année, mais elle démissionna un mois plus tard afin de protester contre la confiscation de la révolution roumaine par les forces antidémocratiques. En 1994, en plus de réaliser un Mémorial des victimes du communisme et de la résistance de Sighet, elle initie l’Alliance Civique et en détient la présidence encore aujourd’hui.
La Roumanie : 30 ans après
La politique roumaine s’est améliorée, mais le communisme n’est pas tombé avec le mur de Berlin; il existe toujours. Ana Blandiana est d’avis que les nouvelles générations de la Roumanie ne sont pas en capacité de comprendre ce que les générations passées ont vécu: « La mémoire est courte » dit-t-elle. Elle est d’ailleurs contente de ne plus être jeune, car la poète est pessimiste quant à l’avenir de l’homme. D’après elle, on laisse tomber les arts, la culture et l’histoire au profit de la science et de la technologie, en voyant celles-ci comme plus efficaces que l’humain. Ana Blandiana propose d’écrire nos pensées plutôt que de les crier et de dessiner nos colères plutôt que de créer des guerres : « Pourquoi n’utilisons-nous pas le poème pour sauver le monde ? » termina-t-elle, en guise de question ouverte pour le public.