
Le 20 février dernier avait lieu la première de La vie en rouge par la troupe des Gens de la place à la Salle Louis-Philippe-Poisson. Une heure vingt de théâtre brillamment mise en scène par Nathalie Whelan.
Un retour dans le temps
Dès leur entrée dans la salle de spectacle, les spectateurs étaient plongés dans un Saint-Germain-Des-Prés d’après-guerre, avec en fond un jazz mélodieux. La justesse des costumes1 donnait l’illusion de véritables pièces d’époque. Les coiffures d’inspiration pin-up, signées Patrice Visage, contribuaient avec les habits bouffants de style rockabilly à dresser un tableau évocateur.
Par une astuce scénique très originale, l’auteur Boris Vian et son nom d’emprunt Bison Ravi se retrouvaient face-à-face. Le premier, situé à notre droite (côté cour) et interprété par Gabriel Lacoursière, se tenait à un petit pupitre. À l’opposé, positionné comme un miroir, le nom de plume était personnifié par la comédienne Linda Leblond. Celle-ci, élégamment habillée de rouge arborait dans sa main un téléphone intelligent.
Un hommage littéraire à Boris Vian
Si la pièce reprenait l’esprit de l’oeuvre de Vian avec un corpus varié, allant de la poésie aux extraits scientifiques, seules quelques répliques ont été ajustées ou ajoutées. Par le truchement déjà mentionné de la mise en scène, l’alter ego de l’auteur français donnait une réplique moderne au texte original. Ainsi, Bison Ravi faisait référence à l’actualité mondiale récente en évoquant la pandémie de Covid-19, le mouvement #Metoo, ou en clamant son amour pour le air fryer.
Cet hommage a su viser juste: après un peu plus d’un demi-siècle, l’essence de La vie en rouge (ou L’herbe rouge au Québec) demeure on ne peut plus d’actualité. Par l’effet d’écho entre Boris Vian et Bison Ravi, la pièce permet de souligner combien les révoltes résonnent à travers les époques, qu’il s’agisse d’agressions et de violences sexuelles, de guerres ou de narcissisme public. L’inversion des places, vers la fin de la représentation, entre les deux personnifications a d’autant plus mis en lumière la porosité et les liens qui perdurent au coeur des révoltes citoyennes à travers le temps, les générations et la cyclicité de l’histoire.
Notre coup de coeur
Les différentes prestations étaient remarquables. Parmi les nombreuses performances musicales, J’suis snob a su particulièrement nous charmer. Guillaume Cholette-Janson, le narrateur de la chanson, a livré une interprétation du snobisme avec une passion impressionnante. Loin d’être en reste, les autres comédiens.nes ont réalisé les chorégraphies avec brio, et le clin d’oeil anachronique des téléphones intelligents tandis que les acteurs glissaient appareils en main était définitivement bien pensé. Le contraste que cela créait avec les habits d’une autre époque ouvrait une réflexion intelligente quant à l’impact des écrans sur nos vies.
Nous avons également été bluffé par l’arrangement des textes, qui formait une chronologie linéaire de la vie de l’auteur ainsi que de son œuvre. Les acteurs, bien qu’on les sentait un peu fébriles, ont su nous faire apprécier cette oeuvre revisitée. C’est donc sans l’ombre d’une hésitation que nous vous conseillons cette pièce si l’occasion se présente à nouveau !
- Costumes : Le Costumier Chavigny
Idéation et mise en scène de NATHALIE WHELAN
Assistance à la mise en scène : Éric Langevin
Musique : Anthony Richard
Décor : Luc Archambault
Accessoires: Louise Denis et Nathalie Whelan
Conception des éclairages : Luc Levreault
Éclairages : Émile Baril-Lefebvre. ↩︎