Exposition à la Vieille prison : Neuf artistes de la région font parler les murs de la prison

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Les deux artistes, Denis Dion et Lise Barbeau, ainsi que le directeur du Musée, Yvon Noël, affichent un air satisfait lors du vernissage. Photo: M.-C. Perras
Les deux artistes, Denis Dion et Lise Barbeau, ainsi que le directeur du Musée, Yvon Noël, affichent un air satisfait lors du vernissage. Photo: M.-C. Perras

La Vieille prison de Trois-Rivières s’est une fois de plus révélée au public. Cet établissement carcéral désuet fascine à la fois par son architecture, par son emplacement dans la ville et surtout par les conditions exécrables dans lesquelles les détenus ont séjourné jusqu’en 1986. C’est dans ce lieu mythique que s’est déroulée l’exposition hybride entre la poésie et l’installation, D’encre et d’acier, ainsi sois-tu. Lise Barbeau et Denis Dion ont créé sept œuvres visuelles, sonores et vidéographiques à partir d’autant de textes de poètes de la région. Lors du vernissage du 4 septembre dernier, le public pouvait visiter les cellules et cachots de la prison qui étaient parés de surprenants atours.

Le directeur du Musée québécois de culture populaire, Yvon Noël, a livré un discours émotif lors du vernissage. Né d’une idée de faire vivre la musique contemporaine dans le contexte de la Vieille prison, Noël a vu son désir devenir réel. Déjà très proche du musicien-compositeur Denis Dion, les deux acolytes ont fait appel à l’artiste visuel Lise Barbeau et à sept auteurs de la région afin de mettre sur pied une exposition in situ autour du thème d’encre et d’acier. L’acier étant, pour Denis Dion, le bâtir de l’identité d’un peuple et l’encre, son devenir.

Les sept stations sont réparties sur trois étages de la prison. Les sept installations intègrent au moins un moniteur télé et une bande sonore, en plus de sculptures ou d’objets familiers. La première étape du parcours est réservée à Paul Dallaire et à son univers lyriquement tendu et sensiblement libérateur. La petite salle donne le ton au confinement évident de ce que doit être la vie en prison. La visite se poursuit avec Guy Marchand. Il s’implique dans un devoir de mémoire avec son texte Poème pour ne pas mourir. Grand défenseur de l’identité nationale, les mots de Marchand ont inspiré une œuvre interactive où le spectateur était invité à inscrire le nom d’une personne importante afin de l’inscrire dans la postérité. C’est ce qu’il a lui-même fait en évoquant les noms de personnalités marquantes de l’histoire du Québec dans son poème.

Un poème carcéral demeure inscrit sur le mur du fond, ce qui respire la misère de tous les prisonniers qui ont habité cet infâme lieu.

Ensuite, Monique Juteau offre une narration subtilement ludique. Cette artiste de la langue connait merveilleusement bien sa plume et ne rate aucune occasion d’amuser les lecteurs avec ses jeux de mots, ses énumérations et ses mots valises. Du côté de François Désaulniers, l’installation est englobante et feutrée. Son texte musical a donné lieu à une cellule complètement transformée. La prison n’est plus pour un instant et laisse place à un tout autre monde. Se côtoient alors instruments de musique et imprimés de fréquences sonores dans une atmosphère jazzy apaisante.

L’installation inspirée par les mots de Sébastien Dulude représente un corps en disparition, la mort qui plane. Photo: M.-C. Perras
L’installation inspirée par les mots de Sébastien Dulude représente un corps en disparition, la mort qui plane. Photo: M.-C. Perras

L’installation conçue à partir des mots de Christiane Simoneau est plutôt glauque dû à la présence incessante de la cellule désolée. Un poème carcéral demeure inscrit sur le mur du fond, ce qui respire la misère de tous les prisonniers qui ont habité cet infâme lieu. Même l’oreiller posé sur le lit semble avoir gardé en mousse mémoire la torture psychologique des truands devenus victimes des conséquences sociales de leurs agissements. À l’ombre d’où je suis dialogue efficacement avec l’endroit.

Ses mots rendent hommage et font échos à tous les cris étouffés dans le bas fond de cet édifice devenu musée.

Pour clore l’itinéraire, les invités se dirigent vers le sous-sol, vers les lugubres cachots. Impossible de se défaire des images cruelles qui se sont inscrites à jamais dans les pierres de cette atroce cave. memento mori de Sébastien Dulude se fond alors parfaitement dans ce lieu qui sent la mort, la mort de l’âme, la détresse du corps. Finalement, l’installation des phrases percutantes de Rita Pinchaud est disposée dans une pièce de pierre froide suintante de douleur. Ses mots rendent hommage et font échos à tous les cris étouffés dans le bas fond de cet édifice devenu musée.

Présentées jusqu’au 13 septembre 2015, les mises en place de Lise Barbeau et Denis Dion permettent à quelques reprises de se distancier de la vie carcérale, mais la plupart du temps, les horreurs abondent et sont amplifiées. Cet endroit qu’est la Vieille prison gagne à être exploité de maintes manières, et pour cette fois, la rencontre entre l’Histoire et l’Art se marie fort aisément.

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