Dans l’excellente fiction 1984, le romancier George Orwell fait l’ébauche d’un monde contre-utopique où l’État a investi l’ensemble des vies des citoyens par le biais de propagande et d’un slogan évocateur : «Big Brother vous regarde». Le monde dépeint par Orwell est celui d’un état policier où tous les faits et gestes des citoyens sont observés à la loupe.
Heureusement, les pires cauchemars de George Orwell ne se sont pas réalisés. Nous pouvons être contents de vivre dans une société où les droits et libertés des gens sont respectés. Nous ne sommes pas constamment sous l’œil de Big Brother et nous avons droit à notre vie privée.
Malheureusement, parce que sécurité de tous l’oblige, nous sommes quand même observés à un certain degré. Discrètement, des caméras nous épient et nous observent dans la plupart des endroits publics et l’UQTR ne fait pas exception.
De nouveaux jouets
Les étudiants ont pu remarquer en début d’année que le Service de la protection publique de l’UQTR s’est équipé d’un nouveau système de caméras placées stratégiquement sur le campus. De petites caméras qui passent souvent inaperçue en raison de leur taille et leurs emplacements. Elles sont souvent difficiles à détecter, ce qui ne donne pas l’impression d’être observé.
Par contre, ce n’est pas dans tous les pavillons que les caméras sont si discrètes. Effectivement, le pavillon Nérée-Beauchemin, qui abrite les bureaux de l’AGE UQTR, la Chasse-Galerie, le 1012 ainsi que les médias étudiants est sous intense surveillance depuis cet été. On retrouve plus d’une douzaine de caméras dans le pavillon. Cela incluant les bars étudiants, des locaux pourtant gérés par ces derniers, qui ont leur propre sécurité. À première vue, on pourrait croire à un voyeurisme quelque peu pervers.
Tout le monde sait que, depuis plusieurs années, les responsables de la sécurité de l’UQTR salivent à l’idée de s’ingérer dans la sécurité de ces établissements étudiants. Heureusement pour eux, la chance de s’imposer s’est présentée avec le renouvellement du contrat d’occupation de la Chasse-Galerie avec l’UQTR.
Dans le cadre de cette nouvelle entente, c’est le Service de la protection publique qui gère la surveillance ainsi que la sécurité lors des évènements étudiants dans les deux bars. C’est un comité formé de deux membres de l’exécutif de l’AGE UQTR et de deux membres du personnel de l’UQTR qui gèreront la sécurité du pavillon.
La sécurité publique a également consulté l’AGE UQTR lorsqu’il était temps de placer les caméras. Par contre, comme il s’agit des bâtiments de l’UQTR, ils peuvent donc en faire ce qu’ils veulent. Lorsque l’on observe la disposition de ces caméras, on se rend rapidement compte que l’ensemble du pavillon, incluant les entrées et la terrasse de la Chasse-Galerie, se retrouve sur les écrans du poste de garde. Ça laisse peu de place à l’imagination.
Il est donc impossible de fréquenter ces endroits sans se sentir observé. Maintenant, on peut suivre l’ensemble de vos allées et venues dans le café-bistro, le 1012, les corridors ainsi qu’à l’extérieur du bâtiment.
On peu se demander s’il est véritablement utile d’avoir un si grand nombre de caméras de sécurité à ces endroits. Il s’agit à la fois d’un invasion de la vie privée ainsi qu’un désaveu des capacités des étudiants à se policer eux-mêmes. La sécurité de la Chasse-Galerie a toujours été bien organisée et le nombre de dérapages a beaucoup baissé dans les dernières années.
Nous avons vécu sans ce genre de surveillance pendant longtemps et tout allait bien pourtant. Pourquoi est-ce que l’administration de la sécurité publique veut à ce point nous observer?
Le bon côté
Malgré tout, lorsque l’on se réfère aux évènements tragiques de Dawson, Caltech et de la Polytechnique, nous pouvons nous compter chanceux d’avoir autant de caméras stratégiquement disposées sur le campus. Si ce système de surveillance sauve une vie, il aura valu la dépense. On se croit souvent à l’abri jusqu’à ce que ça nous arrive. Reste à savoir si les agents de sécurité sont formés pour affronter un tel évènement et si l’utilisation des caméras de sécurité peut vraiment servir.
Nous n’avons pas le choix de céder une partie de nos libertés afin d’être en sécurité. Un malheur peut arriver vite. Espérons seulement que ceux qui ont le contrôle sur les caméras les utiliseront pour le bien de tous et non pour épier les étudiants simplement sur des présomptions. Un tel profilage serait fortement répréhensible et sans but. De plus, soulignons que l’expérience des gardiens de sécurité de l’UQTR peut avoir de bons côté lorsqu’il est temps de gérer des crises ou de gros évènements. Nous pouvons donc tirer du positif de cette expérience.
Nous ne sommes pas dans un état policier comme dans 1984. Big Brother ne nous regarde pas encore. Par contre, il s’agit peut-être d’une porte ouverte vers une surveillance encore plus intense dans les prochaines années. Mais après tout, alors que l’on tient absolument à donner notre location sur Facebook et dans nos tweets, pouvons-nous vraiment affirmer que Big Brother ne nous regarde pas un peu?