
La dernière semaine a été drainante pour les féministes de ce monde. En plus de l’anniversaire de l’attentat antiféministe du 6 décembre 1989 à l’École polytechnique de Montréal, les propos faisant reculer la cause des femmes ont été plutôt abondants. De Carey Price à Guillaume Dulude, les mots médiatisés de certains individus montrent que la banalisation de la violence sexiste est un fléau qui est encore d’actualité.
Dans les derniers jours du mois de novembre, soit la veille des commémorations des événements tragiques entourant le décès de 14 femmes il y a déjà 33 ans à la polytechnique, la Coalition canadienne pour les droits des armes à feu offrait 10% de rabais sur son site web en utilisant le code promotionnel « poly ». S’agit-il d’une plaisanterie de très mauvais goût, d’un malentendu maladroit ou plutôt de l’ignorance dangereuse de quelques personnes? Si nous n’obtiendrons probablement jamais l’heure juste quand à ce choix de code promotionnel, il reste que l’indifférence populaire face à cet incident est déplorable. Plusieurs, si ce n’est la majorité, des commentaires des internautes suggéraient que ce n’était rien qu’un coup de publicité qui se voulait inoffensif. C’est drôle, mais la plupart des internautes qui s’en moquaient auraient été épargnés s’ils avaient été présents lors de l’attentat du 6 décembre.
Quand Carey Price s’en mêle
Pour de vrai, Carey, cette fois-là, tu n’aurais pas dû t’en mêler.
Le 3 décembre dernier, Price publie sur Instagram une photo avec un arme à feu qu’il emploie pour chasser. Écrivant dans la « caption » de la photo qu’il n’est pas d’accord avec le projet de loi C-21 du gouvernement Trudeau, projet de loi qui viendrait modifier la loi actuelle sur les armes à feu en sol canadien, et qu’il soutient par le fait même la Coalition canadienne pour les droits des armes à feu. Price s’est mis les pieds dans les plats, puisque l’arme qu’il avait entre les mains n’était tout simplement pas touchée par le projet. S’en est suivi un tollé médiatique. Pour défendre le gardien de but du CH (les Canadiens de Montréal), la responsable des communications de l’organisation a indiqué que Price n’était pas au courant des événements du 6 décembre 1989. Un autre tollé médiatique. Ce à quoi Price répond qu’il est bel et bien au courant de l’attentat terroriste ET qu’il maintient sa position.
Je ne sais pas pour vous, mais il me semble qu’il n’y a que très peu de mots pour décrire à quel point cette situation, soit celle d’instrumentaliser la mort de 14 femmes pour vendre des fusils à prix réduit, est irrespectueuse et insensible. Je ne comprends pas comment l’organisation du CH peut rester si indifférente face à une situation qui a touché des femmes qui étudiaient dans la ville qui permet aux Carey Price de ce monde de gagner leur vie en s’échangeant une rondelle de caoutchouc.
Se mettre les pieds dans la bouche à la Dulude
Dans la même semaine, Guillaume Dulude, auteur et détenteur d’un Ph.D. en psychologie, utilise sa plateforme télévisuelle pour nier l’existence des féminicides:
« Les mots sont très importants pour comprendre toute la notion d’activisme et de lobby. Féminicide, ça s’apparente beaucoup à génocide. OK, un génocide, juste pour le rappeler, pour tout le monde, ce que c’est : c’est un groupe qui s’organise pour anéantir et exterminer un autre groupe. C’est une planification d’extermination. Alors on utilise “féminicide”, comme si les hommes se regroupent entre eux et font une planification similaire, c’est-à-dire l’extermination des femmes. Suggérer ça, c’est-à-dire l’utilisation de ce mot-là, c’est extrêmement grave, et c’est maintenant vu comme quelque chose de banal et de normal. C’est un terme qu’on ne devrait pas employer parce que c’est faux : il n’y a pas d’organisation des hommes qui vise à exterminer les femmes, c’est très grave, faire cette prétention-là… »
L’une des premières choses que l’on apprend aux études supérieures, c’est d’avoir la délicatesse de consulter des sources fiables avant d’avoir la prétention de maîtriser un sujet, chose que notre cher Dulude n’a visiblement pas encore réussi à bien appliquer. Un féminicide, ce n’est pas un génocide des femmes, mais plutôt le meurtre d’une ou de plusieurs femmes justement parce qu’elles étaient des femmes. On ne parle pas d’un meurtre accidentel, mais plutôt d’un crime haineux qui vise à exterminer une femme en raison de son identité de genre.
Je dis ça comme ça, mais il me semble que les mascus n’ont pas choisi la bonne semaine, parmi les 52 de l’année, pour tout à coup s’exprimer sur des enjeux qu’ils ne maîtrisent pas et qui ont des impacts directs sur la sécurité et l’épanouissement des femmes. Je suis consciente que Dulude et Price ne représentent aucunement l’ensemble des hommes du Québec, mais je pense qu’ils réussissent à nous faire comprendre qu’il faut sérieusement se questionner sur l’éducation de la population québécoise quant aux enjeux militants féministes.