Ce qui se passe actuellement en Ukraine ressemble à un film à suspense où n’importe quelle tournure est possible. Ce suspens est si captivant au point de voler la vedette à la Covid-19 dans les médias. Toute l’attention se porte actuellement sur le pays que dirige Volodymyr Zelensky et on s’interroge naturellement pourquoi?
La réponse à cette question dépend de l’angle à partir duquel on l’aborde. Dans cette chronique, on privilégie l’angle économique pour comprendre la situation en Ukraine et comment cela affecte le Canada. Commençons par un bref résumé de cette situation.
Bref résumé de la situation en Ukraine….
La crise ukrainienne éclate au printemps 2014 avec la rébellion de certains habitants des régions frontalières à la Russie. Le premier épisode du conflit prit officiellement fin avec la signature des accords de Minsk en février 2015. Le deuxième épisode s’illustre par de nombreux rebondissements occasionnant une paix précaire. Pendant 8 ans, on est allé d’escalade en escalade pour aboutir à une intervention militaire russe le 24 février 2022. Cette intervention marque le début du troisième épisode. En réaction à l’action de la Russie, certains pays de l’OTAN dont décidé de lui imposer des sanctions économiques. Ceci parce qu’ils ne peuvent pas intervenir militairement, car le risque d’aboutir à un conflit nucléaire est très élevé. L’OTAN utilise donc les sanctions comme une arme pour tenter de faire plier la Russie. Pour ce faire, elle dispose d’une batterie de mesures.
Le contenu des sanctions économiques contre la Russie
Une sanction économique est un ensemble des restrictions sur la circulation des biens, des personnes ou de l’argent. Elle se fonde sur des raisons politiques, sociales, économiques ou stratégiques. Elle s’opère au travers de taxes, de quotas, de gel d’avoir, etc; dans le but de contraindre, dissuader, punir ou faire honte aux pays ou organisations qui mettent en danger les intérêts des autres.
Dans le cadre de la crise ukrainienne, les sanctions visent à étouffer économiquement la Russie. Elles touchent différents secteurs et nous retenons ici celles qui ont le plus grand impact. Il y a d’abord l’exclusion de certaines banques russes du système de payement par SWIFT. Ce système de messagerie sécurisé permet de faciliter les transferts d’argent à l’international dans plus de 200 pays. Ensuite, le gel des avoirs en devise de la Banque centrale d’un montant près de 630 Milliards $ US. Cette mesure signifie que la Banque va manquer des devises pour assurer les activités des entreprises russes à l’étranger. Il y a finalement, l’interdiction d’importation des produits technologiques tels que les semi-conducteurs, indispensables à l’industrie militaire.
Cela étant, les sanctions prises à l’encontre de la Russie n’ont pas un impact circonscrit dans son territoire. Elles impactent aussi les pays qui l’ont sanctionné. Ceci parce qu’elles touchent directement les échanges que ces pays ont avec la Russie. C’est par exemple le cas du Canada.
Impacts économiques pour le Canada
La Russie est 1er exportateur mondial de gaz, 2e de pétrole, 1er d’engrais et 3e de blé pour ne citer que ces produits. Les sanctions qu’elle subie créent incontestablement une perturbation dans les chaînes d’approvisionnement impliquant ces produits. Depuis leur déclenchement, on observe une augmentation des prix dans ces secteurs. Par exemple, le baril de pétrole a dépassé les 100$ US en début du mois de février.
Ainsi, en tant que grand producteur de pétrole et d’aluminium, le Canada profite au niveau des exportations. En revanche, les Canadiens subissent des prix plus élevés de l’essence à la pompe. Cela se répercute aussi sur le coût de transport des marchandises et donc l’inflation devrait continuer dans les prochains mois. D’ailleurs, certains producteurs craignent déjà ce qui s’en vient. C’est le cas de Marty Derks, un fermier de la localité de Chesterville en Ontario. Il raconte : « Nous prévoyons une augmentation d’environ 20 à 30 % des coûts de carburant. Nous utilisons près de 140 000 litres de diesel chaque année; les prix ne cessent d’augmenter et les prix des engrais augmentent encore de façon spectaculaire cette année. L’approvisionnement devient de plus en plus problématique pour les agriculteurs ».
Un avis également partagé par Brendan Phillips, vice-président des producteurs de grains du Canada. Pour lui, le coût des céréales est également dans la tourmente et l’incertitude. Il explique que cette hausse des coûts ainsi que les pénuries potentielles proviennent du fait que la Russie, l’un des trois premiers pays producteurs de pétrole et le 1er fabricant mondial d’engrais, est actuellement expulsé de l’économie commerciale mondiale par les sanctions qu’on lui impose à cause de sa décision d’envahir l’Ukraine.
Beaucoup d’incertitude
En bref, il est encore trop tôt pour déterminer les impacts réels de la crise ukrainienne sur l’économie canadienne. Mais sur la base du caractère interconnecté de l’économie mondiale, le Canada va certainement subir des conséquences néfastes. La plus immédiate est sans doute la persistance de l’inflation; compte tenu de la flambée des prix des matières premières. Ce qui est tout de même une situation paradoxale quand on sait que le pays est le 4e producteur mondial de pétrole. Comment peut-on être à cette position et payer l’essence cher à la pompe? Je serai ravi de vous lire dessus. On en reparle bientôt.
Références
(1) https://meduza.io/en/feature/2022/03/03/a-brief-history-of-the-donbas-war-in-photos
(2) https://www.cfr.org/global-conflict-tracker/conflict/conflict-ukraine
(3) Peksen, D. (2019). When do imposed economic sanctions work? A critical review of the sanctions effectiveness literature. Defence and Peace Economics, 30(6), 635-647.
(4) https://www.cfr.org/backgrounder/what-are-economic-sanctions#chapter-title-0-2
(5) https://www.aljazeera.com/news/2022/2/28/russia-ukraine-us-uk-eu-canada-sanction-russias-central-bank
(6) https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-02-26/u-s-weighs-sanctions-on-russia-s-central-bank-over-ukraine
(7) https://home.treasury.gov/policy-issues/financial-sanctions/sanctions-programs-and-country-information/ukraine-russia-related-sanctions
(8) https://www.reuters.com/world/asia-pacific/taiwan-join-democratic-countries-sanctions-russia-2022-02-25/
(9) https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-02-28/chaos-in-commodities-as-russia-s-war-on-ukraine-stresses-markets
(10) https://www.trademap.org/Country_SelProduct_TS.aspx?nvpm=2%7c%7c%7c%7c%7c3102%7c%7c%7c4%7c1%7c1%7c2%7c2%7c1%7c2%7c1%7c%7c1
(11) https://www.capitaleconomics.com/publications/canada-economics/canada-economics-update/assessing-the-impact-of-the-war-in-ukraine-for-canada/
(12) https://ottawa.ctvnews.ca/how-russia-s-invasion-of-ukraine-is-affecting-canadian-farmers-1.5800908
(13) https://globalnews.ca/news/8652931/ukraine-russia-war-canada-interest-rate-hike/