Ariane Lebeau est finissante de la maîtrise par cumul en arts à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Zone Campus est allé à sa rencontre pour connaître davantage sa pratique artistique, son travail de recherche et ses inspirations. Passionnée par la représentation du corps féminin, elle le retravaille dans une perspective féministe et interroge le regard posé par l’artiste sur son modèle.
Naissance d’un mouvement créatif
Après un baccalauréat en arts visuels et médiatiques à l’UQÀM, Ariane a souhaité continuer sa pratique artistique en l’abordant sous l’angle de la recherche-création. Elle termine actuellement sa maîtrise en arts, avec un mémoire qui présente à la fois sa pratique créatrice personnelle et les recherches autour d’un thème artistique : le corps féminin.
Inspirée par le topos pictural de la naissance de Vénus (Botticelli, Cabanel, Bouguereau), l’artiste pose un geste de réappropriation du corps féminin. Historiquement, puisque les femmes ont été, pendant longtemps, tenues loin du domaine artistique, qu’il soit littéraire, pictural ou théâtral, elles ont souvent eu peu accès aux arts et beaucoup moins de visibilité ; puisque moins valorisées, leurs travaux se sont moins bien conservés au fil du temps.
Ariane Lebeau s’intéresse également à des artistes plus contemporaines qui, comme elles, étudient le corps féminin. Parmi elles, elle cite Orlan et ses Sept opérations chirurgicales, qui fait de son corps une sculpture vivante. Le travail de Gina Pane autour du corps et de la douleur a aussi été source d’inspiration, notamment avec Azione sentimentale.
Poser un regard et être regardé.e
« Un simple survol de l’histoire de l’art permet de constater que les façons dont le corps des femmes sont majoritairement représentés au fil de l’histoire de l’art émergent d’idéaux imaginaires issus de la dominance du regard masculin. Aujourd’hui, en tant que femme, praticienne et chercheuse, comment puis-je m’affranchir de ces représentations et me les réapproprier? »
Ariane Lebeau, résumé de son mémoire
Ses angles de recherche se concentrent actuellement sur la question de la multiplicité des regards : celui du public, posé sur une œuvre qui, malgré sa beauté, ne représente pas la réalité du corps féminin, celui de l’artiste sur son modèle, et bien sûr, le male gaze social. À l’heure où les réseaux sociaux nous permettent de faire sans cesse défiler des images, des représentations idéalisées et peu réalistes des corps, notamment celui féminin, Ariane pose ce geste de réappropriation en cherchant à montrer le corps féminin non en tant qu’objet, mais en tant que matériau artistique et performatif.
La vidéo performance : Défaire la Muse
Pour son projet de fin de maîtrise, Ariane Lebeau a présenté une vidéo performance à l’atelier Silex ce mois-ci. Dans son exposition Défaire la Muse, Ariane adopte une double posture : elle se trouve à la fois dans la position du peintre et dans celle du modèle. Elle tente, comme le faisaient les modèles, de garder la pose : au-delà de l’inconfort de la pratique, les modèles sont idéalisés, frôlant parfois la caricature. On peut penser à La Grande Odalisque d’Ingres, à qui le peintre a rajouté des vertèbres afin d’allonger la silhouette féminine, bien que cela ne soit pas représentatif du corps des femmes, mais esthétiquement perçu comme une caractéristique de beauté.
Pour son exposition, l’artiste a remporté la semaine dernière le Prix du Musée de la performance, remis par Besnik Haxhillari et Flutura Preka (The Two Gullivers).
Pleine d’idées, Ariane Lebeau souhaite continuer à explorer ce thème dans ses projets à venir. Faire tenir toutes ses idées dans le cadre de son mémoire a nécessité bien des sacrifices et des idées mises de côté pour plus tard. L’aboutissement d’un projet pensé pendant plusieurs longs mois lui ont permis de proposer une œuvre réfléchie et travaillée.
« [Défaire la Muse est] mon oeuvre la plus juste et la plus complète »
Ariane Lebeau, entretien avec Zone Campus.
Ariane Lebeau a trouvé son média d’expression avec la vidéo-performance… Sans pour autant vouloir s’y limiter ! Curieuse d’explorer d’autres formes artistiques, elle participera à l’exposition Recycl’ART Terrebonne, donnée au centre d’artistes le Rond-Point d’août à octobre prochain, dans Lanaudière. En s’inscrivant dans le thème « Traçabilité » de cette année, Ariane proposera une œuvre qui questionnera la question de l’héritage des objets, de leur transmission temporelle, de l’archéologie, toujours dans une perspective de remise en question du regard traditionnel posé sur la muse.