L’économie du pays: Le problème de la pénurie de main-d’œuvre au Canada

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Crédit: Sarah Gatner

«Nous embauchons», voilà une pancarte que l’on peut lire dans la plupart des coins de rue des entreprises au Canada. Quand on sait que les offres d’emploi se font généralement par des réseaux bien définis, il est tout de même curieux de voir que les entreprises affichent sur la place publique leurs besoins d’employés. La vérité est que cette publicité des embauches est la manifestation d’un problème sérieux que connait actuellement l’économie canadienne : la pénurie de main-d’œuvre.

Au quatrième trimestre de 2021, il y avait 915 500 postes ouverts, selon Statistique Canada. Une augmentation de 63 % par rapport à 2020. Près de la moitié des postes vacants restant inoccupés pendant 60 jours ou plus. De même, les emplois restent également vacants pendant de longues périodes. Les serveurs, les manœuvres dans la construction et les travailleurs sociaux sont parmi les postes les plus difficiles à pourvoir.

Les causes de la pénurie de main-d’œuvre au Canada

La pénurie de main-d’œuvre est une situation dans laquelle il y un manque de candidats pour un emploi spécifique et sur un marché de travail spécifique. Dans ce sens, elle est un phénomène variant d’un secteur d’activité à l’autre. Elle est souvent confondue avec la pénurie de compétences. Celle-ci est plutôt une situation dans laquelle il y a un manque de candidats possédant des compétences requises par certains employeurs.

Un infirmier fatigué après un temps de travail supplémentaire. Crédit: Jonathan Borba

Selon les économistes, la pénurie de main-d’œuvre au Canada est principalement causée par deux facteurs. D’une part, le vieillissement de la population en âge de travailler et d’autre part, l’augmentation des postes vacants. À l’heure actuelle, plus de personnes quittent le marché du travail qu’elles n’y entrent. Un Canadien sur sept a entre 55 et 64 ans. Ce qui représente le nombre le plus élevé de personnes approchant l’âge de la retraite. Avec la baisse continue des taux de natalité, les postes vacants ne peuvent tout simplement pas être pourvus.

Pour les syndicats, la pénurie de main-d’œuvre est la conséquence de la rigidité des salaires dans certains secteurs d’activité. Si l’on voit les postes vacants augmenter dans un secteur où la rémunération reste stable, il se peut que le nombre de postes vacants reflète un manque de personnes disposées à travailler pour les salaires offerts. C’est le cas dans le secteur des soins de la santé où les postes vacants sont liés aux bas salaires. Malgré le grand nombre d’ouvertures et le besoin désespéré de main-d’œuvre, les salaires dans ce secteur n’ont même pas suivi l’inflation. Ils sont restés rigides et cela décourage les travailleurs potentiels.

Les conséquences pour l’économie canadienne

Annulation des vols, fermeture des piscines communautaires, retards dans les livraisons, réduction de la sécurité publique, sont, entre autres, les conséquences de la pénurie de main-d’œuvre au Canada. Selon la Banque royale du Canada (2022), une pénurie de main-d’œuvre historique frappe durement les entreprises. En juin 2022, plus de la moitié affirment que la pénurie de main-d’œuvre limite leur capacité à augmenter la production. Ce taux était à 40 % avant la pandémie et 30 % il y a dix ans. Pire, la pénurie entrave leur capacité à terminer les projets à temps, réduit leurs résultats et leur part de marché. Ce qui les oblige à délocaliser leur travail à l’extérieur du pays.

La difficulté à combler les postes plombe les activités des entreprises. Crédit: Le Devoir

Un récent sondage du Conseil canadien des affaires, ou BCC (2022), révèle qu’en 2020, plus des 2/3 des entreprises canadiennes ont dû ajuster les échéanciers des projets en raison d’un manque de travailleurs qualifiés. 60 % de ces entreprises sont aux prises avec une perte de revenus. Pour arriver à ce résultat, le BCC a interrogé 80 entreprises membres qui emploient au total près de 1,7 million de Canadiens dans 20 industries, de l’énergie aux services financiers, générant des revenus d’environ 1 200 G $ en 2020.

Même si les entreprises adaptent leurs attentes en matière d’embauche, le BCC constate que 30% des entreprises sondées délocalisent leur travail à l’extérieur du Canada afin de réaliser des projets. Cette situation fait perdre des dizaines de milliards chaque année au pays. Pour certains économistes, la pénurie de main-d’œuvre est le principal obstacle à la croissance économique et à la compétitivité au Canada. Elle a coûté au pays 25 G $ en 2020, contre 15 G $ de en 2015.

L’immigration comme solution

Au regard de l’envergure du problème, les gouvernements (provincial et fédéral) expérimentent plusieurs solutions pour l’endiguer. La plus recommandée est celle de l’immigration. Parce que la pénurie de main d’œuvre est essentiellement la conséquence du vieillissement de la population et du faible taux de natalité, il faut rapidement augmenter la population en âge de travailler. Jusqu’ici, le moyen le plus efficace pour ce faire est l’immigration. C’est ce qui explique la tendance à la hausse de l’accueil de nouveaux immigrants dans le pays chaque année. En 2021, le Canada a accueilli 401 000 nouveaux résidents permanents. Ce chiffre devrait être de 411 000 en 2022 et 421000 en 2023 selon Immigration Canada.

L’immigration comme solution à la pénurie de main d’œuvre. Crédit : l’Initiative

D’après la Banque Royale du Canada, la politique d’immigration du Canada a activement accueilli des immigrants hautement qualifiés. La proportion de nouveaux arrivants ayant terminé des études postsecondaires (82 %) est supérieure à celle de la population née au Canada (76 %). Cette situation devrait augurer d’une productivité accrue. Or, le Canada ne met pas pleinement en pratique ces compétences. Les immigrants titulaires d’un diplôme universitaire ou supérieur sont 43 % plus susceptibles d’occuper des emplois ne nécessitant pas leur niveau d’études, par rapport à leurs pairs nés au Canada. Une meilleure intégration de ces talents est essentielle pour stimuler la productivité de la main-d’œuvre canadienne.

D’autres solutions telles que l’augmentation des salaires et l’amélioration des conditions de travail du personnel le moins bien rémunéré sont préconisées. Et ce, notamment dans les secteurs où la pénurie se fait le plus sentir. Mais les experts trouvent qu’elles ont un caractère provisoire. Le problème de la pénurie de main-d’œuvre est d’ordre structurel, il nécessite de ce fait des solutions structurelles.

Références

https://www.statcan.gc.ca/fr/sujets-debut/travail_/tendances-penurie-main-oeuvre-canada

https://cupe.ca/understanding-labour-shortages

https://thoughtleadership.rbc.com/proof-point-canadas-labour-shortages-will-outlive-a-recession/

https://www.ledevoir.com/economie/658959/se-battre-pour-attirer-les-travailleurs

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