Jeudi dernier, aux alentours de 18hres, le premier ministre François Legault, accompagné du ministre de la Santé et des Services sociaux Christian Dubé et du Directeur national de santé publique du Québec Horacio Arruda, annonçait une nouvelle série de restrictions sanitaires pour contrer les effets du variant Omicron. Tandis que pour plusieurs cette annonce a fait l’effet d’une douche froide, d’autres se sont retrouvéEs paralyséEs par la peur.
Ces restrictions, qui tombent en vigueur dès aujourd’hui, ont replongé de nombreux individus dans un état de peur et/ou d’anxiété. Et comprenez-moi bien, en ces temps plus que particuliers, il est parfaitement normal et valide d’être confrontéE à ces sensations plutôt désagréables. Or, bien que je sois consciente des enjeux liés à la pandémie, j’aimerais que l’on s’attarde, pour une fois, aux dommages collatéraux de cette dernière. Parce qu’à mon avis, même s’il faut demeurer vigilants et vigilantes, je trouve infiniment triste de constater que de nombreuses personnes dans mon entourage vivent depuis le mois de mars 2020 dans la peur.
Je trouve cela regrettable que plusieurs personnes, vaccinéEs à de multiples reprises, arméEs d’un masque et d’une bouteille de désinfectant pour les mains et respectant coûte que coûte les mesures sanitaires, voient leur santé mentale fragilisée par la pandémie. Le temps étant une denrée précieuse, il serait plus optimal, à mon avis, de gérer la pandémie de façon responsable tout en veillant à protéger la qualité de la vie intérieure de la population que d’instaurer de nouvelles mesures sans s’assurer du bien-être psychologique des membres de la nation québécoise.
La peur et l’anxiété, pourquoi?
Le professeur de psychologie Stanley Rachman explique, dans son ouvrage Anxiety, que l’anxiété et la peur sont deux émotions qui sont fréquemment confondues dans l’imaginaire collectif (2004). Tandis que l’anxiété est un sentiment de tension intérieure associé à une cause vague et difficile à identifier, la peur, quant à elle, est une émotion liée à un stimuli précis que notre système nerveux reconnaît comme un danger immédiat. La peur cesse lorsque le danger est éliminé. Cependant, l’anxiété, par sa nature imprécise, peut être bien plus ardu à anéantir.
il est critique que les individus soient en mesure de gérer leurs émotions pour permettre une meilleure gestion de la pandémie.
Dans le cas de la Covid, puisqu’il est possible d’identifier la cause de notre inconfort, on parlerait principalement de la peur. Dans un article publié dans Clinical Neuropsychiatry, Schimmenti et al. avancent que la santé mentale est probablement l’aspect le plus négligé de la pandémie de la Covid-19 (2020). Faisant l’hypothèse que la peur liée à la Covid-19 peut être associée à quatre causes différentes, Schimmenti et al. nomment les catégories suivantes pour mieux expliquer le phénomène: (1) la peur du corps/la peur pour le corps, (2) la peur des proches/la peur pour les proches, (3)la peur de ne pas savoir/la peur de savoir et (4)la peur d’agir/la peur de ne pas agir.
Surmonter la peur pour survivre à la pandémie
Schimmenti et al. argumentent que la résilience d’une société face à un événement aussi catastrophique dépend de la capacité individuelle de ses membres de gérer leurs peurs et anxiétés. Pour ces chercheurs et professeurs, il est critique que les individus soient en mesure de gérer leurs émotions pour permettre une meilleure gestion de la pandémie. Ils proposent ainsi cinq pistes de solution: l’amélioration de l’appréciation corporelle, le développement de relations sécurisantes, l’amélioration de la régulation émotionnelle, l’adoption d’un sentiment d’acceptation et la promotion de la responsabilité.
« les situations comme celles de la covid-19 testent l’habileté de l’être humain de faire preuve d’empathie et d’être solidaire. » – schimmenti et al.
En bref, il serait d’abord crucial que les individus soient capables d’évaluer fidèlement les capacités de leur corps sans surestimer ou sous-estimer leurs chances d’être infectés. Comme quoi la pensée rationnelle, et non pas émotive, est importante. La rationalité, ça implique aussi d’accepter la réalité présente, sans être constamment en train d’y résister, et de jeter un regard neutre sur ce qui se passe autour de nous. Finalement, pour se libérer de la peur, il faut comprendre que la Covid-19 est une opportunité d’évaluer notre propre niveau de responsabilité et de savoir si nous sommes en mesure d’être solidaires et empathiques.
La peur nous sauvera-t-elle?
Si j’ai décidé d’écrire sur la peur occasionnée par la pandémie dans cette chronique-ci, c’est parce que je suis attristée de constater qu’il y a encore tant de personnes qui sont immobilisées par la peur depuis près de deux ans. Oui, il faut protéger les personnes vulnérables. Oui, il faut faire attention. Mais, doit-on faire tout cela dans un climat de peur? N’y aurait-il pas une façon beaucoup plus efficace de procéder? Une façon qui n’engendrerait pas autant de tensions au sein de la population?
Quand nous réussirons à nous sortir de cette pandémie, ce ne sera pas grâce à la peur. À mes yeux, la peur empêche trop d’individus de penser rationnellement. Plutôt que d’apprécier la vie comme elle se présente, malgré les nombreuses difficultés et épreuves qui sont inévitables, trop d’individus sont en état de survie. Je me répète, mais le temps est une denrée rare. Pouvons-nous l’utiliser de façon optimale pour notre bien-être collectif?
Pour une santé holistique
Nous pouvons continuer à repousser le moment fatidique, mais le jour viendra où nous n’aurons pas d’autres choix que celui d’encourager la santé intégrale de l’être humain, c’est-à-dire une santé inclusive et complète sur les plans physiques, mentaux, spirituels et sociaux.
Parce que la vraie santé, ce n’est pas seulement celle du corps.
Ouvrages et articles cités/consultés
Begley, S., Underwood, A., Wolffe, R., Smalley, S., & Interlandi, J. (2007). « The roots of fear ». Newsweek, 150(26), 36-40.
Canini, M. (2010). The domination of fear (Ser. At the interface, probing the boundaries). Editions Rodopi.
Purcella, M. N. (Ed.). (2013). Psychology of fear : new developments (Ser. Psychology of emotions, motivations and actions). Nova Science Publishers.
Rachman, S. (2004). Anxiety (2nd ed., Ser. Clinical psychology, a modular course). Psychology Press.
Schimmenti, A., Billieux, J., & Starcevic, V. (2020). « The four horsemen of fear: An integrated model of understanding fear experiences during the COVID-19 pandemic. » Clinical Neuropsychiatry, 17(2), 41-45.