
Jeudi le 25 novembre dernier avait lieu la soirée de vernissage de l’exposition Pas même un clignement de l’artiste Valérie Guimond. Il est toujours possible de voir ses œuvres au Centre de diffusion de l’atelier Presse Papier (75 rue St-Antoine à Trois-Rivières). Pour l’occasion, le Zone Campus s’est entretenu avec l’artiste.
Une exposition aux thématiques engagées
Résolument féministe, l’exposition de Valérie Guimond aborde plusieurs thématiques d’actualité, dont « l’érotisation croissante des filles et des adolescentes dans les médias, la banalisation des standards de beauté et du modèle relationnel provenant souvent de la pornographie, ainsi que l’augmentation de la tolérance sociale à l’égard de la sexualisation ». Pour l’artiste, ces dernières permettent et banalisent l’hypersexualisation et la pornographisation du corps féminin.

Dans le cadre de cette exposition-ci, l’artiste utilise des photographies qu’elle a prises de sa fille entre l’âge de 8 et 14 ans où celle-ci est vêtue de sous-vêtements féminins et d’un masque à gaz. Ce masque, qui est souvent intégré à son travail artistique, est un symbole de protection contre « cette banalisation médiatique de la sexualité qui s’insère dans l’espace public à notre insu. » Grâce au marquage au fer, elle imprime sur le papier sérigraphié ces photos où l’expérience de la peau-marchandise devient visible.
Entretien avec l’artiste
Zone Campus : Comment décririez-vous votre pratique artistique?
Valérie Guimond : Que ce soit en bois gravé, en sérigraphie ou dans une toute nouvelle technique que j’ai développée, soit le marquage au fer, mon travail en recherche création a comme premier sujet l’hypersexualisation. Ce phénomène apparaît tôt dans l’espace public et se précise davantage au début du XXIe siècle.
Mes recherches se concentrent sur le « port » de cette hypersexualisation, sur son emprise insidieuse sur la corporéité des jeunes filles, et plus précisément sur mes observations sur ma fille pendant six années (de 8 à 14 ans). Je tente d’éclaircir cet enjeu sociétal qui se déploie à notre insu, carbonise et modifie le rapport au corps.
Par le marquage au fer, l’estampe et l’installation, j’ouvre une brèche de ce déploiement corrosif sur la porosité du corps des jeunes filles, comment elles le comprennent, l’enveloppent, le déchiquètent ou le chérissent.
ZC : Quels sont vos espoirs pour la soirée du Lancement?
VG : Dans mon travail, le public peut se laisser happer et ensuite, recréer cette empreinte dans un nouveau schéma de compréhension avec une nouvelle utilisation du marquage au fer. Il peut ainsi lui aussi arrêter le temps, comme la brûlure qui modifie le support à jamais. La blessure de celui qui le transperce est le résultat de cette action sur le papier.
Le public pourra à son tour compléter la nouvelle structure de compréhension : celle du masque qui veut protéger à jamais la jeune fille vulnérable? Ou le masque qui brûle les doigts, symbole d’une apparence mise sur un piédestal pour ces jeunes filles?
ZC : Quelle place occupent les préoccupations féministes au sein de votre démarche?
VG : Le féminisme est la base de ma démarche. Elle s’ouvre ensuite sur la pornographisation de nos espaces publics, puis sur l’hypersexualisation. Depuis longtemps, le corps de la femme se retrouve dans ma démarche. Au départ, non en tant que femme, mais comme être humain, puis dans ses ombres belliqueuses et autodestructrices, sa posture physique et jusque dans l’apparition de l’être psychique : une dynamique de circularité.
ZC : Des photographies de votre fille sont centrales à cette exposition. Comment avez-vous vécu (l’une et l’autre) ce processus artistique? Est-ce qu’inclure votre fille a été une décision naturelle pour vous?
VG : J’avais déjà réalisé des œuvres avec mes enfants comme modèles en 2014. Je leur avais demandé de se déguiser en super-héros et en princesses.
Puis un jour, ma fille alors âgée de 8 ans me présente avec honte des croquis d’organes génitaux et de positions de corps de femmes nues. Elle se confie et après quelques recherches, je me rends compte non seulement de l’importance cruciale d’une bonne communication avec son enfant, mais aussi de certains dangers qui guettent les jeunes filles sur les modèles de jeunes femmes dans toutes les sphères de la société (magazines, journaux, littérature, cinéma, télévision, Internet, sports, jouets, publicités, etc.).
Ma recherche repose toute entière sur l’approbation que ma fille m’a accordée dès le début du travail sur son image corporelle. Sans elle, pas de modèle, pas d’appropriation viscérale, de préoccupation de lui trouver une juste place dans la société qui sera la sienne plus tard en tant que femme adulte. L’espace intime que j’ai créé avec ma fille a été le moteur de départ de ma recherche, afin de bien lui expliquer les nuances et les zones où je voulais aller.