Presque Vierge de Josée Blanchette: La passion et la déviance

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La chroniqueuse Josée Blanchette, journaliste au quotidien Le Devoir, livre cet automne sa vingtième parution en librairie. Autobiographie féministe et troublante, Presque Vierge est un récit qui raconte la sulfureuse relation entre une jeune fille de 15 ans et son professeur de philosophie de trente ans son aîné. L’ouvrage est paru en septembre chez Druide.

En quête d’absolu et d’expérience, elle raconte comment elle a été la cible d’un prédateur dans les années 1970-1980, le tout dans une langue incisive et soutenue qui fait le charme de ce récit aux thématiques pourtant difficiles.

Comprendre l’époque

Le récit commence à la rentrée 1978, alors qu’elle n’a que 15 ans et qu’elle est en soif d’aventures. C’est une époque douteuse, en matière d’intérêt sexuel : « Le parfum d’interdit transpire partout, le zeitgeist est à l’éphébophilie » (p.117). Rappelons l’atmosphère occidentale de l’époque, au Québec comme en France, une révolution des mœurs est en cours, avec la révolution tranquille ici et là-bas, l’influence encore palpable de Mai 68.

Presque vierge de Josée Blanchette. Crédits : Site des libraires

C’est dans ce contexte que la séduction s’opère entre la jeune fille de 15 ans et son professeur de philosophie. Ce dernier, appelé R., est un ancien prêtre de 45 ans qui a un goût prononcé pour les adolescentes. À coup de détours intellectuels et de techniques de grooming, aujourd’hui bien connus, l’étau se resserre sur l’adolescente en quête de sensations fortes, qui veut tout, maintenant : « Il faut que jeunesse se passe et la mienne ne passera pas inaperçue » (p.31).  

 « Le parfum d’interdit transpire partout, le zeitgeist est à l’éphébophilie »

Cette oeuvre nous fait voyager avec la jeune Blanchette, qui quitte sa ville natale pour vivre son idylle entre la France et les États-Unis. Chaque fois, le récit prend une dimension plus grande que ce que le lecteur peut s’attendre. Un des aspects intéressants réside dans la myriade de références culturelles de l’époque. L’auteure nous transporte dans la contre-culture des années 70, notamment en faisant référence au journal contre-culturel de l’époque, Mainmise, qui s’intéresse autant à la révolution communiste qu’à la pousse de marijuana. D’autres clins d’oeil sont faits par des mentions à l’actrice norvégienne Liv Ullmann, dont Josée est le portrait craché, ou à David Hamilton, de qui elle consulte secrètement les ouvrages photographiques érotiques.

Récit féministe

Ce n’est pas la première fois que Blanchette parle ouvertement de son professeur de philosophie avec qui elle a eu une relation. Déjà en 2006, dans une entrevue offerte à la journaliste indépendante Cécile Gladel, Blanchette mentionne son intérêt pour les spiritualités orientales comme étant le résultat de sa relation avec son professeur de philosophie. En 2018, alors qu’elle milite pour la mise en place de règles précises en ce qui à trait aux relations entres élèves et enseignants, elle évoque dans une chronique cette liaison à une époque où la complaisance était d’ordre, comme elle le mentionne : « Après des années d’amour libre, l’éros est décomplexé. On tolère bien des écarts de conduite et la récréation n’est pas encore terminée. » (p.79).

« À toutes les Lolita qui se taisent »

Ce récit est choquant dès l’épigraphe : « À toutes les Lolita qui se taisent ». Blanchette, en plus d’y raconter sa vie, nous livre plusieurs fac-similés de photos et de lettres que R. lui envoie. Ces éléments dénotent encore davantage le caractère dérangeant de l’obsession d’un quadragénaire pour une adolescente tout juste sortie de l’enfance. Plusieurs années s’écoulent, étirant ce tiraillement entre fascination et dégout que R. suscite chez Blanchette.

Près de 40 ans après cette relation, R. a été condamné pour inceste. Cela a donc motivé Blanchette à raconter son histoire, à s’inscrire dans la mouvance du #Metoo, et à dénoncer les abus, qu’elle n’a réalisé que beaucoup plus tard : « Je viens de tomber de mon socle de nymphe plus ou moins officielle d’une époque de débâcle sexuelle. D’élue, je deviens le symptôme d’une maladie. » (p.16).

Ce livre est cependant plus qu’un simple exercice de mémoire et de style. Le rigoureux compte rendu du tristement célèbre amant de Blanchette nous ouvre les yeux sur un problème plus actuel que jamais. Pour vous le procurer, vous pouvez consulter le site des libraires.

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