
Fraîchement inaugurée et avec toute l’intimité qui lui est conférée, la chapelle du Centre d’art des Récollets – St. James a accueilli la comédienne et performeuse Diane-Andrée Bouchard. Ce samedi 5 novembre, elle a présenté une lecture théâtralisée de lettres en tous genres, recueillies depuis 1979. Devant un public qui semblait conquis d’avance, l’artiste s’est amusée en interagissant avec les membres de l’assistance, tout au long de sa prestation Jardin de lettres oubliées.
Peut-être prise de court par le fort achalandage, l’organisation a peiné à recevoir adéquatement les convives, et a dû commencer le spectacle avec une bonne trentaine de minutes de retard. Une fois cet accroc passé, le public était invité à se rendre dans la chapelle de l’église anglicane. Tirant avantage du lieu, Diane-André Bouchard a fait son entrée par la grande porte, a marché solennellement dans l’allée et dirigé les spectateurs à l’extérieur de la salle.
Après une courte intervention de pelletage et de remise de fausses chandelles, le public s’est redirigé dans le lieu jadis de culte. Une première lecture de lettre, choisie au hasard par un spectateur, s’est déjà faite en longueur. Le rythme s’est installé véritablement lors de la lecture d’une troisième lettre. Certains éléments scénographiques aidaient à rendre la monotonie plus agréable. La musique improvisée en direct apportait une vibration enveloppante, et permettait de faire valser l’attention du spectateur.
La théâtralité performative choisie par Diane-Andrée Bouchard la rendait vulnérable, alors qu’elle ne revêtait aucun personnage. Elle s’est livrée sans filtre dans un décor existant, agrémenté de détails calculés. Des fils avaient été tissés entre l’espace de l’autel et celui des fidèles, formant ainsi un pont évident entre l’actrice et le spectateur. Des boules de papier épars occupaient le plancher, et les lettres à lire étaient suspendues dans les cordages.
Le rapport intrusif qu’elle a entretenu avec l’audience témoigne de cet intérêt de poser un regard insistant sur la relation entre la scène et le public.
Des tonalités humoristiques pointaient alors que le contenu de certaines lettres se révélait par une écriture naïve. La force de Diane-Andrée Bouchard réside dans la capacité d’adaptation. Elle a pris à partie des spectateurs tout au long de la soirée en les incluant dans ses ébauches de mises en scène. Le rapport intrusif qu’elle a entretenu avec l’audience témoigne de cet intérêt de poser un regard insistant sur la relation entre la scène et le public.
Les lettres contenaient des secrets, des réflexions et des témoignages. Certaines amenaient le rire, d’autres émouvaient. C’est le cas de «La lettre à mon agresseur». Toutes lumières éteintes, des cierges le long de l’allée, la voix de l’artiste planait dans la salle. Cette ambiance amenait à une introspection et à une écoute profonde de chacun des mots. La voix et le rythme étant bien installés, ce moment résonnait aussi avec la prise de conscience sociale qui se cristallise ces dernières semaines.
Bien que l’ensemble de la soirée se soit étiré en longueur, le concept est surprenant et efficace. Ces lettres anonymes dévoilées dans un endroit empreint de ritualité s’entendaient avec force. Le nombre de lettres serait à revoir, afin de ne pas saturer le spectateur. La présence assumée et puissante de la comédienne a agréablement bien supporté la soirée alourdie.
Diplômée de l’École de théâtre de St-Hyacinthe en 1989, Diane-Andrée Bouchard est actuellement enseignante au Cégep de Trois-Rivières dans le programme Arts, lettres et communication, profil Théâtre et créations médias.