Chronologiquement, les enfants retiennent en partie de leurs parents (habitudes, traits, hérédité), et non l’inverse. C’est pour cette même raison qu’il pourrait être dans le sens de la nature qu’il appartienne au parent de se comporter comme un parent, et non comme un(e) ami(e) de ses enfants. En d’autres mots, le parent aurait, selon les stades de développement de l’enfant, un rôle d’encadrement, d’accompagnement et d’éducation. Et c’est à partir de ces fonctions qu’il pourra permettre à un enfant de s’élever à un niveau permettant de se déployer.
Il est nécessaire que l’enfant et le parent puissent se différencier pour que l’enfant se construise une identité propre et réalise une vie affective en dehors de la famille. Le but n’est pas ici de couper la communication aux parents, mais plutôt de ne pas les prendre de manière exagérée pour leurs confidents tout au long de la vie. L’inverse existe aussi, car il est possible que des parents prennent leurs enfants comme ceux et celles qui vont combler leurs besoins face à l’ennui, la dépression, l’anxiété ou la solitude… qui sont des problèmes d’adultes et qui ne leur appartiennent pas.
Pour aller dans le même sens, l’enfant jeune n’a pas l’obligation d’entendre toutes les discussions du parent avec les autres, concernant son autre parent ou des membres de la famille. Il peut s’agir de problèmes d’adultes qui ne sont pas nécessaires dans l’intérêt de son développement, car ils ne concernent pas l’enfant (ex.: assumer un rôle «d’arbitre» dans un conflit entre les parents). Cependant, cela ne signifie pas comme parent de lui mentir ou de ne pas répondre à ses questions si c’est le cas, mais plutôt de bien juger de ce qui lui appartient, selon les situations changeantes et les différents stades de la vie.
Dans des conditions où la séparation entre les générations est peu élaborée, il peut être difficile de «couper le cordon». Ceci pourrait dans certains cas avoir un effet de difficulté à vivre des deuils amoureux par la suite. Il est possible d’avoir comme image en tête le retour de l’enfant chez ses parents, à un âge avancé, après une rupture conjugale. Il n’est pas totalement mauvais de le faire et le point ici n’est pas de faire des généralisations. Et le but n’est pas non plus de critiquer les personnes qui le font, car il s’agit d’un exemple servant au sujet. Toutefois, l’absence de distinctions entre les générations peut faire partie de la cause de ce phénomène, puisque l’on peut croire que l’être humain est naturellement fait pour voler de ses propres ailes lorsqu’il atteint un certain âge.
Il est possible que des parents prennent leurs enfants comme ceux et celles qui vont combler leurs besoins face à l’ennui, la dépression, l’anxiété ou la solitude… qui sont des problèmes d’adultes et qui ne leur appartiennent pas.
Le fait de se comporter comme un parent, et non un ami, peut tout de même être mal interprété par l’enfant, car si le parent décide naturellement de mettre des limites et barrières dans sa relation avec l’enfant, ce dernier peut vivre du rejet ou de l’abandon du parent. Comme parent, il est nécessaire de dire verbalement les raisons derrière les comportements. Cette communication a comme utilité de faire une différence, car l’enfant saura que le parent ne le fait pas par méchanceté, mais par respect pour son autonomie. Il pourra se sentir alors vivant en tant que personne, et non comme le prolongement du père ou de la mère. Cette distinction peut être difficile à faire, même pour certains parents qui «ne veulent pas faire de peine à leur enfant».
Dans le cas où le mode de relation «amicale» entre parent et enfant est installé, il est possible de croire qu’il peut se transmettre aux générations suivantes. Par exemple, lorsque l’enfant deviendra parent, ses propres parents pourront entretenir le même type de relation avec les petits-enfants et venir interférer dans leurs rôles respectifs. Vous entendrez alors des disputes teintées de colère et d’incompréhension. Ce type de réaction peut, dans certains cas, être le résultat d’une relation où les frontières des générations n’ont pas été bien différenciées.
Permettre à l’enfant jeune d’avoir des activités pour lui seulement, ou bien de le laisser s’occuper de son hygiène de manière autonome aussitôt qu’il atteint l’âge de pouvoir le faire, sont des exemples de moyens simples pour commencer à établir une base de frontières entre les générations. Il est aussi souhaitable que le parent puisse reconnaitre que ce n’est pas parce qu’il est le père ou la mère qu’il a le devoir et le droit de s’impliquer dans toutes les facettes de la vie de son enfant. Toutefois, attention à l’extrême opposition, qui serait la négligence ou l’ignorance… et qui ne serait pas plus souhaitable.
Il s’agit plutôt de favoriser la conservation d’une voie où le parent peut se garder suffisamment de place pour avoir son monde intime, ses amis et ses occupations, et où l’enfant (jeune, adolescent ou adulte) a également son monde intime, ses amis et ses activités, en deux univers séparés. Avec ces éléments respectés, il est possible que la «crise d’adolescence» soit mieux vécue, ainsi que l’intimité par la suite à l’âge adulte.