Mange, lis, aime: «Aux petites crisses»

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Photo: Éd. Le Quartanier
Photo: Éd. Le Quartanier

Geneviève Pettersen est une jeune maman, ex-blogueuse, qui a déjà travaillé dans le monde de l’édition et de la publicité, en plus d’avoir été une attachante chroniqueuse à La Presse sous le pseudonyme de Madame Chose.

Mais, avant d’être cette belle femme accomplie, Pettersen était une adolescente «petite crisse» de Chicoutimi, et c’est avec elle qu’elle renoue dans son tout premier roman La déesse des mouches à feu.

Catherine, la déesse des mouches à feu

Si l’œuvre n’est pas entièrement autobiographique, l’auteure puise dans ses souvenirs de jeunesse saguenéenne pour mettre en scène Catherine, une petite rebelle de 14 ans qui carbure aux expériences nouvelles et qui tente de pimenter son quotidien dans le fin fond de Chicoutimi-Nord. L’auteure fait revivre la belle époque des walkmans et des films loués en vidéocassettes. Avec sa coupe à la Mia Wallace, ses jeans troués et son look punk rock, Catherine suit les tendances de 1996.

La jeune fille jusqu’alors sans histoire vivra «l’année noire de toutes les premières fois»: le divorce de ses parents, les premières amours, les nouvelles amitiés, les expériences sexuelles, le deuil d’un proche, et surtout la découverte de la drogue – de la mess comme l’appelle l’héroïne – qui deviendra rapidement un carburant quotidien.

Le tragi-comique

La déesse des mouches à feu peut être lu comme l’histoire noire d’une jeune droguée qui grandit trop vite: overdose, intimidation, crises parentales, suicide sont quelques-unes des épreuves que rencontreront Catherine ou son entourage. Malgré tout, la jeune adolescente, narratrice du roman, arrive à nous faire sourire avec son franc-parler et sa désinvolture.

On entre dans les pensées insouciantes de cette adolescente qui banalise certains évènements – comme sa consommation excessive de drogue – mais qui, à l’inverse, dramatise des situations tout à fait banales, comme lorsqu’une fille de l’école lui lance une remarque sur son look: «J’avais l’air folle avec ça. Y a plus personne qui portait des souliers de même depuis la sixième année. Fallait que je m’achète des Airwalk pis que je les porte avec des bas brodés Jacob. Les Airwalk, je trouvais ça crissement laitte sur une fille. Pis les bas Jacob, c’était pour les pisseuses. Je lui disais-tu, moi, ostie, que son chandail lui faisait des grosses boules slotcheuses?».

La parole saguenéenne

Geneviève Pettersen a reproduit brillamment l’expression d’une adolescente saguenéenne. Catherine narre les évènements de sa vie dans un style coloré, singulier, intrigant, qui rend son personnage encore plus attachant. Il faut parfois arrêter sa lecture pour comprendre le sens de certaines expressions, qui sont typiques à la région saguenéenne.

Si La déesse des mouches à feu est dédié «aux petites crisses», il saura plaire à tout lecteur, sage ou moins sage.

Par exemple, Catherine remplace le terme «intelligente» par «quotiente»: «Je la trouvais quotiente d’avoir pensé à ça». «Se douner» veut dire «se masturber», «astucer» signifie «avoir une bonne idée» alors que «pleutasser» se dit d’une pluie qui tombe en bruine.

La narration orale qui traverse La déesse des mouches à feu est tout à fait charmante. Parfois les histoires de Catherine s’allongent inutilement ou sont remplies de détails superflus, mais puisqu’elles sont racontées dans un style aussi dynamique, le lecteur ne perd pas l’intérêt.

L’adolescence sans censure

Toute adolescente de 14 ans ne se reconnaitra peut-être pas dans le personnage de Catherine, petite fille qui a vécu plus qu’il n’est permis pour son  âge. D’ailleurs, l’auteure a fait parler d’elle pour avoir décrit sans pudeur les ébats sexuels de sa jeune héroïne avec son premier flirt, Pascal, son grand amour Kevin et même sa meilleure amie Marie-Ève. Si l’auteure a été critiquée, elle a tout mon mérite pour avoir voulu recréer fidèlement la réalité de certaines adolescentes, sans faire dans la dentelle. D’autant plus que La déesse des mouches à feu n’est pas un livre d’apprentissage conçu pour l’adolescente, mais bien un roman pour adultes.

On peut voir un engouement chez les jeunes écrivaines québécoises à vouloir tracer un fidèle portrait des adolescent(e)s, sans enjoliver ou assagir leur quotidien. Je pense entre autres à Sarah-Maude Beauchesne qui a signé dernièrement Cœur de slush aux Éditions Hurtubise, un livre pour adolescents qui met en scène Billie, une charmante fille de 16-17 ans, qui désire faire l’amour avec Pierre, un garçon du même âge qui fait battre son cœur. Tout comme Geneviève Pettersen, Sarah-Maude Beauchesne voulait écrire une œuvre qui ne censure pas les véritables pulsions de toute adolescente.

Lecture et cocktails

Si La déesse des mouches à feu est dédié «aux petites crisses», il saura plaire à tout lecteur, sage ou moins sage. La désinvolture de Catherine apporte une vague de fraicheur pour la fin de session et le début des temps chauds.

Après avoir lu le roman de Pettersen, allez faire un tour sur le blogue de l’écrivaine, Guide du bien-vivre à l’usage de la jeune femme moderne, qui offre entre autres des recettes de cocktails absolument divines pour savourer l’été à pleine gorgée. Bonne lecture!

Auteure : Geneviève Pettersen

Titre : La déesse des mouches à feu

Le Quartanier

Parution : Mars 2014

208 p.

Prix : 23,95$

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