Je ne sais jamais comment commencer mon texte. À chaque fois c’est pareil. J’ouvre mon ordi, clique sur l’icône de Microsoft Word et fais une petite mise en page rapido presto. Mais à chaque fois, chaque maudite fois, je bloque. Je fixe la page blanche. Des idées quelqu’un? Des idées quelqu’un pour la suite de mon texte?
Imaginez si un gouvernement vous demandait ça. «Des idées quelqu’un? Hey vous, oui vous là-bas, avez-vous une idée de comment gérer le Québec?» Ça n’aurait juste pas d’allure, non? Attendez. Je vous mets en situation. Le gouvernement vous dit: «On coupe dans l’éducation, on coupe dans vos régimes de retraite, on coupe dans l’avenir de la société. Des idées quelqu’un? Des idées de comment on pourrait vous faire passer ça?». Ah bin ouais, j’en ai une. On est pauvres icitte au Québec, la péréquation, et tout, et tout, et tout. Le tralala, quoi.
Des fois j’aimerais bien ça qu’il me la pose cette question-là, mais je la changerais, je la bonifierais, j’y ajouterais des adjectifs dans lesquels je pourrais enfin me reconnaître. La question deviendrait plutôt: Des idées de comment on peut rendre notre société québécoise meilleure pour demain, pour nos enfants?
Je n’aurais qu’une seule réponse: la vision. Une vision pour demain, une vision pour un nous, une vision de l’humanité. Et pour ce, il faut surtout se permettre de rêver, collectivement. Et, oui M. Yves Bolduc, consulter des livres peut aider à l’imagination et au rêve. De toute façon, je ne sais même pas pourquoi je m’acharne sur vous, M. Bolduc, vous ne me lirez pas, et vous ne lirez probablement pas de l’année si on se fie à vos déclarations publiques.
Mais pendant que j’ai votre attention M. Bolduc, vous qui n’aimez pas lire, vous qui ne mourez pas si vous ne lisez pas, vous qui haïssez lire, vous qui manquez de vision, j’aurais une façon de vous remettre un peu d’aplomb dans l’âme. Vous devez sûrement avoir une vingtaine de minutes de libre, au pire trente, au pire pire des cas trente-cinq. Pas plus.
Si jamais vous passez à Trois-Rivières, il y a une exposition d’art visuel qui ne vous intéresse sûrement pas M. le ministre, mais qui vaut tout de même le détour. Elle s’avère être un bel exemple de vision. EXPOTYPO: L’ABC des arts du texte. Je sais, il y a le mot «art» dans le titre. Dites au fait, y irez-vous quand même? C’est le mot «art» qui vous rebute, hein? Non? Ah! Alors, peut-être avez-vous peur de vous complaire dans l’univers ludique du trop-plein de lettres, dans l’univers de la typographie? C’est ça, c’est certain. Vous avez peur de rêver.
EXPOTYPO: L’ABC des arts du texte.
J’ai fait un petit détour par le Centre d’exposition Raymond-Lasnier du centre-ville cette semaine. L’idée de cette exposition est fort simple: mettre en valeur le support visuel qu’est la typographie. Pour monter un tel projet, l’exposition a fait appel aux services de Sébastien Dulude à titre de commissaire. Il a rassemblé dix artistes qui se devaient de mettre le texte en valeur. Sur ces dix artistes, j’en ai retenu deux: l’illustrateur Pascal Blanchet et l’artiste en art visuel Marc-Antoine K. Phaneuf.
Blanchet a choisi de faire une œuvre qui représente la ville de Trois-Rivières. Entre les voitures et les panneaux publicitaires, l’illustrateur a su mettre l’aspect ludique de la ville en valeur. D’une pancarte à l’autre, on chemine entre la satire de plusieurs services privés offerts dans la région mauricienne, entre la vie qui nous aspire et l’omniprésence, voire de la sur utilisation des voitures.
Si jamais vous passez à Trois-Rivières, il y a une exposition d’art visuel qui ne vous intéresse sûrement pas M. le ministre, mais qui vaut tout de même le détour. Elle s’avère être un bel exemple de vision. EXPOTYPO: L’ABC des arts du texte.
K. Phaneuf a pour sa part été un vrai collectionneur. De 2003 à 2011, il a ramassé des petits mots qui oscillent entre images et mots, tels que des affiches publicitaires, un mot griffonné sur un coin de table ou encore des notes de cours illisibles. Ces mots et images sont tout simplement collés sur le mur de la galerie les uns à côté des autres. L’amalgame de cette collection de souvenirs est assez frappant.
Où est la vision dans tout ça ?
L’exposition est confrontant puisqu’elle nous renvoie à notre réalité, à notre quotidien. Le trop-plein de mots, la sollicitation textuelle continue, la surabondance d’informations sont tous partie de notre vie sans qu’on ne s’en rendre compte, et ce peu importe le support visuel, c’est-à-dire que ce soit par la publicité ou par le journal, nous sommes confrontés au texte. La réflexion de Dulude, qui n’est aucunement moralisatrice (il s’agit d’ailleurs d’une force de Expotypo) constate la rapidité de la vie et prend un moment pour s’arrêter et respirer. Se remettre en question pour mieux cheminer.
M. Bolduc, j’ai fait de vous ma tête de Turc, je vous prie de m’excuser. Il faut croire que votre manque de vision m’a aidé à remplir ma page blanche. Des idées, j’en ai eu.