L’auteur Sébastien Duguay nous offre aux côtés de l’illustrateur Ghyslain Duguay un premier recueil collaboratif de micronouvelles Noir Obscur. Paru en octobre dernier aux éditions Station T, ce livre rassemble une centaine d’histoires courtes qui plaira sans l’ombre d’un doute aux amateurs d’humour grinçant. Les auteurs, originaires de Sept-îles (où il fait froid et noir la moitié de l’année) nous proposent une ambiance de film noir où se mèlent brillamment humour noir et rire jaune.

Soulignons tout d’abord l’incipit de l’œuvre : « Laisse le flingue, prends les canolis » de Mario Puzzo et Francis Ford Coppola. L’extrait, soigneusement choisi dans le film Le Parrain (1972), résume à lui seul ce balancement entre le glauque et une certaine morbidité légère. C’est cette balance qui fait la finesse de cette œuvre, dans laquelle le détail est plus choquant que l’abject.
Micronouvelles macabres
Il n’est pas évident de faire une critique globale de l’œuvre puisque cette dernière se décline sous la forme de micronouvelles. En effet, chaque courte histoire se compose de quatre cases, réunies sur une seule page. Cet exercice périlleux est assez bien réussi par le duo.
À travers des thématiques variées, chaque planche trouve sa force en reposant sur des jeux de mots et des chutes plus malsaines les unes que les autres. On trouve parfois une allégorie du jardinage avec le meurtre . À d’autres moments, l’incompréhension des personnages crée des situations loufoques dans des contextes très sérieux. Ici, aucun sujet n’est tabou, et les Duguay explorent la mort et le suicide sous de nombreux aspects.
Ne pas tout dire, rire de tout
Le duo n’hésite pas à verser parfois dans l’anti-humour, un type d’humour où le narratif est dépourvu de chute. L’exemple le plus réussi est celui d’une planche intitulée1 « Erreur sur la personne » : « C’est l’histoire de Max qui occupait un luxueux appartement rue St-Charles. Le soir il faisait la fête et le jour il peignait, des œuvres qui allaient valoir leur pesant d’or. Et lui, c’est Yan… mais ce n’est pas son histoire. »
Les histoires reposent sur des détails absurdes et laissent également une grande place à l’imagination. On pourra reconnaître aussi des reprises d’histoires célèbres, tel que la mutilation d’oreille de Vincent Van Gogh, ré-interprétée de façon encore plus déprimante. Certaines planches dépourvues de texte s’appuient seulement sur la force des images pour transmettre ce sentiment d’inconfort.
aucun sujet n’est tabou. les Duguay explorent la mort et le suicide sous de nombreux aspects.
Au niveau esthétique, le duo nous présente un univers monochrome, jouant avec les contrastes. Les pages sont imprimées sur papier noir et les coups de crayons, fuyants. Les ombres et les contrastes accentuent efficacement le sentiment d’oppression. Le style graphique rappelle celui de Frank Miller et de sa série Sin City, les couleurs en moins. Ce type de dessin minimaliste trouve sa place dans ce monde où l’espoir ne repose sur rien et où l’absurde est la réponse à la fatalité.
Au même titre que l’autrice argentine Mariana Enriquez, le duo Duguay excelle dans la littérature brève et d’horreur. Il serait intéressant de voir paraître un jour un roman graphique sombre du duo d’auteurs. Au regard de Noir obscur, nous sommes convaincus que ce serait une délicieuse réussite.
Noir Obscur est disponible sur Les Libraires aux éditions Station T avec une préface de Jocelyn Boisvert.
- NDLR : La référence n’est pas indiquée car le livre ne possède pas de pagination. ↩︎