Je me souviens… Au pouvoir, citoyens!: Docteur, j’ai mal à ma démocratie

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En 1791, l’Acte constitutionnel signé par Londres donne à la «Province of Québec», sa colonie conquise depuis trente ans, sa première institution démocratique: le régime parlementaire. Or, ce parlement à caractère bicaméral (chambre-haute et chambre-basse) est aujourd’hui remis en question, notamment parce qu’il incarne le bipartisme (éternelle opposition entre deux partis, par exemple Whig vs Tory). Première réflexion sur notre pseudo-démocratie.

Un récent sondage CROP-L’Actualité, effectué auprès de mille répondants adultes (entre le 16 et le 21 octobre), demandait: «Si des élections provinciales étaient déclenchées cet automne, quels sont les sujets les plus importants que les partis politiques devraient aborder lors de la campagne?» Le problème, c’est que 19 lignes plus bas, la dernière avant Autre (!), «la réforme du mode de scrutin provincial» arrive au dernier rang des priorités de la population avec 2%. Peut-être qu’après le scrutin du trois novembre, l’ordre de priorité aurait changé, mais soyons sceptiques.

En passant, je vous confie que le second titre de ma chronique (le premier vient de notre devise nationale) est issu d’un excellent petit livre que je vous conseille d’André Larocque (Au pouvoir, citoyens! Mettre fin à l’usurpation des partis politiques, préface de Claude Béland, BLG, 2006) où l’on met de l’avant des mesures pour favoriser l’implication des individus. «Par sa pratique, l’initiative populaire permet au peuple de maintenir un contrôle sur le pouvoir qui est le sien.»

Or, les récentes élections municipales et fédérales démontrent bien que notre démocratie, plus ou moins participative, ne va pas bien du tout. Beaucoup d’éléments portent à croire que notre système démocratique est même déficient à plusieurs égards. Constatons par exemple que plusieurs millions de citoyens méprisent leur principal devoir démocratique: le vote.

Trois-Rivières

Pour 104 800 électeurs, le taux de participation s’est élevé à 56,53%, un taux plus élevé que celui de 2009 (46,4%). Bon déjà, c’est suspect. Je n’arrive pas à comprendre comment une élection a pu être valide quand moins de 50% d’une population concernée se prononce!

On devrait peut-être rendre le vote obligatoire comme dans certains pays où l’abstention de voter est passible de sanctions (Australie, Belgique, Brésil, Bolivie, France, Grèce, Italie, Pays-Bas, Suisse, Luxembourg). Plusieurs de mes amis anarchistes préfèrent s’abstenir de voter pour ne pas encourager un système trop corrompu, mais par cette abstention, ils contribuent à laisser en place des gens à l’éthique douteuse.

Yves Lévesque (49,2% des votes), élu pour son quatrième mandat, faisait surtout face à Sylvie Tardif (31,2%) qui aurait eu une plus grande chance dans le second tour d’un scrutin. Mais la «Mélanie Joly de Trois-Rivières», Catherine Dufresne, a eu la troisième place avec 14% du vote.

Dire que les votes de l’opposition, une fois cumulés, s’élèvent à 50,8%! Alain Soulard, professeur de sciences politiques au Collège Laflèche, appelle lui aussi à une réforme du scrutin, constatant que certains candidats l’ont remporté avec seulement 30% des votes dans leur district.

Finalement, il y aura 16 nouveaux élus, la plupart sans expériences politiques, qui auront bien du mal à s’opposer à un maire tyrannique qui est allergique à la démocratie. Rappelons qu’Yves Lévesque a refusé de participer à deux des trois débats électoraux dans la région, dont celui de l’UQTR. Une personne disait récemment cela sur les réseaux sociaux, et j’ai adoré la formule: «messemble que lorsque tu te présentes pas à une entrevue, tu n’es pas supposé avoir le poste!»

Ah oui, dernière chose, j’ai hâte que la Commission Charbonneau s’arrête en Mauricie…

Ottawa

Si la démocratie québécoise a ses défauts, la méchante grippe de la démocratie canadienne vient peut-être de se transformer en mortelle pneumonie. D’emblée, dans la plupart des élections fédérales, c’est le Parti des abstentionnistes qui l’emporte, soit 40% de la population.

Depuis le 2 mai 2011, les scandales s’accumulent: le Parti Conservateur a obtenu sa majorité, malgré seulement 38% du vote exprimé, sans trop de députés au Québec (passant de 10 à seulement 5 sur 75); une première depuis 1867, le chef de l’opposition officielle est décédé avant même d’avoir pu siéger; le rapatriement de la Constitution de 1982 par Trudeau est finalement entaché d’irrégularités et de mesures anticonstitutionnelles, selon les récentes révélations de l’historien Frédéric Bastien qui fouille toutes les archives britanniques depuis dix ans. S’ajoutent ensuite les scandales entourant le sénat et le bureau du Premier ministre Harper.

Si la démocratie québécoise a ses défauts, la méchante grippe de la démocratie canadienne vient peut-être de se transformer en mortelle pneumonie.

Terminons sur le sénat canadien qui coute 100 millions par année aux contribuables pour 105 sénateurs non élus, désignés en alternance par les divers Premiers ministres. Mais Maxime Bernier a eu sa seule bonne idée de l’année avec son projet de référendum pancanadien. En plus de réconcilier les Québécois(es) avec cette manière privilégiée de prendre part à la démocratie directe, il serait temps de faire enfin le ménage à Ottawa en abolissant le sénat.

Le Québec a d’ailleurs déjà aboli le sien! En effet, le 10 décembre 1968, l’Union nationale adopte la loi créant le réseau des Universités du Québec et en profite pour abolir le Conseil législatif, instituant du même coup un Parlement unicaméral dont la Chambre élective fut aussitôt nommée Assemblée nationale plutôt qu’Assemblée législative.

L’heure est à la réforme urgente de nos institutions démocratiques et à la revalorisation des multiples devoirs des citoyens. Voter n’est pas un privilège, et les droits impliquent des devoirs. Pour paraphraser l’historien Lionel Groulx, réformer le mode de scrutin et assainir les mœurs parlementaires à l’intérieur de la fédération canadienne si possible, à l’extérieur s’il le faut.

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2 COMMENTAIRES

    • Dans ce cas j’invite à lire la section de l’article sur la France : « L’inscription sur les listes électorales est obligatoire en vertu de l’article L9 du code électoral, mais aucune sanction n’est prévue. L’inscription est automatique si l’on est en âge de voter. En revanche, le droit de vote est moralement un devoir pour les citoyens, comme le rappelle l’inscription figurant sur les cartes électorales : « Voter est un droit, c’est aussi un devoir civique ». »
      Étant moi aussi français, je confirme : l’inscription sur les listes électorales – c’est-à-dire avoir sa carte électeur pour pouvoir voter – est obligatoire mais dans la pratique aucune sanction n’existe. Et même si le droit de vote est considéré devoir civique, il n’y a aucune sanction à l’abstention. Cas particulier des « grands électeurs » : Ce sont en fait les députés, conseillers régionaux ou représentants de municipalités etc… qui ont des sanctions au moins s’ils ne se présentent pas au vote d’élection des sénateurs (ils nous représentent donc on espère qu’ils font leur travail…).

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