Chronique d’une citoyenne du monde: L’art socio-responsable 2

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Je m’en rappelle comme si c’était hier: tout le monde riant aux éclats, et moi, les regardant les yeux pleins d’interrogations. Je ne comprenais pas pourquoi ils pouvaient tant rire. Mais que diable y a-t-il d’amusant à regarder L’Avare?

Telle fut ma première expérience avec la comédie. Une expérience qui me marqua à tout jamais, puisqu’à chaque fois que j’entends le bruit de pièces de monnaie, je pense à la vieille dame qui poursuivait Louis de Funès alors qu’il trainait son coffre rempli de pièces d’or.

Pour moi, il était un prodige de l’humour, trop osé certes, mais qui révélait des vérités qui pèsent comme des écailles sur nos yeux.

Non que je ne comprenne pas le français, mais je ne trouvais pas que l’avarice était un sujet qui méritait une pièce de théâtre, ou un sujet qui pouvait être source de rigolade. Mais bien des années plus tard, j’ai réalisé que lorsqu’il s’agit de sujets tabous, il n’y a rien de mieux que la comédie ou l’humour pour faire passer des messages ou mettre en lumière des vérités ô combien dérangeantes.

Petit à petit, j’ai commencé à prendre goût à ce genre d’humour, et peu à peu, le plaisir remplaçait le supplice.

Je ne m’intéressais plus à l’humour seul, mais aussi aux humoristes. J’étais souvent curieuse de savoir quel chemin ils avaient pris pour en arriver là. Pour que leur métier soit de faire rire les gens, tout en passant des messages que bien des journaux préfèreraient taire.

Et là, j’ai découvert Jamel Debbouze, un humoriste et comédien franco-marocain qui a grandi en France. Pour moi, il était un prodige de l’humour, trop osé certes, mais qui révélait des vérités qui pèsent comme des écailles sur nos yeux. Ma grande surprise a été de découvrir que cette immense carrière a commencé grâce à un morceau de gâteau aux fruits.

Alors qu’il était à l’école, il était souvent mis dehors par son professeur, et un jour, alors qu’il espionnait les autres classes, il a remarqué que le professeur de théâtre donnait des morceaux de ce gâteau aux étudiants à la fin de la séance. C’est parce qu’il s’agit d’un dessert qui n’est pas accessible à tous que le jeune Debbouze décide de rejoindre le cours de théâtre, pour obtenir le fameux morceau. Plus tard, ce seront des gâteaux au fromage que cette classe lui payera. Il a trouvé dans sa banlieue un milieu fertile qui lui a permis d’illuminer la scène avec de prodigieuses prestations.

En 2006, Jamel décide de lancer le Jamel Comedy Club (JCC), où il se définit comme révélateur de jeunes talents, voulant tendre la main aux jeunes et les faire sortir de l’isolement. Jamel a permis à plusieurs immigrants de deuxième génération de briser les murs de l’isolement et d’avoir un avenir brillant.

Au fil des années, les talents éclosent et l’émission devient un tremplin hautement convoité. Le JCC se veut «une scène ouverte, où l’on vient s’essayer cinq minutes, sans aucun critère, sans aucune pression». L’émission a révélé ainsi plusieurs talents comme Thomas N’Gijol, Fabrice Éboué, Frédéric Chau, Patson, Amelle Chahbi, Kev Adams, etc.

Plusieurs d’entre eux ont pu accéder au grand écran, ou encore faire des spectacles en solo. Dans un monde où l’on peut être facilement catégorisé, marginalisé ou stéréotypé, le JCC est une initiative qui, certes, confère des revenus à Jamel Debbouze, mais surtout qui permet à des jeunes d’avoir une chance devant le public et de sortir de la misère.

L’initiative du JCC n’est pas la seule. De l’autre côté de l’Atlantique, les humoristes québécois se sont liés à d’autres, d’origine haïtienne, afin d’animer le gala-bénéfice «HahaHaïti». C’est un autre exemple où l’humour ne sert pas juste à faire rire ou à critiquer des phénomènes de société, mais transcende le spectacle pour devenir un réel moteur de développement social et humain.

Quand Juste pour rire se convertit en rire pour co-construire, l’humour devient un puissant moteur de développement social.

C’est un exemple où Juste pour rire devient rire pour co-construire. En effet, il s’agit de la locomotive d’une compagne de financement visant à construire une École nationale d’humour à Port-au-Prince en Haïti, et à former des futurs humoristes. Pour aller plus loin, Juste pour rire et l’École nationale de l’humour ont également offert leur expertise pour aider à développer cette institution. Vous me direz que ce sont d’hôpitaux et d’écoles dont ce pays a besoin. Je vous répondrai que ce sont de citoyens capables de voir l’avenir fleuri dont ce pays a grandement besoin.

Le rire n’est pas juste un défoulement, c’est un remède pour les maux du cœur, un pansement pour les affres de l’âme et un moyen pour moquer un quotidien qui éreinte.

 

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