Still Alice
«So live in the moment I tell myself, it’s really all I can do.»
Dans ce film touchant et aux nombreuses réussites, Wash Westmoreland et Richard Glatzer abordent avec sensibilité et intelligence le thème de la mémoire en présentant le parcours d’une doctorante en linguistique (Julianne Moore) atteinte d’un Alzheimer précoce.
Still Alice dépeint ainsi avec beaucoup de beauté le destin tragique d’une femme aux prises avec des pertes de mémoire de plus en plus fréquentes, l’obligeant jusqu’à la fin à modifier son rapport au temps et au langage. À mi-chemin entre un récit de bataille et un appel à l’acceptation, l’œuvre souligne à grands traits ce qui fait à la fois toute la puissance et toute la fragilité du parcours humain, tout en ramenant le spectateur à quelques leçons de vie qu’il a peut-être lui-même tendance à oublier.
Si la qualité de la musique et de la réalisation contribue certainement à donner à l’œuvre quelques battements de force, la véritable source de son succès se trouve dans la performance sidérante que livre Julianne Moore en incarnant une Alice forte de ses contradictions, mais victime d’un mal dont elle ne peut révoquer les effets. Teintée d’orgueil, de doutes, d’intelligence, de luttes, de peines et d’humiliations, la personnification donnée par Moore de la doctorante laisse au final au spectateur une impression poignante de l’écroulement existentiel que doit susciter la perte de facultés ayant jusqu’alors assuré la pleine définition de soi. Julianne Moore fait ainsi la preuve d’un travail complet et fructueux.
Pour ce qui est du récit et des thèmes exploités par le scénario, Westmoreland et Glatzer ont su introduire quelques pistes de conscientisation sans toutefois étouffer le contenu d’une réflexion trop lourde. En liant subtilement la problématique d’Alice aux enjeux du carriérisme (stress, incapacité à s’écarter du travail, acharnement pour obtenir ce que l’on veut), les scénaristes révèlent par un clin d’œil ironique toute l’absurdité des priorités adoptées à contresens du corps et de la vie. En cette fin de session, je vous invite donc à être prudent et à ménager le plus possible vos cerveaux, tout en allant voir ce film qui sera, sans aucun doute, un incontournable de 2015.
Le Promeneur d’oiseau
«T’appelles ça un caillou, toi?»
Bien que Le Promeneur d’oiseau soit un bon prétexte pour voir la Chine d’aujourd’hui, son visionnement est loin de constituer un détour obligé. Sans être foncièrement mauvais, le film a pour principal défaut de rassembler une somme de déjà-vu et de couvrir superficiellement des sujets qui auraient mérité plus de profondeur.
Sans doute, pour rendre justice à l’œuvre, faut-il blâmer en premier lieu sa traduction française, qui est particulièrement manquée. En transformant des métaphores peut-être efficaces en chinois en petites ritournelles sans saveur, la traduction vient en effet ajouter au risible d’un doublage mal calibré et de voix manquant grandement de substance. Au-delà de cette lacune qui n’est certes pas du ressort de l’équipe originale, le film en lui-même n’est toutefois pas exempt de défauts.
Pour traiter des écarts intergénérationnels et du contraste entre la vie urbaine et la nature, l’œuvre ressasse malheureusement plusieurs lieux communs sans jamais leur apporter d’éclairage nouveau. À dire vrai, hormis la présence marquée des nouvelles technologies, le film pourrait facilement être daté des années 1990 tant son développement est habituel et convenu. Le spectateur moindrement aguerri pourra ainsi anticiper sur l’ensemble des dénouements de l’histoire, s’il ne s’endort pas en cours de route.
Pour ce qui est de l’interprétation, bien qu’il soit difficile d’évaluer la performance des acteurs en vue du décalage culturel, plusieurs scènes donnent tout de même l’impression d’un jeu grossi ou encore de réactions forcées, ce qui est peut-être davantage attribuable à une mauvaise direction d’acteurs qu’au travail des comédiens. Dans le rôle du grand-père, Li Baotian fait tout de même bonne figure dans la plupart des scènes, malgré quelques délais de jeu qui auraient davantage de sens au théâtre qu’au cinéma.
En somme, même si quelques panoramas sont véritablement à couper le souffle (surtout ceux du village et de la forêt), Le Promeneur d’oiseau demeure une œuvre de seconde main dont on aura tôt fait d’oublier l’existence.
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Prochainement au Cinéma Le Tapis Rouge:
La Leçon (v.f. de Boychoir) de François Girard (depuis le 3 avril – Drame américain mettant en vedette Dustin Hoffman, Garrett Wareing et Kathy Bates)
L’extravagant voyage du jeune et prodigieux T.V. Spivet de Jean-Pierre Jeunet (à partir du 10 avril – Drame d’aventure franco-canadien signé par le réalisateur du Fabuleux destin d’Amélie Poulin)
Sils Maria d’Olivier Assayas (à partir du 10 avril – Drame franco-germano-suisse mettant en vedette Juliette Binoche et Kristen Stewart et ayant fait partie de la Sélection officielle du Festival de Cannes 2014)