Même si le narcissisme (amour de soi) est associé à des effets indésirables dans certaines situations sociales lorsqu’il est trop présent chez un individu, il possède également des propriétés essentielles pouvant influencer la formation de l’identité.
Lors du développement psychosexuel (Sigmund Freud, 1856-1939), l’être humain vit sa première relation d’amour avec la figure maternelle ou de substitution. C’est entre zéro et deux ans que cette figure d’attachement répondra aux besoins affectifs de l’enfant et que le bébé réussira à se différencier de l’autre personne. Lorsque cette étape se déroule de manière satisfaisante, le bébé développe une relation de confiance avec la figure d’attachement et peut également commencer à avoir confiance en lui-même.
Lorsque cette phase est difficilement vécue, ou qu’il y a des frustrations par rapport aux besoins de base, une blessure du narcissisme peut s’installer et provoquer une difficulté à développer un niveau minimal d’amour-propre. Ce qui explique cette limitation est l’absence de capacité à avoir suffisamment d’amour envers soi-même pour apprendre à se respecter et prendre soin de soi, en tenant compte de ses réelles capacités, besoins et désirs.
Est-ce que la personne se sert de son narcissisme pour faire du bien à l’évolution de la société, ou pour nuire à l’harmonie?
Cela étant dit, l’être humain a généralement besoin d’un niveau minimal d’amour envers soi-même pour un développement plus sain. Le narcissisme ne serait donc pas quelque chose de négatif en soi. Le juste dosage demeure souhaitable pour le développement de l’estime, et celle-ci est liée au narcissisme.
Une personne ayant une trop faible estime d’elle-même risque d’éprouver un malaise lorsqu’il sera temps de défendre ses intérêts et/ou de respecter ses besoins personnels. Elle peut également être à risque d’étouffer ses élans concernant la réalisation de ses talents et faire continuellement passer les autres avant elle-même, au point de nuire à son épanouissement.
Dans le sens contraire, une estime de soi trop élevée peut être associée à des situations où la place de l’autre est peu considérée et où les intérêts personnels de l’individu sont toujours la priorité par rapport à autrui. Lorsque cela est omniprésent, la surestimation de ses attributs et la possibilité d’un égocentrisme démesuré risquent tôt ou tard de provoquer des conflits relationnels.
Toutefois, notons qu’une blessure narcissique peut autant être provoquée par la négligence ou l’insatisfaction des besoins de base du bébé que par l’autre extrême, qui est le «surinvestissement de l’amour» envers celui-ci. Il est important de laisser le jeune enfant faire ses propres expériences d’autonomie (réussites et échecs), mettre une distance graduelle et l’aider à développer sa capacité à réaliser des efforts pour avancer dans la vie.
Malgré cela, il est aussi souhaitable pour les figures parentales et/ou de substitution, de montrer à l’enfant qu’il est aimable malgré tout et que sa présence demeure appréciée. C’est de cette façon que l’enfant comprendra vraiment qu’il a une valeur. Si les conditions le permettent, cela implique ensuite de la part du parent de sexe opposé (père d’une fille, mère d’un fils) de diminuer graduellement sa proximité avec l’enfant vers l’âge de six ou sept ans. Cependant, cela ne signifie pas de disparaitre, mais bien de laisser le parent de même sexe prendre la place principale dans l’éducation et l’accompagnement de l’enfant.
Des politiciens, artistes, athlètes ou toutes autres personnes peuvent se servir de leurs tendances narcissiques pour contribuer favorablement au monde.
Lorsqu’il y a déséquilibre, il est fréquent que les personnes arrivent à posséder une estime déformée de leurs attributs. La plupart des individus ayant des problématiques reliées à l’amour de soi ont des complications reliées à l’estime, qui peuvent influencer leur vie personnelle, relationnelle, professionnelle et sociale. Toutefois, ce n’est pas parce qu’une personne présente des tendances narcissiques qu’elle empoisonnera toujours les relations.
Dans certains cas, le narcissisme peut même être valorisé par la société. Est-ce que la personne se sert de son narcissisme pour faire du bien à l’évolution de la société, ou pour nuire à l’harmonie? Des politiciens, artistes, athlètes ou toutes autres personnes peuvent se servir de leurs tendances narcissiques pour contribuer favorablement au monde. Par exemple, fonder des mouvements, associations ou organismes pour diverses causes.
L’appréciation du narcissisme d’un individu se fait donc à partir de l’évaluation de l’entourage, en regardant la nature de ses conséquences relationnelles et sociales. Cependant, la problématique associée au narcissisme qui est habituellement discutée dans le langage populaire est souvent associée à la présence d’effets négatifs ou nuisibles à l’entourage. Par exemple, un(e) conjoint(e) n’ayant pas de respect pour son/sa partenaire ou un(e) employeur(e) n’ayant pas d’empathie et exploitant ses collègues. Même si cette facette du narcissisme existe et qu’elle est importante, cette vision exclusive demeure limitée.
Sans une base équilibrée d’amour de soi, la personne risque de s’accrocher à «l’amour de l’autre» et en dépendre au point de ne plus se respecter réellement. La limite souhaitable du narcissisme se distingue à partir de la capacité à reconnaitre ses propres failles ou imperfections et arriver à accepter que les autres ne sont pas parfaits et qu’ils ont aussi des forces et des faiblesses.