Un peu d’histoire: Les années Ding et Dong

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Gabriel Senneville. Photo: Mathieu Plante
Gabriel Senneville. Photo: Mathieu Plante

Le 17 novembre dernier est paru sur Netflix le documentaire Jim and Andy; The Great Beyond. Celui-ci porte sur le tournage du film Man on the Moon, mettant en vedette Jim Carrey dans le rôle du défunt humoriste américain Andy Kaufman. Génie de l’humour des années 1970-1980, Kaufman a marqué l’imaginaire humoristique par son originalité et l’authenticité de son genre.

Étant un très grand adorateur d’Andy Kaufman et d’humour en général, le visionnement de ce documentaire engendre de nombreuses réflexions historiques. Je désire donc consacrer cette chronique à l’histoire de l’humour québécois, mais plus particulièrement, celui des années 1980, marquées par la présence du duo Ding et Dong.

Un contexte humoristique particulier

Au Québec, les années 80 sont marquées par l’échec référendaire de 1980. En ce sens, une partie de la population ne désire plus entendre parler de politique et des grands projets qui s’y rattachent. Il semble que la population n’ait plus envie de rire de la politique telle que les Cyniques et Yvon Deschamps le proposaient durant la période de la Révolution tranquille.

La Charte des droits et libertés va permettre une plus grande marge de manœuvre pour les humoristes dans les années 1980.

Dans ce contexte, la population ne semble donc plus intéressée à entendre parler des grands élans collectifs qui n’ont pas eu les résultats espérés… en humour du moins. De nouveaux humoristes vont donc proposer aux spectateurs des situations comiques liées à l’absurde. Pour reprendre les termes du philosophe Albert Camus: «L’absurde naît de cette confrontation entre l’appel humain et le silence déraisonnable du monde.»

Désormais, les humoristes québécois vont privilégier un discours apolitique absent d’engagements. En ce sens, on constate une apparition et une valorisation de la mise en scène de nombreux personnages frôlant l’imbécilité ainsi que la pure folie. Il s’agit donc d’une manière pour ces nouveaux comiques de jouer et de détourner la réalité.

Certains observateurs de l’époque vont fortement critiquer cette forme d’humour, la décrivant comme détachée du réel, et déplorent l’absence de tendresse et de drame humain. À cette époque, Claude Meunier, ancien membre du trio Paul et Paul et membre du duo Ding et Dong, n’est pas de cet avis, puisqu’il s’agit pour lui de rire de la bêtise humaine, du sous-développement culturel et de l’absurdité des communications.

D’autres problématiques importantes de la société québécoise sont mises en scène par les humoristes des années 80. Si certains sujets étaient tabous dans les années 60, la Charte des droits et libertés permet désormais une plus grande marge de manœuvre pour ces humoristes. La notion de liberté d’expression engendre un éclatement des discours, puisqu’il est maintenant permis de rire de tout et d’aborder des sujets autrefois proscrits par l’Église catholique.

Les Lundis des Ha! Ha!

Lors d’un séjour en Californie, Serge Thériault et Claude Meunier vont se rendre au Comedy Store de Los Angeles, endroit mythique de l’humour américain. À leur retour au Québec, les deux humoristes décident d’adapter ce style de soirées au Québec.

Dès janvier 1983, les deux hommes fondent au Club Soda de Montréal, les Lundis des Ha! Ha!. Se rapprochant davantage du théâtre que de l’univers du «Stand-up», ces soirées étaient en mesure d’accueillir de manière hebdomadaire de nombreux humoristes. Animées par Ding et Dong (Thériault/Meunier), ces soirées a pour but selon eux, de «lâcher leur fou» (Aird, 2004).

«Est effrayante! Est effrayante!» — Dong (Claude Meunier)

Selon Meunier: «Il n’y a pas de limite à notre humour. On convie les gens à une soirée d’exorcisme collectif où tous les tabous sont levés. Les Québécois ont besoin de se défouler en riant d’eux-mêmes et des autres». À propos de Ding et Dong, Yvon Deschamps affirme: «Eux autres n’ont pas le moindre complexe et c’est ça qui est tellement rafraîchissant. Ils ont le front d’être ridicules et de s’en foutre éperdument».

Entre janvier 1983 et juin 1984, Ding et Dong vont revêtir leur veston en peau de vache et provoquer une vague de changement dans le milieu de l’humour québécois. Grâce à leurs textes comportant des blagues à chacune de leurs répliques ainsi que de leurs personnages des plus absurdes, Ding et Dong vont incarner ce vent de fraîcheur en humour au Québec.

Lors de leurs spectacles, de nombreux personnages sont mis en scène afin de se moquer de la culture littéraire, tels que les personnages de Baudelaire et de son acolyte Spleen, ou encore afin de rire de certains sujets encore tabous à l’époque, dont l’homosexualité. Il sera question du personnage de Christian Dior, ou encore de la religion avec le personnage du Pape Jean-Paul II.

Avant «La Petite Vie», il y avait Paul et Paul, et Ding et Dong.

L’œuvre marquante de Claude Meunier et de Serge Thériault est sans aucun doute la mise en scène des premiers numéros de La Petite Vie, émission qui marquera la télévision ainsi que la culture québécoise des années 1990.

Pour en savoir plus sur le sujet de cette chronique et mes lectures utilisées, je vous invite fortement à découvrir l’ouvrage, L’histoire de l’humour au Québec, de 1945 à nos jours, de l’historien Robert Aird.

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1 commentaire

  1. […] Dans ce tout dernier épisode que vous tenez dans les mains, vous constaterez aux  l’arrivée d’un nouveau journaliste en actualités et en sports, Alexandre Brouillard – les assidus.es du blogue l’auront déjà remarqué. Par ailleurs, Gabriel Senneville a accroché ses patins de journaliste aux actualités pour enfiler ceux de chroniqueur historique: ne manquez pas sa nouvelle chronique! […]

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