L’actualité démystifiée: Outrage au tribunal et autres péripéties judiciaires

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Le bruit des casseroles vous manque? Vous ne parvenez pas à croire que vous avez officiellement raccroché votre carré rouge? Réjouissez-vous, les évènements entourant le fameux printemps érable ne semblent pas encore tout à fait clos. En effet, la saga judiciaire de Gabriel Nadeau-Dubois (GND), ex-porte-parole de la Coalition large de l’association pour une solidarité syndicale étudiante et fier défenseur du droit à l’éducation gratuite, est encore loin d’être terminée.

Bref rappel des évènements

Le 12 avril 2012, un étudiant en arts plastiques de l’Université Laval, Jean-François Morasse, obtient une injonction provisoire de la Cour lui permettant d’avoir accès à son cours piqueté sous prétexte que, souffrant d’un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité, il ne sera pas en mesure de suivre ses cours en accéléré sans voir ses résultats scolaires en souffrir.

Le 2 mai 2012, une ordonnance de la Cour prolonge cette même injonction jusqu’au 14 septembre 2012 de façon à éviter aux deux partis, soit M. Morasse et l’Association des étudiants en arts plastiques de l’Université Laval, de devoir se présenter périodiquement au Palais de justice.

Le 13 mai 2012, GND est invité, ainsi que Léo Bureau-Blouin, à s’adresser à la population sur le réseau public RDI. On peut l’entendre s’exprimer ainsi:

«Je crois qu’il est tout à fait légitime pour les étudiants et les étudiantes de prendre les moyens pour faire respecter le choix démocratique qui a été fait d’aller en grève. […] Donc nous, on trouve ça tout à fait légitime, que les gens prennent les moyens nécessaires pour faire respecter le vote de grève et si ça prend des lignes de piquetage, on croit que c’est un moyen tout à fait légitime de le faire.»

Dès le 17 mai 2012, GND est cité à comparaître sous la demande de M. Morasse pour avoir, selon ce dernier, incité la population à passer outre son ordonnance de la Cour par ses propos.

Le 1er novembre 2012, GND plaide non coupable à l’accusation d’outrage au tribunal qui pèse contre lui.

Les questions en litige pour porter jugement sont au nombre de quatre. GND était-il directement visé par l’ordonnance? Était-il au fait de ladite ordonnance au moment où il a prononcé les paroles incriminées? A-t-il agi de manière à entraver le cours normal de l’administration de la justice ou à porter atteinte au tribunal? Avait-il l’intention de faire entrave à l’autorité des tribunaux?

Sur ces questions, la Cour a établi que GND n’était pas directement visé par l’injonction, mais qu’il était très au fait des différentes injonctions prononcées. De plus, GND aurait d’évidence entravé, et eu l’intention d’entraver, le cours normal de l’administration de la justice et est donc reconnu coupable d’outrage au tribunal.

Le 30 novembre 2012, GND dépose une requête pour en appeler la décision du juge qui ne sera entendu que le 22 janvier 2015.

Si un verdict d’acquittement a été prononcé, il semblerait, toutefois, que GND ne soit pas au bout de ses peines puisque M. Morasse a récemment annoncé vouloir s’adresser à la Cour suprême du Canada, c’est-à-dire au plus haut tribunal du pays, pour contester le verdict.

Pire encore, est-ce justifié de dépenser (encore!) des fonds publics pour résoudre un conflit qui ressemble de plus en plus à une chicane de cour d’école?

L’outrage au tribunal

Trois ans après les faits relatés, la seule conclusion possible semble être que GND a peut-être outragé le tribunal. Toutefois, un élément demeure obscur pour la majorité: la notion même d’outrage au tribunal.

Aux environ du 12e siècle, les tribunaux ont commencé à exercer le pouvoir de punir les citoyens pour outrage au tribunal dans le but, essentiellement, de faire valoir la primauté du droit comme fondement de la société puisqu’il découle directement de la capacité des tribunaux à suivre les procédures et à maintenir le respect qui leur est dû.

Il semblerait donc que celui-ci soit tout simplement une infraction contre l’administration de la justice et que l’accusation ait été créée dans le but de conserver la confiance du public dans cette administration.

Dans le cas d’une injonction, l’outrage au tribunal s’applique lorsqu’une personne nommée par celle-ci la transgresse ou qu’une personne non nommée y contrevient sciemment.

Pour ce qui est de GND, la question est donc de savoir s’il a bel et bien été nommé par l’injonction de M. Morasse et s’il y a délibérément contrevenu. Pour sa part, ce serait plutôt en incitant les étudiants à contrevenir à ladite injonction qu’il aurait pu faire entrave à l’autorité du tribunal.

Il est d’ailleurs intéressant de noter que M. Morasse n’a, au final, subi aucun litige puisqu’il a bel et bien eu la possibilité d’assister à ses cours. Dans une telle situation, est-ce justifié de porter à la Cour suprême une cause qui date de près de trois ans et qui n’a eu aucune réelle conséquence sur le demandeur? Pire encore, est-ce justifié de dépenser (encore!) des fonds publics pour résoudre un conflit qui ressemble de plus en plus à une chicane de cour d’école? Il me semble légitime d’en douter.

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