Un peu à l’image de son départ, des œuvres du défunt artiste Olivier Chevrette sont exposées l’instant d’un clignement d’œil. La Galerie R3 invite le public, du 6 au 12 avril, à se plonger dans L’Univers O.C., qui regroupe une cinquantaine d’œuvres aux accents expressionnistes. Rendue possible grâce à son amie de cœur, Marie-Christine Turcotte, l’exposition posthume révèle un homme sensible dont la création était un exutoire.
De retour aux études après une période anarchiste, Olivier Chevrette trouve son compte dans les murs de l’institution universitaire. Alors étudiant en arts visuels à l’UQTR, il fait sa marque en proposant des projets innovateurs dans le cadre de ses cours. Chevrette sortait du lot et ne laissait aucun membre du département indifférent. Artiste multidisciplinaire, il se dirigeait tout droit vers une brillante carrière, mais la grande faucheuse l’a emporté abruptement en plein travail.
Dans le but de faire connaître quelques pièces de son fond d’atelier, Marie-Christine Turcotte, en collaboration avec l’historienne de l’art Maryse Chevrette, a proposé une exposition qui a pour ambition de voyager à l’extérieur de l’université. L’univers O.C. navigue entre un ludisme ironique, des prises de position sévères et une trame narrative lugubre, voire inquiétante.
Parsemés dans plusieurs toiles ou composant la presque totalité de d’autres, les mots sont un véhicule de plus dans le déversement émotif de l’artiste.
Cet expressionnisme, dont Le cri de Munch est un représentant probant, témoigne d’une angoisse provoquée par des réalités sociales observées par l’artiste. La lecture altruiste de la société, quand elle est faite avec un souci de justice, provoque des vertiges anxiogènes qui sont perceptibles tout de suite en pénétrant dans la galerie. Bien que le résultat esthétique puisse surprendre, la qualité plastique et la composition parfois surréaliste des œuvres provoquent nécessairement une vibration chez le spectateur.
Les mots occupent une grande place dans le travail d’Olivier Chevrette. Parsemés dans plusieurs toiles ou composant la presque totalité de d’autres, les mots sont un véhicule de plus dans le déversement émotif de l’artiste. La peinture est majoritaire dans l’exposition, mais elle cohabite avec le collage, le frottis, l’encre, le dessin, l’objet quotidien travesti et la sculpture. La reprise de petites annonces et d’extraits de journaux agencés à des photographies donne une touche dada à une portion de l’exposition.
La lecture altruiste de la société, quand elle est faite avec un souci de justice, provoque des vertiges anxiogènes qui sont perceptibles tout de suite en pénétrant dans la galerie.
La délicate scénographie invite le spectateur à se faufiler dans une salle de fortune où les propos sont plus dirigés vers la critique sociale. L’aversion que Chevrette porte à l’Église et aux scandales de pédophilie qui l’ont éclaboussée se transmet aisément par l’entrée en matière amenée par une sculpture religieuse en plâtre avec une tête extraterrestre en argile. Sur une toile à l’ambiance macabre, un rang de fidèles se dirige vers un représentant de l’Église et semble se faire engloutir par celui-ci.
Cette même section de l’exposition pointe aussi du doigt les traditions familiales alors qu’est représentée une scène violente entre convives un soir de réveillon. Les deux protagonistes se chamaillent sous le regard attristé d’un autre lors du découpage de la dinde. Une image épurée d’une femme nue embrassant un homme pendu est à la fois touchante et troublante. Est-ce l’amour qui tue ou l’impossibilité d’accepter la mort de l’amour?