Tout le monde le sait, la Mauricie regorge d’histoires fantastiques et de légendes. Ça ne date pas d’hier, cette propension de l’homme à expliquer des phénomènes surnaturels par des inventions de l’esprit. Cela donne naissance à des récits de toutes sortes, dont quelques-uns sont rassemblés ici dans un recueil de nouvelles écrit par des gens de chez nous.
Sous forme de collectif publié par les éditions les Six Brumes, Les Murmurantes est un ouvrage où se mêlent légendes, rêveries et personnages mystérieux. Ce sont six novellas, écrites par Ariane Gélinas (directrice), Mathieu Croisetière, Michel Châteauneuf, Raphaëlle B. Adam, François Martin et Frédérick Durand, qui composent l’ouvrage, dont certaines sont inspirées de gens et de faits réels.

La Mauricie est une des régions du Québec où les histoires fantastiques ont le plus fleuri au fil des années. La nature sauvage y prenant beaucoup de place, il est normal que l’homme ait eu l’imagination débordante de créatures les plus fantasques, tels les feux follets, les sorcières, les loups-garous, et même les fantômes revenus d’un autre temps.
Les six auteurs se sont inspirés, chacun à leur manière, de leur village d’origine ou d’un autre, imaginant des personnages mystérieux, sortis tout droit des profondeurs de la forêt mauricienne. Ce recueil nous fait donc voyager de Clova (petit village relais de l’autre côté de la Tuque, à la frontière de l’Abitibi-Témiscamingue) à Sainte-Ursule, en passant par La Tuque et Saint-Adelphe, pour finir à Trois-Rivières et Saint-Tite.
L’homme ne peut espérer exploiter indéfiniment tout ce qui l’entoure sans avoir, un jour, à rendre des comptes.
Un petit résumé
La première novella, «Les heures indolentes», écrite par Ariane Gélinas, se déroule dans le village reculé de Clova, devenu un relais pour les chasseurs et les motoneigistes. Mais les habitants ne sont pas enclins à recevoir des visiteurs. Ils ont des secrets à garder… et à protéger. La protagoniste, Damiane, qui ne veut que visiter le village, se verra rapidement refuser l’entrée. Elle découvrira dans ce village isolé non seulement des secrets mystérieux, mais également le fond de sa propre personnalité. Car c’est parfois au bout du monde, perdu au fin fond de la forêt et de la nature, que l’on découvre notre véritable identité.
La deuxième novella, «Les Chutes», écrite par Mathieu Croisetière, se déroule à Ste-Ursule, plus précisément dans le Parc des Chutes de Sainte-Ursule, d’où le titre du récit. La nature, puissante, sauvage et dangereuse, a ce quelque chose de terriblement attirant parfois, que l’on ne peut pas s’expliquer. Les quatre jeunes hommes de l’histoire feront malheureusement l’expérience de l’attrait surnaturel et puissant de ces chutes.
Le troisième récit, «Le club des 4 contre les disciples de Théo», de Michel Châteauneuf, n’est pas tant fantastique que dénonciateur d’une réalité qui existait plus que l’on pense. De manière surréaliste et vulgaire, l’auteur nous présente les dessous répugnants d’une grande organisation. Par une seule image d’un être s’abreuvant du liquide juvénile, l’auteur dénonce tous ceux qui ont abusé de leur pouvoir pour voler l’enfance de plusieurs jeunes innocents. C’est une image forte, horrible et immonde. Mais puissante.
La quatrième histoire, ma préférée, porte le titre de «Silvestris» et est écrite par Raphaëlle B. Adam. Se déroulant à Saint-Adelphe, un petit village près de Trois-Rivières, l’histoire nous montre le pouvoir de la nature sur le monde. L’homme ne peut espérer exploiter indéfiniment tout ce qui l’entoure sans avoir, un jour, à rendre des comptes. Il y a toujours un prix à payer, quel qu’il soit.
C’est parfois au bout du monde, perdu au fin fond de la forêt et de la nature, que l’on découvre notre véritable identité.
La cinquième novella, «Temps double», écrite par François Martin, établit son intrigue à La Tuque, d’où l’auteur est originaire. Le fantastique prend la forme ici d’une modification et d’un contrôle du temps. Le grand-père du personnage principal, Simon, lui offre sa vieille montre Cartier, grâce à laquelle il allait voir parfois «l’autre côté des choses» lorsqu’il était triste. Mais cet autre côté n’est pas ce à quoi s’attendait le jeune garçon…
La sixième et dernière nouvelle est écrite par Frédérick Durand. «Le saloon des deux crânes» développe son histoire lors du très connu Festival western de St-Tite. Les deux personnages principaux, de la même manière que les festivaliers qui, chaque année, s’intègrent dans le monde des cowboys, se sont sentis submergés par cette folie passagère. Comme si une mystérieuse magie intervenait durant cette seule période. Mais le Festival western de St-Tite ne porte-t-il pas justement cette mission d’offrir une immersion presque parfaite dans le monde des cowboys?
Lorsque le fantastique, le mystère et l’incompréhensible se rapprochent autant de notre réalité, il est difficile d’ignorer les possibilités. Qui n’a pas déjà cru aux monstres qui se cachent au fond des bois et n’attendent que la nuit pour sortir? Qui n’a pas déjà ressenti une force mystérieuse et évocatrice d’un monde invisible pour nos yeux mortels? Laissez-vous donc envahir par cette lecture, et peut-être que vous verrez.