
L’ouvrage que je souhaite vous présenter cette semaine n’est pas un roman en soi. C’est plutôt comme un récit de voyage, l’histoire d’une aventure au sein de notre province. Dans l’optique où je souhaite faire découvrir à mes lecteurs le Québec à travers sa littérature, La Route sacrée est tout désigné pour remplir cet engagement.
Isabelle Désy, Jean Duval et Pierre-Olivier Tremblay, prêtre oblat et recteur du sanctuaire Notre-Dame-du-Cap, ont entamé à l’été 2014 une aventure des plus spirituelles au cœur même de la nature encore sauvage du nord du Québec. Sur les traces du père Pierre-Michel Laure, prêtre jésuite et missionnaire en Nouvelle-France au début des années 1700, le petit groupe a voulu faire le même trajet que leur prédécesseur jusqu’à la grotte de l’antre de Marbre, sur la Colline-Blanche située sur le grand territoire cri de l’Eeyou Istchee Baie-James.
Il y a environ trois cents ans, le père Laure y aurait célébré une messe, selon sa religion catholique, en accord avec celle des Amérindiens qui étaient ses compagnons de voyage. La beauté de l’endroit, son aspect mythique et sacré, l’auraient poussé à poser cet acte de communion avec le Très-Haut.
Les auteurs se montrent respectueux de la vision du sacré des communautés autochtones.
La vision du sacré d’hier à aujourd’hui
Nous avons tous une relation différente avec le sacré, avec ce qui nous dépasse et nous transcende. L’être humain a depuis toujours ce besoin de transcendance. L’Homme a besoin de s’expliquer la grandeur du monde, de la nature. Il a besoin de croire en quelque chose devant la peur de la mort qu’il ressent, devant son incompréhension et son ignorance.
De la même manière que les vieux mythes grecs et romains nous expliquent l’origine du monde, des dieux et de l’Homme, la Bible, le Coran, la Torah et tous les autres livres religieux tentent de donner une explication: ils tentent de satisfaire les besoins des croyants, quels qu’ils soient.
Sommes-nous obligés d’adhérer à une religion quelconque pour croire au sacré? Pour le vivre? Bien sûr que non! Le sacré se manifeste sans que l’on ne le cherche, en des endroits ou des objets, grâce à l’art, à la musique. Il se manifeste au sein même de la nature, puissante, mystérieuse, et éternellement belle.

C’est ce que les auteurs de La Route sacrée sont allés chercher. Ils ont voulu revivre la route d’origine et se rapprocher de ce que les Autochtones appelèrent le Tchichémanitou ouitchchouap (La Maison du Grand Esprit) ou Waapushkamikw (l’antre du Lièvre). C’est Louis-Edmond Hamelin, géographe et linguiste, qui influença le plus nos voyageurs vers leur projet. C’est grâce à lui qu’ils connurent le père Laure et son antre.
Ce lieu chamanique accueillait depuis bien longtemps les Autochtones qui souhaitaient entrer en relation avec le Grand Manitou et lui offrir leurs demandes. Certains pouvaient même le voir ou l’entendre. Mais on ne pouvait jamais savoir quand il apparaitrait.
Comme le dit Jean Désy dans ses réflexions préparatoires au voyage, «il y a lieu de considérer l’étonnement – sinon l’éblouissement – du père Laure lorsqu’il parvint à l’Antre de marbre» (p.45). On peut facilement comprendre, à la vue de l’endroit, sa volonté d’y célébrer une messe, comme dans une chapelle, afin d’atteindre lui aussi cet être sacré vers lequel il aspirait.
Étant née dans une famille catholique, je ne peux nier l’effet que cet ouvrage a eu sur moi.
Les enjeux d’une telle route
Pour Isabelle Duval et ses compagnons, la route va plus loin qu’un simple renouvellement du passé. La «quête religieuse et identitaire, les liens avec l’autochtonie et l’exploration du territoire sur le mode aventurier et géopoétique» (p.55) s’imposent comme enjeux au sein de leur projet.
Avec la situation actuelle de la religion au Québec, il est normal d’éprouver un certain malaise à l’égard de toute forme de spiritualité lorsque celle-ci ne fait pas partie de notre vie. Surtout en rapport avec la religion catholique telle qu’elle était au 18e siècle et après, et face à la vie de missionnaire et à l’évangélisation auprès des communautés autochtones.
Les auteurs de l’ouvrage ont donc voulu se rapprocher de ces communautés, ou à tout le moins respecter leur vision du sacré et leur rapport avec la nature. Ils ont voulu réfléchir au sens de la vie, du sacré, de notre rapport avec le monde, quel que soit notre culture et notre religion. Plus que ça, ils ont voulu se rapprocher de leurs origines et établir un lien avec ceux qui ont vécu avant eux, avec ceux qui ont fondé ce pays, mais aussi avec ceux qui y restaient déjà avant l’arrivée des Français.
Étant née dans une famille catholique, je ne peux nier l’effet que cet ouvrage a eu sur moi. L’écriture et les réflexions des deux auteurs et de leur compagnon Pierre-Olivier Tremblay m’ont fait voir un autre côté de la spiritualité, une autre manière de la vivre. Car la pratique de la religion ne se fait pas uniquement en allant aux célébrations eucharistiques et en priant Dieu. Elle se fait chaque jour, à tout moment, lorsque le sacré nous apparait et nous transporte dans un état de plénitude et de bien-être.
La spiritualité et le sacré sont en chacun de nous. Il suffit de les laisser sortir et de suivre «notre» route.