
Le déficit public et la dette des États sont deux indicateurs clés de la santé financière d’un pays. Ils permettent de juger de la capacité d’un gouvernement à financer ses activités sans compromettre la stabilité économique à long terme. Ces dernières années, la question est revenue au premier plan, alimentée par les conséquences budgétaires de la pandémie, les tensions géopolitiques et l’inflation persistante. Le Canada, à l’instar d’autres États développés, fait face à des défis importants en la matière.
Comprendre les termes : déficit et dette
Le déficit public survient lorsque les dépenses de l’État dépassent ses revenus sur une période donnée. Ce phénomène, lorsqu’il devient chronique, alimente la dette publique, qui est l’accumulation des déficits successifs. La dette peut être brute (le total des emprunts contractés) ou nette (après déduction des actifs financiers de l’État). Ce sont des outils légitimes de gestion économique, à condition d’être soutenables et bien gérés.
La situation canadienne : entre prudence et expansion budgétaire
Le Canada a historiquement joui d’une réputation de bonne gestion budgétaire, notamment depuis les réformes drastiques des années 1990. Toutefois, la crise de la COVID-19 a entraîné un dérapage exceptionnel des finances publiques. Le gouvernement fédéral a alors mis en place des mesures de soutien massif, faisant grimper le déficit à plus de 300 milliards de dollars pour l’exercice 2020-2021.
Cette hausse soudaine s’est traduite par une augmentation rapide de la dette brute fédérale, passée de 31 % à environ 47 % du PIB entre 2019 et 2021. Même si ce ratio reste en deçà de celui de nombreux pays du G7, la tendance inquiète. D’autant plus que les provinces canadiennes, qui ont aussi dû intervenir, portent une part importante de l’endettement global.
Les priorités du gouvernement libéral sortant
Depuis son élection, le gouvernement Trudeau avait adopté une posture de dépense active, misant sur l’investissement public pour soutenir la croissance et réduire les inégalités. Les plans d’infrastructure, la transition écologique, les programmes sociaux et les aides ciblées ont entraîné une augmentation structurelle des dépenses. Le budget fédéral 2024-2025 prévoit encore un déficit de 40 milliards de dollars.
Le pari du gouvernement repose sur le maintien de taux d’intérêt relativement faibles et une croissance du PIB suffisante pour stabiliser, voire réduire, le poids de la dette. Mais la remontée des taux directeurs de la Banque du Canada change la donne.
Les risques de la dette élevée
Un niveau de dette soutenu n’est pas nécessairement un problème si l’État peut emprunter à faible coût et que l’argent est bien investi. Mais une hausse prolongée des taux d’intérêt renchérit le service de la dette, c’est-à-dire les intérêts que l’État doit payer. Cela peut conduire à un effet d’éviction, où les dépenses en intérêts limitent les marges pour d’autres politiques publiques.
Un autre risque est celui de la perte de confiance des marchés financiers, qui pourrait se traduire par une dégradation de la note de crédit du Canada. Cela rendrait les emprunts plus coûteux, accentuant encore la spirale d’endettement.
Comparaison internationale : où se situe le Canada ?

Comparé aux autres pays du G7, le Canada reste dans une position intermédiaire. Les États-Unis et le Japon affichent des niveaux de dette publique beaucoup plus élevés (respectivement plus de 120 % et 250 % du PIB), tandis que l’Allemagne et la Suède sont historiquement plus rigoureuses. Le point fort du Canada réside dans la confiance qu’inspire son cadre institutionnel et sa discipline budgétaire relative.
Cependant, les disparités entre provinces posent un enjeu supplémentaire. Le Québec, l’Ontario et l’Alberta ont des niveaux d’endettement très différents, ce qui complique la coordination nationale.
Quelles solutions ?
Le redressement budgétaire passe par plusieurs leviers :
- Une meilleure efficacité des dépenses publiques ;
- Une révision des programmes de dépenses moins prioritaires ;
- Une croissance économique robuste (grâce à l’innovation, la formation, la productivité) ;
- Une fiscalité plus juste et mieux ciblée.
Mais toute stratégie de réduction de la dette doit éviter l’austérité brutale, qui peut casser la croissance. L’objectif n’est pas de revenir à l’équilibre à court terme, mais de garantir une trajectoire stable et soutenable.
Conclusion
Le déficit public et la dette sont des instruments nécessaires de la politique économique moderne, mais ils exigent rigueur et transparence. Le Canada a les atouts pour maintenir sa crédibilité budgétaire, à condition de faire les bons arbitrages. Dans un contexte mondial incertain, entre ralentissement économique, transition climatique et tensions géopolitiques, la marge de manœuvre est étroite. Il faudra faire preuve de lucidité, d’audace et de discipline pour éviter que le poids de la dette ne devienne un frein à la prospérité future.